Terrorisme à Téhéran et nouveau mandat pour Rohani

L’Organisation de l’Etat islamique a revendiqué les derniers attentats perpétrés à Téhéran, qui ont fait 17 morts.

Ces attaques terroristes ont visé deux symboles du pouvoir : le Parlement et le mausolée du Guide spirituel, l’Ayatollah Khomeini, fondateur de la République islamique iranienne.

Le ministre iranien chargé du Renseignement a déclaré que les auteurs étaient des membres iraniens de Daesh qui avaient combattu en Syrie et en Irak. C’est la première fois que l’Organisation de l’Etat islamique revendique des attentats sur le sol iranien.

Les autorités iraniennes ont accusé les Saoudiens en précisant que la dernière visite du président Donald Trump dans la région avait fortement encouragé Ryad de lancer des opérations contre l’Iran.

Le chef des Gardiens de la Révolution a promis de se venger contre l’Arabie saoudite, les Etats-Unis et Israël. Rappelons que les Saoudiens sont toujours confrontés aux rebelles chiites du Yémen.

L’Oncle Sam dépose une gerbe sur la tombe de “la politique d’Obama”.

Caricature parue dans Al-Awsat, 21 mai 2017

Daesh a publié récemment une vidéo appelant, en farsi, la minorité sunnite iranienne à se révolter contre le pouvoir des Ayatollahs. Les dirigeants de l’Organisation islamique appellent également à créer des réseaux terroristes et à brûler des mosquées chiites. Ils accusent Téhéran de jouer un double jeu en précisant que la communauté juive iranienne jouit d’un statut préférentiel tandis que les sunnites sont persécutés. Les Ayatollahs ne peuvent prétendre à une politique antisioniste et anti-américaine et crier « Mort à Israël et Mort à l’Amérique » tout en poursuivant parallèlement une politique de rapprochement avec l’Occident.

Suite aux récentes attaques terroristes, les autorités iraniennes ont justifié leur intervention en Syrie en expliquant qu’il s’agissait d’une stratégie conforme à la sécurité du pays. Le but est de défendre le territoire iranien au-delà des frontières et ainsi d’éviter que des réseaux terroristes venant de l’extérieur agissent contre les intérêts vitaux de l’Iran.

Il est clair que l’Iran affronte ces jours-ci de graves problèmes sécuritaires, à la fois intérieurs et extérieurs. De ce fait, Téhéran renforce ses interventions en Syrie, au Yémen et en Irak, dans le cadre d’un combat plus vaste contre Daesh, mais aussi contre les Kurdes, et des groupes sunnites installés le long de frontière avec le Pakistan.

Dans ce contexte, le renouvellement du mandat du président Hassan Rhani laisse les observateurs perplexes.

Le 19 mai 2017, Hassan Rohani, a été réélu à la présidence pour un deuxième mandat, remportant 57% des voix.

Au cours de sa campagne électorale, Rohani s’est retrouvé face au candidat conservateur, Ebrahim Raisi. Ce dernier était soutenu par le Guide spirituel, Khamenei, et il figurait comme son probable successeur. Il était aussi le favori des Pasdarans.

Le fait que Rohani ait été élu en dépit de la déception croissante des Iraniens prouve que le peuple a choisi sans enthousiasme le « moins dangereux ». Soulignons que Raisi était responsable des exécutions de nombreux prisonniers politiques à la fin des années 1980.

L’ancien Premier ministre Mir Hossein Moussavi, en résidence surveillée depuis 2011

Les mesures auxquelles Rohani a fait allusion lors de sa campagne électorale visant à améliorer la situation économique font face de nombreuses difficultés. Ces mesures avaient pour but de taxer les plus riches et notamment les Pasdarans, dont les activités représentent plus de la moitié du budget de l’économie iranienne. Les Pasdarans financent l’exportation de la Révolution, ainsi que les groupes terroristes chiites et les familles des auteurs d’attentats : les chahids.

Les Gardiens de la Révolution bénéficient d’un statut particulier distinct des autres strates sociales. La tâche de Rohani est aussi devenue beaucoup plus compliquée depuis la mort en 2017 de l’Ayatollah Ali Akbar Hashemi Rafsandjani. Il fut l’un des instigateurs de la Révolution islamique aux côtés de Khomeiny, mais opposé aux Pasdarans.

