Nouvelle Charte du Hamas ? Même stratégie, mêmes objectifs

Le 1er mai 2017, le chef sortant du Hamas, Khaled Mechaal, a présenté à la presse un nouveau programme politique. Ce document était très attendu et certains observateurs soulignaient que le Hamas avait enfin changé de cap. Il est devenu, selon eux, plus pragmatique puisqu’il serait même prêt à renoncer à toute la Palestine et à reconnaître l’existence de l’Etat d’Israël dans les frontières d’avant juin 1967.

En lisant attentivement ce document et les réactions immédiates des chefs du Hamas, il est clair que la réalité est bien différente.

Ce programme n’est qu’un écran de fumée qui cache les réelles intentions du mouvement islamique. En fait, le Hamas n’a pas abrogé sa charte, elle n’est nullement caduque. Ce document décrit la stratégie à adapter en raison des circonstances politiques actuelles. 

Les principaux points de ce nouveau programme politique du Hamas sont les suivants :

1. L’islam demeure la seule source qui inspire les stratégies et les objectifs. Sur ce point, rien n’a donc changé en comparaison avec la charte. Celle-ci explique en effet que « l’islam est sa règle de vie ; il en tire ses idées, ses concepts de même que ses points de vue sur l’univers, sur la vie et sur l’homme ; c’est à lui qu’il se remet pour juger de l’ensemble de ses pratiques et c’est de lui qu’il tire les indications de la Voie droite sur laquelle mettre ses pas. »

2. Le nouveau document dénie le droit du peuple juif à l’autodétermination sur la Terre d’Israël, tout en prétendant que l’établissement d’Israël en tant qu’État est illégitime, et que le sionisme demeure l’ennemi de l’humanité. Dans son programme, le Hamas prétend « qu’il ne lutte pas contre les Juifs mais contre les sionistes qui occupent la Palestine ».

La charte du Hamas dit ainsi : « le Mouvement de la Résistance Islamique est un mouvement palestinien spécifique qui fait allégeance à Dieu, fait de l’islam sa règle de vie et œuvre à planter l’étendard de Dieu sur toute parcelle de la Palestine. A l’ombre de l’islam, les fidèles de toutes les religions peuvent coexister en toute confiance et sécurité pour leur vie, leurs biens et leurs droits ; en l’absence de l’islam, les luttes apparaissent, l’injustice se développe, la corruption se répand, les conflits et les guerres surviennent. »

 3. Le caractère purement islamique sur toute la Palestine implique le plein déni de tout lien ou droit du peuple juif ou du christianisme sur la Terre sainte. Plus choquant encore, le Hamas prétend, selon le Coran et des sources islamiques, que Jésus n’était ni juif ni chrétien, mais un prophète de l’Islam qui avait obtenu la doctrine islamique d’Allah.

Dans la charte du Hamas il est dit textuellement : « Le Mouvement de la Résistance Islamique considère que la terre de Palestine est une terre islamique « waqf » pour toutes les générations de musulmans jusqu’au jour de la résurrection. Il est illicite d’y renoncer en tout ou en partie, de s’en séparer en tout ou en partie : aucun Etat arabe n’en a le droit, ni même tous les Etats arabes réunis ; aucun roi ni président n’en a le droit, ni même tous les rois et présidents réunis ; aucune organisation n’en a le droit, ni même toutes les organisations réunies, qu’elles soient palestiniennes ou arabes. »

4. Le document justifie la lutte armée pour libérer la Palestine, tout en accordant une légitimité à l’existence et aux actes des organisations terroristes palestiniennes. En fait, l’Etat palestinien devrait être établi dans des frontières temporaires (lignes d’avant juin 1967) comme une première étape vers une lutte armée permanente jusqu’au jour où l’Etat Israël sera complètement détruit “du fleuve à la mer”.

Dans la charte du Hamas nous pouvons lire que « « le Mouvement de la Résistance Islamique est l’un des épisodes du jihad mené contre l’invasion sioniste. Il est étroitement lié au soulèvement du martyr “Izz al-Dîn al-Qassâm et de ses frères combattants du jihad des Frères musulmans en 1936. Il est aussi étroitement lié à un autre épisode, celui du jihad des Palestiniens, des efforts et du jihad des Frères musulmans dans la guerre de 1948 de même que des opérations de jihad menées par les Frères musulmans.  L’invasion sioniste est une invasion cruelle qui ne recule devant aucun procédé mais utilise tous les moyens vils et corrompus pour réaliser ses aspirations. Pour ses opérations de subversion et d’espionnage, elle s’appuie fortement sur les organisations secrètes qu’elle a engendrées comme la franc-maçonnerie, les clubs Rotary et Lyons et autres organisations d’espionnage. Toutes ces organisations secrètes ou publiques opèrent au service des intérêts du sionisme et sous ses orientations. Elles visent à miner les sociétés, à détruire les valeurs, à annihiler les consciences, à pourrir la morale et à anéantir l’islam. Ce sont elles qui sont derrière le commerce de la drogue et de l’alcool sous toutes leurs formes pour faciliter au sionisme puissance et expansion. Les Etats arabes qui entourent Israël sont priés d’ouvrir leurs frontières aux combattants du jihad, fils des peuples arabes et islamiques, pour qu’ils puissent jouer leur rôle et joindre leurs efforts à ceux de leurs frères de l’Association des Frères musulmans en Palestine. Quant aux autres Etats arabes et islamiques, ils sont priés de faciliter les déplacements des combattants du jihad vers et depuis [leur territoire], c’est le moins qu’ils puissent faire. » 

