Comment osent-t-ils publier des allégations anti-israéliennes de nettoyage ethnique ?

Jennifer Roskies

L’article publié le 23 septembre 2020 dans le Columbia Spectator par deux étudiants juifs de l’Université de Columbia, intitulé « un argument juif pour le BDS » (boycott, désinvestissement et sanctions) est angoissant et inquiétant sur plusieurs plans.

Il a été écrit par deux étudiants fiers de leur « désapprentissage dramatique », celui du « dogme sioniste » reçu dans leur tendre jeunesse pour soutenir l’État d’Israël. Parallèlement à des distorsions historiques flagrantes, ces deux étudiants de premier cycle lancent de viles accusations contre l’État juif, dont celle de « nettoyage ethnique » – une accusation aussi obscène qu’absurde.

Fort inquiétant de constater que cet article n’a pas été publié sur un site d’un mouvement ou un groupe lié aux organisations islamistes radicales, pour exemple : « Etudiants pour la justice en Palestine » ou « Voix juives pour la paix », mais dans un organe qui figure comme porte-parole officiel des étudiants d’une université, regroupant dans le cadre de la Ivy League huit établissements d’étude supérieure, des plus anciens, des plus prestigieux et des plus élitistes des Etats-Unis.

Ces jours-ci, cette université a organisé un référendum étudiant sur le mouvement BDS. Environ 61% des personnes interrogées ont voté pour exhorter l’institution à mettre un terme à “ses activités, fonds et dotations” en faveur d’entreprises liées à Israël et ses actions.

Environ 27% des étudiants ont voté contre la motion et 11% se sont abstenus.

Le corps étudiant de Columbia ose donc « recommander à l’Université de se dessaisir des entreprises qui profitent ou soutiennent d’une autre manière la politique israélienne envers le peuple palestinien ». Qu’une affirmation aussi scandaleuse, conduisant à un tel vote, puisse être examinée et publiée dans un lieu respectable n’est-elle pas une indication de l’influence qu’elle a acquise grâce à des slogans et des messages rabâchés, répétés par cœur sans écho contradictoire.

Columbia Spectator

Une réflexion s’impose. Cet article a été publié au moment où le peuple juif se recueillait et se livrait à une introspection plus attentive, en ces jours du Grand pardon et de la repentance qui demeurent depuis la nuit des temps et à jamais les plus sacrés et les plus solennels de l’année hébraïque. Chacun examine en toute conscience individuelle ses relations avec Dieu et avec autrui. Réfléchit sur l’année écoulée, ses succès et ses zones d’ombre, et surtout comment améliorer sa conduite dans son propre avenir.

Dans ce contexte, à l’issue de l’article du Spectator, il est bien de notre devoir, de réfléchir aussi comment améliorer nos tactiques et notre stratégie à long terme pour combattre la campagne odieuse contre l’Etat Juif et en particulier cette horrible fausse accusation de « nettoyage ethnique ».

Hélas, ce n’est pas le premier cas où des institutions juives et israéliennes échouent dans leurs tentatives de défendre Israël et le peuple juif contre des accusations déformées et diffamatoires. Comment ne pas répondre tout en laissant nos compatriotes dangereusement exposés ?

Parmi les nombreuses fausses accusations de cette campagne mensongère, en voici quelques exemples :

Les Réfugiés – Depuis la guerre de l’Indépendance (1948-1949) les ennemis d’Israël et nos détracteurs ne cessent d’appeler à un retour massif des réfugiés arabes. Dans la même veine, il a fallu des décennies au monde juif pour organiser des campagnes de sensibilisation au nombre égal de Juifs chassés de leurs foyers dans les pays musulmans.

« Les Territoires palestiniens occupés » – Ce terme erroné devenu usage courant concerne des zones contestées et disputées de Cisjordanie et de Gaza. Pourtant, ces zones n’ont jamais fait partie d’un État palestinien, pour la simple raison qu’il n’a jamais existé.

« Le sionisme est assimilé au racisme » – Le 10 novembre 1975, une résolution infâme, « assimilant le sionisme au racisme », a été adoptée par l’Assemblée générale de l’ONU. Cette tristement célèbre résolution 3379 des Nations Unies a adopté la propagande palestinienne et soviétique pour délégitimer le mouvement d’autodétermination du peuple juif et saper ainsi la légitimité même de l’État juif. Incroyable mais vrai : 72 pays, dont tous les pays musulmans et notamment la Turquie ; tous les pays de l’Est, le Brésil et le Portugal ont osé, 30 ans après la libération des camps de la mort, considérer que « le sionisme est une forme de racisme et de discrimination raciale ». Une ignorance totale de l’Histoire contemporaine et du mouvement de la Libération du peuple juif. Suite à des pressions, à des manifestations diverses et une impressionnante campagne d’information qui durera plusieurs années, cette résolution sera enfin abandonnée.

