Les ruses iraniennes face aux inspecteurs de l’AIEA
L’accord prévu entre l’Iran et les pays occidentaux (P5+1) sur le projet nucléaire se base principalement sur les travaux des inspecteurs de l’AIEA (Agence Internationale de l’Energie Atomique). C’est ainsi que la communauté internationale pense s’assurer que l’Iran ne poursuivra pas ses activités pour enrichir de l’uranium et limitera le nombre et la vitesse de ses centrifugeuses.
Les Occidentaux soulignent que l’inspection des installations nucléaires est la meilleure stratégie pour que les dirigeants iraniens acceptent de signer un accord. Cependant, rien n’indique que le système actuel de l’inspection garantira un bon accord ou la fin du projet atomique iranien. Ali Asghar Soltanieh, ancien ambassadeur de l’Irani à l’AIEA, a d’ores et déjà critiqué les propositions concernant un contrôle plus sévère des installations, évoquant même une “violation” du traité de non-prolifération nucléaire qui est selon lui une entrave au statut de l’AIEA. Cette critique vise bien entendu à défendre les intérêts iraniens, mais soulève aussi la question de savoir si le nouveau système de contrôle sera aussi facile à obtenir lors des négociations actuelles comme certains observateurs l’espèrent.
La préoccupation des puissances occidentales n’est pas sans fondement. En décembre 2002, la Corée du Nord avait expulsé les inspecteurs internationaux du réacteur Yongbyon et s’était retirée du Traité de non-prolifération (TNP). Quatre ans plus tard, en 2006, la Corée du Nord a procédé à son premier essai nucléaire. Deux autres essais nucléaires nord-coréens ont suivi en 2009 et 2013. L’Iran a bien observé comment la Corée du Nord a rompu avec succès ses engagements internationaux et a créé un fait nucléaire.
Rappelons que l’Iran est une puissance hégémonique au Moyen-Orient. Elle intervient activement dans les révoltes arabes et fournit des armes : en Irak, au Bahrein, au Yémen , au Soudan, dans la bande de Gaza et au Liban. Un armement iranien sophistiqué afflue quotidiennement vers l’armée syrienne. Des forces iraniennes sont sur le champ de bataille, engagées dans la guerre civile syrienne. Des armes nucléaires renforceront significativement la position de Téhéran au Moyen-Orient et lui serviront comme tremplin pour devenir un jour une grande puissance.
Une directive de la Maison Blanche datant de novembre 2013 avait pourtant posé des paramètres à tout accord global : elle comprenait un “mécanisme de vérification”, censé résoudre la “dimension militaire possible” du programme nucléaire iranien. Ceci est un objectif louable, mais quelle est la probabilité de le voir se réaliser tant que l’Iran refuse d’admettre qu’il possède des armes nucléaires?
L’Iran a signé le traité de non-prolifération nucléaire (TNP) le 2 février 1970. Il s’était engagé à “ne pas fabriquer ni acquérir des armes nucléaires ou des engins explosifs.” L’Iran s’est également engagé à ne pas détourner l’énergie nucléaire à des fins militaires. Enfin, il a signé un accord de garanties globales avec l’Agence Internationale d’Energie Atomique (AIEA) à Vienne le 19 juin 1973, qui est entré en vigueur un an plus tard.
Bien que l’AIEA soit une organisation internationale, les engagements de l’Iran sous l’accord de garanties globales sont juridiquement contraignants. Selon les articles 71 à 82 de l’accord, l’AIEA peut effectuer des inspections pour vérifier la conformité de l’Iran avec ses obligations découlant du TNP. L’AIEA doit vérifier qu’aucun matériel nucléaire déclaré par l’Iran n’ait été détourné et elle doit également fournir des garanties à la communauté internationale. Cependant, pour répondre à cet objectif, des contrôles plus sévères étaient nécessaires.
L’AIEA a signé “des protocoles additionnels” avec certains pays afin d’améliorer l’accès à leurs infrastructures nucléaires au-delà de ce qui a été requis. Par exemple, elle peut donner un avis de 24 heures seulement avant d’inspecter une nouvelle installation et même avis de 2 heures pour l’inspection d’un site qui serait déjà en partie en cours d’inspection.
L’Iran a signé ce protocole additionnel en décembre 2003. Or, il n’a pas toujours ratifié. La question se pose donc de savoir quelles sont ses intentions futures.
Déjà, en août 2002, l’opposition iranienne avait dévoilé à la communauté internationale les principaux aspects du programme nucléaire clandestin de l’Iran lors d’ une conférence de presse à Washington. Il avait été ainsi démontré que l’Iran avait dissimulé l’existence de l’usine d’enrichissement de Natanz, de l’usine de conversion d’Ispahan ainsi que des plans de construction d’un complexe d’eau lourde à Arak.
Ces installations non déclarées ont été construites sous le nez de l’AIEA et de l’Occident. Malgré plusieurs inspections, une autre usine secrète d’enrichissement a été divulguée en 2009 à Fardow.
En 2003, à Kalaye, dans un site soupçonné d’enrichir de l’uranium, les inspecteurs se sont vus refuser l’accès, le temps pour les Iraniens de “nettoyer” le bâtiment suspect etde le repeindre… Les ruses iraniennes ont de même permis de retarder les inspections du site à Lavizan-Shian et à Parchin.
Les Iraniens ont reconnu qu’ils avaient rendu « la vie difficile » aux inspecteurs de l’AIEA . Hassan Rohani, aujourd’hui président de l’Iran, avait prononcé en avril 2006 un discours dans lequel il présentait la stratégie diplomatique iranienne. Il avait reconnu que les fonctionnaires iraniens avaient menti à l’AIEA, mais il avait avancé que, selon lui, dans certains cas, l’Iran ne pouvait divulguer toutes les informations et qu’il le ferait au moment opportun.
A ce stade, les responsables américains se concentrent sur « l’éclatement » du matériel fissile par l’utilisation de l’uranium enrichi. En avril 2014, le Secrétaire d’Etat américain John Kerry a révélé devant la Commission des affaires étrangères du Sénat que l’Iran pouvait produire suffisamment de matière fissile pour sa première bombe atomique et ce, dans un laps de temps de deux mois seulement.
Les limites de l’inspection du programme d’enrichissement d’uranium de l’Iran ont été démontrées et il n’est donc pas raisonnable de conclure un accord en se basant seulement sur un système d’inspection, même le plus efficace.
De plus, étant donné l’échec des services de Renseignement occidentaux pour obtenir des informations sur les différents programmes nucléaires mis en œuvre au Pakistan, en Irak et en Syrie, il sera extrêmement difficile à l’Occident de détecter une « tentative d’évasion » nucléaire après un accord global avec l’Iran.
Tout système d’inspection aura probablement une efficacité limitée surtout quand il s’agit de contrôles au moment de la dernière phase de la préparation d’une bombe atomique. Deux anciens Secrétaires d’Etat américains, Henry Kissinger et George Shultz, avaient mis en garde contre ce danger dans le cadre des négociations en cours avec l’Iran.
En conclusion, le seul accord valable et pérenne avec l’Iran est celui qui éliminera ses stocks d’uranium enrichi et ses moyens de production . Le cas de l’élimination des armes chimiques en Syrie est peut-être l’un des exemples à suivre !
Dore Gold