Israël devant les nouvelles ambitions de la Chine
La récente visite de Mahmoud Abbas à Pékin signale que la Chine souhaite servir d’intermédiaire à la place des Américains et ainsi relancer le processus de paix avec les Palestiniens. Après avoir réussi à réconcilier l’Iran et l’Arabie saoudite, la Chine avance ses pions au Moyen-Orient, lentement mais sûrement. Ses gigantesques chantiers sont devenus familiers sur tous les continents. Ses produits et marchandises inondent tous les marchés internationaux. La Chine progresse dans tous les domaines et sur tous les plans notamment dans la construction de la nouvelle « route de la soie. » Le monde actuel n’est plus bipolaire. Il est dirigé par plusieurs puissances dont les intérêts de chacune ne sont pas toujours compatibles avec ceux d’Israël.
Cependant, la guerre en Ukraine bouleverse la donne géopolitique mondiale et forme de nouvelles alliances. Dans ce conflit, Israël a évidemment choisi son camp et donc ne pourra permettre aux Chinois de servir d’intermédiaire dans un conflit si complexe, d’autant plus que la position de Pékin est bien connue en faveur des Palestiniens. Le rapprochement de la Chine avec les ayatollahs d’Iran et la signature des accords stratégiques entre les deux pays nous inquiètent aussi.
Jusqu’à ce jour, la Chine n’avait pas de stratégie précise au Moyen-Orient alors même que les échanges économiques se sont intensifiés avec le monde arabe. La Chine le voyait essentiellement comme un fournisseur de pétrole. Elle tenait à rester un partenaire purement économique dans cette région. Sur la solution du problème israélo-palestinien, elle ne pouvait concurrencer les Etats-Unis ou l’Union soviétique. Elle demeurait donc un acteur neutre pour pouvoir intensifier, sans contraintes, la coopération économique et ses investissements dans le monde arabe et en Israël.
Dans ce nouveau contexte international, nous devrions donc séparer les bonnes relations bilatérales avec les questions multilatérales.
Contrairement aux Etats-Unis, à la Russie ou à la France, la Chine n’a jamais eu une communauté juive importante qui a pu influer sur les décisions gouvernementales. Certes, le lien étroit entre nos deux peuples est bien ancien et remonte à la communauté juive de Kaifeng, installée il y a plus d’un millénaire. Les Juifs étaient à l’époque et pour la plupart des marchands venus de Perse et d’Inde.
L’antisémitisme n’a jamais existé en Chine. Des petites communautés juives ont prospéré à Harbin, Tianjin et surtout à Shanghai. Dans les années 1930 et 1940, la Chine a accueilli plus de 20.000 Juifs fuyant les camps de la mort nazis. La population juive en Chine a atteint près de 40.000 personnes à la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Depuis le 24 janvier 1992, jour de la cérémonie de la signature de l’accord établissant les relations diplomatiques complètes, les échanges bilatéraux avec la Chine ont été multipliés par plus de 200 et atteignent aujourd’hui plus de 20 milliards de dollars.
La Chine est actuellement le troisième partenaire commercial d’Israël dans le monde et son plus grand partenaire en Asie. Plus d’un tiers des investissements de haute technologie en Israël sont d’origine chinoise.
1200 entreprises israéliennes sont déjà installées en Chine et, ici, de nombreuses sociétés et compagnies chinoises contribuent au développement des infrastructures israéliennes, notamment dans le domaine ferroviaire, des télécommunications, de l’agriculture, des équipements en énergie solaire, et des produits pharmaceutiques. Il existe aussi une large coopération entre les universités dans les projets de recherche et d’innovation, notamment avec le Technion, et les universités de Tel-Aviv et de Béer Shéva.
La coopération culturelle est également fructueuse. L’année dernière, les orchestres philarmoniques des deux pays ont offert un concert mémorable à Pékin, et un festival du cinéma israélien a eu un grand retentissement à Shanghai. Grâce aux vols directs et aux consulats d’Israël installés dans les villes importantes de ce gigantesque pays, plus de 150 000 touristes chinois arrivent ici chaque année.
Au-delà des bonnes et solides relations bilatérales, soulignons qu’Israël a été le premier pays au Moyen-Orient à reconnaître le régime communiste de Mao Zedong, il a fallu attendre plus de quatre décennies pour que la Chine fasse de même. Ses relations amicales avec le monde arabe et ses liens avec l’Union soviétique avaient empêché des relations normales. Deux événements internationaux majeurs avaient changé la donne géopolitique : l’effondrement de l’Union soviétique et la conférence internationale pour la paix au Moyen-Orient réunie à Madrid.
Les relations entre les deux peuples sont toujours basées sur le respect mutuel et des intérêts communs. Les deux peuples proviennent de cultures anciennes qui ont réussi à préserver leur caractère unique et leur patrimoine moral tout au long de milliers d’années d’histoire. Ces deux peuples anciens, ont des histoires riches, de belles cultures, des valeurs et des traditions qui ont laissé une empreinte indélébile sur l’humanité. Ils sont aussi deux peuples modernes, deux civilisations dynamiques qui transforment par leur créativité le monde.
La Chine a toujours été fascinée par l’Histoire juive et la langue hébraïque. De nombreux Chinois considèrent que les Juifs sont très intelligents et ont un sens étonnant des affaires. Le Talmud est considéré comme une sorte de Bible des affaires.
Durant ces trois dernières décennies, la Chine a prouvé sa fidélité et sa forte amitié à l’égard de l’Etat Juif. Elle demeurera pour longtemps encore, un acteur puissant et incontournable dans les affaires internationales. Dans ce contexte, le devoir du gouvernement actuel est de maintenir ces relations dans un esprit constructif, en réfléchissant toujours aux générations futures.
Enfin, en raison des divergences géopolitiques, nous devrions sauvegarder scrupuleusement nos propres intérêts sécuritaires, stratégiques et économiques.