Nétanyahou a tiré la communauté internationale de sa torpeur
Dans quelques jours nous connaîtrons la décision officielle et définitive du Président Donald Trump concernant l’avenir du projet nucléaire iranien, mais les révélations faites le 30 avril 2018 par le Premier ministre, Benjamin Nétanyahou, ont déjà brouillé les cartes.
Il a dévoilé au grand jour toute la supercherie avec l’appui de documents officiels originaux frappés du sceau du régime iranien.
Désormais, nous pouvons donc affirmer clairement et sans aucune ambiguïté que l’Iran possède un programme d’armement nucléaire. On constate également que l’accord nucléaire iranien (JCPOA), signé le 14 juillet 2015 à Vienne, avait été négocié sous de faux prétextes.
Lors des pourparlers sur le projet nucléaire, les négociateurs iraniens ont faussement assuré aux pays occidentaux qu’ils ne cherchaient pas à acquérir un arsenal nucléaire parce qu’il existait une fatwa, une décision judiciaire islamique interdisant le développement d’armes atomiques émises par le Guide suprême, Ayatollah Ali Khamenei.
L’ancienne Administration américaine nous a aussi prédit qu’une fois que l’accord entrerait en vigueur, l’Iran modérerait sa politique internationale. Mais voilà que depuis la signature de l’Accord en juillet 2015, les déploiements des forces iraniennes en Syrie et ailleurs se sont renforcées. Téhéran poursuit ses transferts d’armes à des éléments radicaux et terroristes du Moyen-Orient, et menace de déstabiliser les régimes voisins. Soulignons également la présence sur le champ de bataille en Syrie, du commandant de la force al-Qods, le général Qasem Soleimani.
Aucune modération n’est donc perçue à l’horizon.
On nous a aussi prédit que l’Iran abandonnerait son programme atomique à des fins militaires, et que son projet nucléaire serait pacifique. Cette estimation était basée sur un rapport non classifié publié en 2007 par la National Intelligence Estimate (NIE) qui fut d’ailleurs discrédité par la Grande-Bretagne, la France, l’Allemagne et Israël. Même l’AIEA (l’Organisation internationale de l’Energie atomique) avait affirmé qu’elle ne pouvait pas dire avec certitude que le programme nucléaire iranien serait totalement abandonné.
Enfin, même l’idée d’installer un système d’inspection robuste pour vérifier les intentions réelles de l’Iran a été rejetée et Téhéran a refusé que des inspecteurs de l’AIEA puissent avoir accès à ses sites militaires. Dans l’attente, l’Iran a été condamné pour avoir testé des missiles balistiques capables de transporter des ogives nucléaires, bafouant ainsi la résolution 2231 du Conseil de sécurité des Nations-Unies.
L’ancien Secrétaire d’État américain John Kerry avait aussi déclaré devant la Commission de la Défense du Sénat : « Il est possible que, si l’Accord est respecté et correctement mis en œuvre, eh bien, l’économie iranienne s’améliora considérablement suite au soulagement des sanctions, cela renforcera les forces modérées du régime iranien. » La chute de la monnaie iranienne et la crise économique actuelle contredisent les pronostics de Kerry. Ce dernier ose, encore aujourd’hui, bien qu’il n’exerce aucune fonction officielle, tenter de persuader les Européens et les Iraniens de préserver l’Accord.
Cette approche de l’Administration Obama a été mise en lumière dans un article publié avant la signature de l’Accord par le New York Times Magazine. Son auteur, David Samuels, y écrivait : « Hassan Rohani a réussi à battre la ligne dure du régime et son élection démontre une politique d’ouverture et une volonté nouvelle pour négocier le démantèlement du programme d’armes atomiques. »
Précisons que les négociations secrètes avec l’Iran ont débuté bien avant l’élection de Rohani, alors que Mahmoud Ahmadinejad était encore au pouvoir.
Soulignons que malgré l’Accord du JCPOA, les Iraniens poursuivent leurs discours belliqueux et continuent à promouvoir l’idée qu’Israël devrait être rayé de la carte. Il n’y a eu aucun changement dans la politique iranienne.
Au cours des dix dernières années, plusieurs révélations ont été rendues publiques sur le programme nucléaire iranien et elles confirmaient que Téhéran cherchait à tout prix à acquérir une arme nucléaire, quoi qu’en disent ses dirigeants.
En février 2008, Olli Heinonen, alors Directeur général adjoint de l’AIEA, avait révélé lors d’un briefing confidentiel que l’Iran fabriquait une ogive pour ses missiles Shahab 3 qui devait être détonée à une altitude de 600 mètres. À cette hauteur, une explosion conventionnelle n’aurait aucun effet sur le sol. Mais c’était bien la hauteur de l’explosion de la bombe atomique utilisée sur Hiroshima. Le Shahab-3 est opérationnel depuis 2003. Il a une portée de 1 300 km et pourrait frapper Israël depuis le territoire iranien.
