Le Hezbollah profite de la pandémie
La pandémie de Covid-19 a complétement déstabilisé le pouvoir politique au Liban. Dans ce fragile pays le Hezbollah fait la pluie et le beau temps. La milice chiite tient les rênes du pouvoir et dirige un gouvernement fantoche selon sa propre volonté et ses objectifs politiques.
Le Hezbollah agit à sa guise, déroge la réglementation interdisant à toute personnes venant d’Iran de débarquer au Liban, paralyse de nouvelles nominations gouvernementales à la Banque centrale, et menace de retirer son soutien si le gouvernement ne permet pas le retour de plus de 20 000 citoyens libanais (en majorité chiite) principalement bloqués en Afrique.
Le Hezbollah refuse également de déclarer l’état d’urgence, et pour cause, sous le prétexte de mesures sanitaires pour lutter contre le coronavirus, toutes les manifestations sont interdites à Beyrouth et dans les camps de l’opposition. Depuis octobre 2019, le Hezbollah n’était pas en mesure de réprimer les manifestations.
Pour l’heure, l’objectif principal est de survivre à la crise pandémique mais surtout aux premiers signes de famine. A Tripoli, dans le quartier Hay el Sullum, et à Beyrouth, dans la Dahiya, où se situe le siège du Hezbollah, on a enregistré des manifestations de détresse appelant le gouvernement à intervenir pour fournir de la nourriture.
Depuis octobre 2019, le Liban est plongé dans un désastre financier : le revenu moyen se situe entre 2 et 4 dollars par jour dans un pays dont la dette extérieure est la plus élevée des nations par habitant (plus de 80 milliards de dollars). Le dollar américain, qui avait été échangé à un taux officiel de 1 507 livres libanaises pour un dollar, a atteint 2 800 livres libanaises pour un dollar à la fin du mois de mars 2020. L’inflation a bondi de 27% provoquant une flambée de 50% du prix des denrées alimentaires. Le gouvernement libanais a annoncé qu’il n’est plus capable de régler ses prêts extérieurs, tandis que certaines dépêches soulignent la possibilité de s’approvisionner des dépôts, une mesure qui plongerait l’ensemble du pays dans un marasme socio-économique irréversible.
Un citoyen libanais doit payer 90 $ pour se faire tester du Covid 19, tandis que les résidents illégaux au Liban (un million de réfugiés syriens et plus de 250 000 travailleurs étrangers) doivent payer 500 $ pour un seul test. Cependant, certains riches, avec la complicité des banques, ont réussi à faire sortir plus de 6 milliards de dollars du pays, défiant toutes les réglementations interdisant le retrait de plus de 1000 dollars par semaine. L’État avait aussi interdit tout retrait de devises aux distributeurs automatiques de billets. En raison de la pénurie de devises américaines, les marchandises importées deviennent rares à l’exception de celles acquises par l’État.
Dans ce contexte, il est clair que les jours du gouvernement Hassan Diab sont comptés. Les réformes du système politique promises ne sont guère exécutées car la corruption et le vol de l’argent public impliquent toujours les politiciens et les partis politiques. Depuis les accords de Taif de 1989, tous les espoirs de mettre un terme à un système politique fondé sur le favoritisme et les nominations politiques selon une clé sectaire, se sont estompés.
La bataille passionnée entre les adversaires politiques gagne du terrain et s’amplifie. Les couteaux sont tirés par l’ancien Premier ministre Saad Hariri, le chef des Forces chrétiennes libanaises Samir Geagea, et l’ancien ministre des Affaires étrangères et chef du « Mouvement patriotique » Gibrane Bassil, gendre du président Michel Aoun.
La crise du Covid-19, accentuée par le marasme économique, met les dirigeants politiques au pied du mur. Ils devront rapidement reconsidérer leurs positions et tenter une fois de plus de sortir de l’impasse qui paralyse le pays du Cèdre depuis plusieurs mois.