Salaires aux terroristes – Pendant trop longtemps, cette pratique scandaleuse était appliquée par l’Autorité palestinienne sans aucune impunité. Pourtant, en finançant les familles des terroristes emprisonnés, l’Autorité palestinienne continuait à inciter à la violence, à la haine et aux actes terroristes contre les Israéliens. Une négligence flagrante.   

Le Droit de la guerre – Des doubles standards et des distorsions du Droit international sont devenus monnaie courante lorsqu’il s’agit d’opérations militaires ponctuelles et défensives israéliennes dont le but de Tsahal était de protéger ses citoyens des attaques terroristes : au Liban, dans la bande de Gaza et durant les deux Intifada (1987 et 2000)

Les exemples ci-dessus peuvent conduire à faire un mea culpa mais en réalité et en absence du recul historique nous pouvons quand même reprocher aux organismes juifs et israéliens un manque de créativité et d’imagination. La bonté, la bienveillance, l’humanisme et une certaine naïveté présentée comme « tout le monde est beau et gentil » furent des points vulnérables dans le combat inlassable contre ces allégations monstrueuses.

Prenons le nettoyage ethnique, par exemple. Comment ne pas montrer ces photographies des familles entières chassées du quartier juif de la vieille ville de Jérusalem par la Légion arabe, expulsées de leur propre foyer dont ils vivaient depuis des siècles. Ils étaient interdits de remettre les pieds ou visiter les lieux saints juifs jusqu’à la réunification de la ville en 1967.

Comme de coutume chez les détracteurs d’Israël, les auteurs de l’article dans le Columbia Spectator ignorent les incidents réels de nettoyage ethnique à travers le monde et concentrent leurs allégations uniquement sur Israël. Ils ont omis de mentionner le nettoyage ethnique dans les Balkans dans les années 1990 ni celui des chrétiens d’Orient et des sunnites arabes de Syrie, par des milices chiites soutenues par l’Iran, aujourd’hui encore.

Enfin une pointe d’ironie, cet article est apparu au moment même où les Emirats arabes unis et Bahreïn et plusieurs voix dans le monde arabo- sunnite reconnaissent officiellement et publiquement les Juifs représentant un peuple ayant un lien historique et une présence ancestrale en Terre d’Israël. Alors que nos voisins acceptent cette limpide et claire vérité qu’ils avaient longtemps niée, ce tournant positif doit s’accompagner d’efforts concertés pour la véhiculer notamment dans les publications des campus universitaires à travers le monde.

Le Centre des affaires publiques de Jérusalem a plus d’une fois contribué à changer et à modifier certaines opinions préconçues. Pour exemple, l’Autorité palestinienne paie désormais un lourd tribut pour sa politique d’encouragement au terrorisme en versant des salaires aux terroristes emprisonnés ou à leurs familles. Bien qu’ils n’aient pas changé leur politique à ce jour, la campagne ciblée et énergique de notre étude Incitation au terrorisme: les salaires de l’Autorité palestinienne aux terroristes et à leurs familles (1) a réussi à changer les règles du jeu.

De même, de plus en plus de voix africaines dénoncent la diffamation « Israël est l’Apartheid » comme une insulte aux victimes du véritable l’Apartheid. Voir notre publication :  Islamophobie (2) dont des survivants de cette infâme époque rejettent cette diffamation anti-israélienne.

Une contre-attaque efficace contre toutes ces accusations anti-israéliennes est bien nécessaire. Une campagne d’information tous azimuts appuyée par des documents solides et irréfutables, des recherches approfondies et des témoignages vécus sur des véritables nettoyages ethniques devraient être véhiculés au sein de l’opinion publique internationale et dans les campus.

C’est ainsi, que les comités de rédaction du monde entier et les lecteurs comprendront enfin que ces grossières et mensongères accusations n’ont aucune valeur et ne méritent aucune attention.


Jennifer Roskies est la nouvelle Directrice générale du JCPA-CAPE de Jérusalem, remplaçant Haya Herskovic qui a pris sa retraite après 33 ans de service exceptionnel.

Madame Roskies a grandi à Montréal. Elle a obtenu sa licence à l’Université Brandeis, sa maîtrise à l’Université Harvard et a poursuivi des études de doctorat à l’Université Bar-Ilan.

Mme Roskies a été à ce jour chef de cabinet du président du JCPA, l’Ambassadeur Dore Gold. Alors que ce dernier dirigeait le Ministère des Affaires étrangères, Mme Roskies fut son conseiller principal. Auparavant, elle a également exercé des fonctions au sein de l’Université hébraïque, au centre interdisciplinaire Herzliya et à la Fondation Mandel.