Trois ans plus tard, en mai 2011, l’AIEA avait signalé qu’elle était préoccupée par « l’existence possible » de sept domaines de recherche militaire iraniens. L’une des révélations les plus alarmantes du rapport de l’AIEA a été la recherche menée sur « le remplacement de la charge explosive conventionnelle de l’ogive du missile Shahab-3 par une charge nucléaire sphérique ». Il convient de rappeler que le libellé du rapport de l’AIEA ne portait que sur « l’existence possible » de ces travaux. Les rapports ultérieurs étaient plus précis, mais étaient basés sur des renseignements occultes. Donc, le doute pouvait toujours planer sur la véracité de ces rapports.
Le 30 avril 2018 tout bascule et le masque tombe. Les révélations présentées par le Premier ministre Benjamin Nétanyahou dévoilent un certain nombre de ces mêmes rapports qui semblaient familiers à ceux qui connaissaient les travaux de l’AIEA. Aujourd’hui, avec ces documents officiels originaux que possède Israël il est clair que tout l’accord nucléaire iranien, le Plan d’action global commun (JCPOA), a été négocié sous de faux prétextes. Il s’agit bien d’un tournant significatif.
Prenons, par exemple, l’affirmation fréquemment faite au cours de ces pourparlers selon laquelle l’Iran ne pouvait pas avoir travaillé sur une bombe nucléaire, parce qu’il y avait une fatwa, une décision juridique islamique, interdisant le développement des armes atomiques émises par le Guide suprême d’Iran, l’ayatollah Ali Khamenei. Le président Obama a fait référence à la fatwa le 27 septembre 2013. Le 24 novembre 2013, le Secrétaire d’État John Kerry a parlé de la fatwa iranienne et du fait que le ministre iranien des Affaires étrangères Zarif y avait fait allusion. Un porte-parole du Conseil de sécurité nationale des États-Unis a déclaré à cette occasion que les Iraniens avaient soulevé la fatwa lors de leurs négociations avec l’Occident.
Bien entendu, il n’existe aucune fatwa concernant le nucléaire sur le site de Khamenei, mais les rumeurs sur la fatwa ont été utilisées par les négociateurs iraniens pour assurer faussement à l’Occident que l’Iran ne cherchait pas un arsenal nucléaire. Avec les révélations israéliennes la propagande et la ruse s’écroulent.
Ajoutons également l’hypothèse des négociateurs selon laquelle l’Iran évoluait dans une direction « modérée ». C’était un thème central « vendu » à l’administration américaine par Ben Rhodes, le conseiller adjoint à la sécurité nationale et les communications stratégiques.
Sur le terrain, nous constatons une autre réalité. L’Iran cherche une hégémonie régionale au Moyen-Orient avec des forces qui soutiennent les insurrections au Liban, en Syrie, en Irak, à Bahreïn et au Yémen. Certains rapports révèlent que les Iraniens cherchent à aider le Polisario contre le Maroc.
Une énorme différence existe dans chaque négociation avec un État comme l’Iran si on suppose qu’il n’a pas l’intention de fabriquer des armes nucléaires par rapport à une situation dans laquelle vous avez des preuves irréfutables que l’Iran est déterminé à devenir une puissance atomique. Le contenu de tout accord sera très différent.
Bien qu’un débat existe sur les clauses enfreintes par l’Iran dans le JCPOA, on peut affirmer clairement qu’à la lumière des révélations israéliennes, l’Iran a incontestablement violé le Traité de non-prolifération nucléaire de 1970.
Prenons, par exemple, la nécessité d’un système de vérification et de contrôle vraiment robuste qui inclurait les sites nucléaires non déclarés, mais aussi la question des restrictions sur les missiles balistiques.
Les Nations-Unies ont imposé de telles limitations à l’arsenal de missiles de Saddam Hussein après la Première guerre du Golfe en adoptant la Résolution 687. Mais dans le cas de l’Iran, le P-5 +1 a réglé le problème de vérification mais n’y a pas inclus les missiles balistiques.
Une approche différente est nécessaire. Dans le domaine nucléaire, le régime de contrôle doit être très différent pour un État qui a pour objectif de se doter d’armes nucléaires et d’acquérir les systèmes et le matériel de production.
Pour toutes ces raisons, le JCPOA doit être complètement remanié et modifié à la loupe. Ce n’est pas une question de confiance mais de vérification de tout l’ensemble, et avec tous les moyens, comme avait l’habitude de dire l’ancien président Ronald Reagan.
Dore Gold
Pour citer cet article :
Dore Gold, « Nétanyahou a tiré la communauté internationale de sa torpeur », Le CAPE de Jérusalem, publié le 6 mai 2018 : http://jcpa-lecape.org/netanyahou-a-tire-la-communaute-internationale-de-sa-torpeur/