Y-a-t-il vraiment un accord entre les Etats Unis et l’Iran?
Les deux pays ont démenti catégoriquement les “révélations” parues récemment dans le “New York Times” selon lesquelles l’Iran et les Etats Unis mènent des négociations directes sur l’avenir du programme nucléaire. Toutefois, Téhéran se servira de ces informations pour ébranler le consensus concernant les sanctions qui lui sont appliquées.
Se basant sur des “sources officielles au sein de l’administration d’Obama”, le quotidien américain précise que les Iraniens ont insisté sur le fait que les négociations devraient avoir lieu après les élections présidentielles en Iran.
Cependant dans le même article nous pouvons lire un démenti formel de la Maison Blanche et qu’aucun accord n’a été discuté et conclu. Tommy Victor, porte parole du Conseil national de Sécurité, a précisé dans un communiqué: “les Etats Unis et l’Iran n’ont jamais convenu de tenir des négociations directes ou des réunions quelconques après les élections aux Etats Unis”.
Est-il possible que des hauts fonctionnaires de l’administration transmettent à l’un des journaux les plus influents des Etats-Unis une information et dans la même veine d’autres responsables disent exactement le contraire?
La chaîne de télévision NBC a proposé sa version en affirmant que des négociations entre les Etats Unis et l’Iran ont bien eu lieu mais par le biais d’un canal indirect et secret (Back Channel) dont le but d’établir un lien direct entre les deux pays. Par définition, les pourparlers “Back Channel” sont des négociations non officielles où les fonctionnaires de l’Etat ne sont pas impliqués et seuls des universitaires, des anciens officiers militaires et des diplomates à la retraite y participent. Ainsi, elles permettent aux gouvernements de démentir leur existence.
Ce n’était pas la première fois que ce genre de pourparlers a eu lieu entre les Etats-Unis et l’Iran. Le 4 mai 2003, l’ambassadeur helvétique à Téhéran, Tim Goldimn (en raison de l’absence de relations diplomatiques, c’est la Suisse qui est en charge des intérêts américains) avait envoyé une missive à son homologue en poste à Washington selon laquelle l’Iran serait disposé à une réconciliation avec les Etats-Unis. Cette initiative a été transmise sans délai au département de l’Etat. Nous apprenons par la suite que la proposition iranienne a été rédigée par l’ambassadeur d’Iran en France dont la sœur est mariée au fils d’Ayatollah Khamenei.
A cette époque, nous étions après l’invasion américaine en Irak et le gouvernement iranien craignait que le président Bush s’apprête à attaquer également leur pays après avoir vaincu Saddam Hussein. De ce fait, des indications sur de proches négociations avec les Américains éviteraient toute attaque future de l’Occident.
La missive de l’ambassadeur helvétique surnommée “le fax de Goldimn”, a trouvé son chemin dans les médias. Nicolas Kristof du “New York Times” avait critiqué vivement l’administration Bush pour ne pas avoir accepté l’offre iranienne. Condoleeza Rice a tout de suite démenti en affirmant qu’elle n’avait jamais vu la proposition de Téhéran. Cependant, le département d’Etat a examiné attentivement le document en s’interrogeant sur les réelles intentions de Téhéran? Richard Ermitage, ancien Secrétaire d’Etat-adjoint a déclaré au journal “Newsweek” qu’il n’était pas capable de savoir quelle est la part de vérité de la proposition iranienne et n’y a-t-il pas une certaine imagination de la part de l’ambassadeur suisse.
Quatre ans plus tard, Hussein Shariatmadari, porte parole personnel d’Ayatollah Khamenei a affirmé que le fax en question n’a jamais eu l’approbation du guide spirituel. Cette affaire explique parfaitement les inconvénients et les complications de mener un dialogue entre les pays sans la participation active des autorités officielle compétentes.
Les Iraniens ont déjà manifesté leur talent de pouvoir exploiter à leur avantage des informations de ce type.
En fin de compte, l’Iran a bien accepté en 2003 d’entreprendre des négociations officielles avec des représentants européens pour un objectif plus limité, à savoir réduire les pressions internationales et empêcher que le Conseil de Sécurité de l’ONU adopte des résolutions contre lui durant plus de trois ans. Téhéran a exploité les négociations pour semer également la zizanie entre les Américains et ses alliés européens.