La détresse des jeunes Iraniens qui, en majorité, ont voté pour Rohani demeure profonde car la plupart des promesses électorales n’ont pas été tenues. Le taux de chômage est toujours très élevé. Pourtant, Rohani avait promis de nouveaux emplois, plus de justice sociale, et des réformes, ainsi que des libertés personnelles et politiques.

Le président iranien n’était pas non plus capable de libérer de leur détention les dirigeants du camp réformateur, dont l’ancien Premier ministre, Mir Hossein Moussavi, et l’ancien président du Majlis (Parlement) Mehdi Karroubi.

Cet échec de Rohani n’a pas estompé l’espoir de changement chez les jeunes mais en revanche il risque de déclencher une nouvelle vague de protestation pareille à celle de 2009, qui fut violemment opprimée. Pour l’heure, rien n’indique un changement positif dans un avenir proche, ni une amélioration significative des problèmes des droits de l’Homme et de la société civile.

Aujourd’hui comme hier comme, et surtout pour des motifs mercantiles, il semble que l’Occident préfère minimiser tous ces problèmes en se contentant de présenter le président Rohani comme un homme réformiste et libéral.

Le président Rohani n’a aucun contrôle réel sur la politique étrangère ni sur l’exportation de la révolution islamique. Les objectifs de la politique étrangère de l’Iran sont déterminés et mis en œuvre par le Guide spirituel, Khamenei, et par les Gardiens de la Révolution.

Au Moyen-Orient, l’Iran n’a pas encore réussi à s’imposer face aux bouleversements du Printemps arabe. Téhéran s’efforce, avec les forces al Qods, de maîtriser les rebelles sunnites et d’achever une suprématie chiite révolutionnaire dans la région. Le but est d’assurer un contrôle efficace et de garantir une bande territoriale chiite qui s’étendrait de l’Iran, à travers la Syrie et le Liban, jusqu’à la Méditerranée, et au Sud vers les États du Golfe et l’Arabie Saoudite, avec des positions stratégiques en mer Rouge et au Yémen.

Soulignons qu’à la veille de la visite du Président Trump en Arabie saoudite, des rebelles Houthis au Yémen avaient lancé vers Ryad un missile balistique Burkan-2, capable d’atteindre 675 km.

Un missile balistique Burkan-2 a été lancé par les Houtis vers Ryad en mai 2017

Suite aux récentes attaques terroristes à Téhéran, il faut prévoir une intensification de l’implication de l’Iran en Syrie, en Irak et au Yémen.

Sur le plan diplomatique, il est en effet symbolique que le jour même de la victoire électorale de Rohani, le président américain, Donald Trump, ait ouvert un nouveau chapitre dans la politique régionale des États-Unis. Il s’est rendu en Arabie saoudite, chez l’adversaire le plus farouche des Iraniens.

Un dialogue renouvelé sur le processus de paix israélo-palestinien va sans doute mettre l’Iran sur la sellette. L’Iran demeure le leader du camp du refus et rejette tout règlement politique avec Israël. Il finance et forme les organisations terroristes dont le Hezbollah, le Hamas et le Jihad islamique palestinien.

La nouvelle politique de l’Administration Trump a complètement gommé la ligne de conduite du président Obama qui était favorable à un dialogue avec Téhéran. Les États-Unis ont ouvert une nouvelle page de défiance envers l’Iran, qui se considère plus que jamais comme une superpuissance régionale. La ferme position de Trump risque d’augmenter les frictions entre Téhéran et Washington.

L’Iran, essayera comme par le passé de mettre les Palestiniens au-devant de la scène et de faire comprendre aux populations arabes qu’il est bien le seul à soutenir leur cause après la « trahison » des chefs arabes et leur ralliement au Président Trump.

 

Michael Segall

 


Pour citer cet article :

Michael Segall, « Terrorisme à Téhéran et nouveau mandat pour Rohani », Le CAPE de Jérusalem, publié le 15 juin 2017 : http://jcpa-lecape.org/terrorisme-a-teheran-et-nouveau-mandat-pour-rohani/


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