5. Ce nouveau document du Hamas exige de nouvelles élections au sein de l’OLP et ses institutions, tout en refusant la ligne politique de l’Autorité palestinienne et les accords qu’elle a signés avec Israël.

6. Le document rend hommage à tous les « hommes de bonne volonté et libres » à travers le monde, à tous ceux qui soutiennent la lutte palestinienne contre Israël. Une analyse faite sur la politique du Hamas au fil des dernières années, ainsi que le nouveau document politique qui vient d’être officiellement publié, indique clairement que les dirigeants du Hamas tentent par tous les moyens de démontrer un certain pragmatisme afin de pouvoir créer un dialogue avec l’Occident, les institutions internationales et les Nations-Unies. L’objectif principal est d’être reconnu par la communauté internationale comme acteur politique légitime tout en s’efforçant de modifier son image et effacer sa désignation d’organisation terroriste. Les dirigeants du Hamas tentent aussi de donner l’impression que le temps joue en réalité en faveur des Palestiniens, et que toute alliance avec Israël sera contreproductive et néfaste à long terme.

Ce qui est stupéfiant dans cette supercherie du Hamas c’est qu’il n’a jamais reconnu l’autorité des Nations-Unies, ni ses institutions ou ses résolutions, y compris la fameuse Résolution 181 sur le partage de la Palestine adoptée le 29 novembre 1947 par l’Assemblée générale de l’ONU.

Cependant, le Hamas poursuit son double jeu cynique et au cours des dernières années tente de faire comprendre aux yeux de la communauté internationale qu’il a changé de cap, qu’il est maintenant prêt à participer au dialogue politique tant que ses objectifs ne seront pas modifiés. En cachant ses réelles intentions et en mettant en relief le dialogue avec l’Occident, le Hamas croit-il vraiment réussir à tromper une fois de plus sur les principes islamiques de base qui le guident, ceux du jihad, dont l’objectif est de libérer la Palestine et de détruire Israël ? Il s’agit bien entendu, d’une illusion. La supercherie est flagrante.

Pour l’heure, le but primordial du Hamas est de traduire le pouvoir politique qu’il a accumulé, par le contrôle de la bande de Gaza et le soutien qu’il reçoit des Etats islamiques comme l’Iran, pour prendre en charge toutes les institutions palestiniennes représentatives également de Cisjordanie.

Bien que le Hamas demande à rejoindre l’OLP en évoquant un processus de réconciliation sincère, il s’agit en réalité de conquérir le pouvoir et d’être reconnu, tel que l’Autorité palestinienne, par la communauté internationale comme le seul et exclusif représentant du peuple palestinien. Le but ultime du Hamas est de pouvoir contrôler tous les courants de l’Organisation de Libération de la Palestine et d’assurer sa légitimité pour dominer, après un bras de fer, tous les territoires palestiniens.

Le Hamas s’efforce ces jours-ci de saper le contrôle de l’Autorité palestinienne sur la Cisjordanie par le lancement d’une nouvelle Intifada, sous différentes formes. Le moment, est pour lui, opportun pour pouvoir construire une infrastructure politique et administrative et pour participer à la bataille de succession de Mahmoud Abbas.

Pour le moment, il semble que le Hamas souhaite maintenir un statu quo dans le conflit avec Israël. Il emploiera des moyens diplomatiques, juridiques et de propagande, en utilisant les résolutions des institutions internationales, les sanctions et les décisions des tribunaux internationaux. Le Hamas accorde une importance particulière aux ONG et aux mouvements d’extrême gauche en Occident pour faire entendre avec force la voix des Palestiniens et soutenir sa cause à travers le monde.

Enfin et à ce stade, le Hamas n’a aucun intérêt à relancer les hostilités dans la bande Gaza. Toutefois rien n’est à exclure si le Hamas cherche à tout prix à prendre le pouvoir face au Fatah en Cisjordanie. Toutes les manœuvres et les options sont envisageables pour renforcer son autorité sur le terrain.

Jonathan D. Halevi

 


Pour citer cet article :

Jonathan D. Halevi, « Nouvelle Charte du Hamas ? Même stratégie, mêmes objectifs », Le CAPE de Jérusalem, publié le 16 mai 2017 : http://jcpa-lecape.org/nouvelle-charte-du-hamas-meme-strategie-memes-objectifs/