L’Iran des Ayatollahs peut-il être un allié crédible de l’Occident ?
La possible signature d’un accord nucléaire avec l’Iran ne laisse pas d’inquiéter les observateurs. Tous sont en effet préoccupés par le changement d’attitude des pays en charge des négociations avec Téhéran (Etats-Unis, Russie, Chine, Grande-Bretagne, France et Allemagne). Leur but ne semble plus être d’éliminer la possibilité pour l’Iran de fabriquer des armes nucléaires, mais de restreindre ses capacités atomiques tout en lui permettant de manœuvrer à sa guise le temps voulu.
La meilleure façon d’évaluer la probabilité d’un accord imminent est d’écouter les avis de certains hauts fonctionnaires impliqués dans les négociations. Ils sont, par exemple, franchement inquiets par le nombre des centrifugeuses que l’Iran sera autorisé à conserver.
La centrifugation consiste à faire tourner par chauffage, et à très grande vitesse, l’hexafluorure d’uranium rendu gazeux. De ce fait, les atomes d’uranium les plus lourds (U-238) migrent à la périphérie de la machine alors que les plus légers (U-235) restent plutôt au centre. Les uns et les autres sont alors pompés séparément et renvoyés vers une autre centrifugeuse.
Au niveau d’une centrifugeuse individuelle la modification des proportions d’atomes d’uranium 238 et 235 est marginale. Pour arriver à l’uranium enrichi, le gaz doit traverser des milliers de centrifugeuses disposées en cascade, mais le procédé est modulaire. Toutefois, si la centrifugation permet d’alimenter en combustible enrichi des réacteurs civils, elle facilite aussi l’accès à la bombe atomique. Pour obtenir de l’uranium enrichi à 90 % et fabriquer des bombes, il suffit de poursuivre l’enrichissement au delà des 4 % exigés par les réacteurs. L’Iran dispose actuellement de 19 000 centrifugeuses, dont 9 000 sont déjà actives.
La position israélienne est ferme : exiger que l’Iran ne possède aucune centrifugeuse. La raison en est simple : si l’Iran souhaite vraiment obtenir de l’uranium enrichi à des fins civiles, il peut l’importer comme le font de nombreux pays, comme le Canada, le Mexique ou l’Espagne.
Soulignons que la position israélienne est compatible avec les six résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU, adoptées entre 2006 et 2010 avec le soutien de la Russie et de la Chine. Si l’Iran avait éliminé toutes ses centrifugeuses, puis choisi d’en construire de nouvelles, eh bien, le processus aurait pris entre quatre à cinq ans. Soit une période suffisante pour détecter ses progrès pour enrichir de l’uranium au-delà du quota civil et pouvoir organiser une réponse internationale efficace.
Selon Gary Samore, ancien conseiller du président Obama en matières fissiles, les Etats-Unis avaient exigé de l’Iran qu’il réduise à 1 500 le nombre de ses centrifugeuses, bien qu’au départ Washington revendiquait leur démantèlement complet.
Le nombre des centrifugeuses est très important car il détermine le laps de temps dont disposent les Iraniens avant d’atteindre leur objectif. Avec suffisamment d’uranium faiblement enrichi, l’Iran pourrait alors sans difficulté le transformer en bombe atomique.
Les négociateurs américains avaient calculé que si l’Iran utilisait 1 500 kg d’uranium faiblement enrichi dans 2 000 centrifugeuses, il possèderait dans un délai de 12 à 14 mois suffisamment d’uranium de qualité militaire pour fabriquer une bombe atomique.
Actuellement, les négociateurs occidentaux autoriseraient l’Iran à activer 4 500 centrifugeuses et, d’après certains observateurs, les Américains pourraient leur accorder jusqu’à 6 000 centrifugeuses. Selon certains calculs, les Iraniens pourront produire dans six mois seulement une première bombe atomique avec 1 500 kg d’uranium enrichi et 6 000 centrifugeuses.
David Albright, ancien fonctionnaire au sein de l’AIEA (Agence internationale de l’énergie atomique) estime qu’il suffirait de 4 000 centrifugeuses ; d’autres experts pensent même que ce délai pourrait être réduit à trois mois seulement car l’Iran possède déjà des centrifugeuses sophistiqués de type IR-2.
Dans ce contexte, l’administration Obama s’apprête à signer avec l’Iran un mauvais accord. Celui-ci encouragera la prolifération nucléaire au Moyen-Orient et nous apprenons d’ores et déjà que l’Egypte va acquérir un réacteur nucléaire de la Russie. L’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, la Turquie et d’autres pays souhaitent également accéder à l’arme atomique. Dans un Moyen-Orient en ébullition et instable, confronté à une vague islamiste radicale, un mauvais accord avec l’Iran rendrait notre région beaucoup plus dangereuse.
L’approche américaine concernant la question nucléaire iranienne se base sur l’idée que les deux pays sont prêts à un nouveau partenariat politique au Moyen-Orient.
Déjà, en octobre 2014, le Wall Street Journal avait prévu que les relations entre Téhéran et Washington s’acheminent vers la détente et que la politique des Etats-Unis puisse changer envers le Hezbollah, voire le Hamas. Walli Nasser, un ancien conseiller d’Obama au Département d’État avait déclaré : « Certes la Turquie et les pays arabes modérés sont nos proches alliés, mais nos intérêts politiques sont similaires à ceux que nous pourrions avoir avec l’Iran. »
Robert Kaplan, un autre conseiller américain aux Affaires stratégiques écrivait dans un article publié dans la revue Atlantic: « Quel que soit le résultat final des négociations en cours avec l’Iran sur la question nucléaire, les intérêts de l’Etat Israël ne devraient pas contrecarrer le rapprochement des États-Unis avec l’Iran. »
Depuis de nombreuses années, l’avenir des relations entre Washington et Téhéran est largement débattu dans les médias américains, mais ces jours-ci le débat repose surtout sur une nouvelle donne géopolitique : les Etats-Unis et l’Iran se trouvent dans le même camp pour combattre l’Organisation de l’Etat islamique, Daesh.
Dans sa missive adressée au Guide spirituel, l’Ayatollah Ali Khamenei, le président Barack Obama avait souligné que Daesh représentait une menace réelle pour les intérêts des deux pays. Le Secrétaire d’Etat John Kerry a déclaré, quant à lui, que l’Iran devrait « jouer un rôle » dans le combat contre l’Etat islamique sans pour autant préciser la nature de cette « nouvelle alliance militaire ».
Suivant ces propos, est-il possible que l’Iran devienne un jour un partenaire légitime des Etats-Unis, permettant ainsi à Washington de réviser ses alliances traditionnelles avec Israël et l’Arabie Saoudite, deux pays hostiles à Téhéran ? Ne s’agit-il pas d’une grave erreur de la politique américaine ? Comment peut-on changer d’alliance et abandonner des alliés fidèles quand on sait parfaitement que depuis la Révolution islamiste chiite de 1979, l’Iran manigance dans un seul but : écarter toute influence américaine au Moyen-Orient.
Dore Gold