Les Islamistes jordaniens menacent le Royaume hachémite et l’Etat d’Israël

Freddy Eytan

Le Front d’action islamique (FAI), affilié à la confrérie des Frères musulmans est aujourd’hui en tête des formations politiques en Jordanie à l’issue des dernières élections législatives. Ce résultat sans précédent risque de déstabiliser le Royaume hachémite et devenir un nouveau satellite de l’Iran. Ce mouvement islamiste soutient fortement le Hamas et réclame l’annulation du traité de paix signé avec Israël. Comment donc éviter la chute de la monarchie jordanienne et la création d’un nouveau front hostile à l’Etat juif ?

Depuis le mandat britannique la relation avec la Jordanie demeure complexe car cet Etat a été monté de toute pièce et fut inventé par les Anglais. Le fondateur de la République tunisienne, Habib Bourguiba, était le premier chef arabe à dénoncer la grotesque supercherie (voir la vidéo présentée par Léon Zitrone).

Bien évidemment, on ne pourra changer le cours de l’Histoire mais nous avons le pouvoir d’influencer sur la marche à suivre. Il faudrait donc de la part des leaders des deux Etats voisins une forte volonté politique. Nous partageons avec la Jordanie des points communs sur le long de 240 km de frontière, nous combattons ensemble contre le terrorisme islamique et nous nous opposons également à la création d’un Etat palestinien militarisé.

Rappelons le fameux Septembre noir 1970 : le Roi Hussein avait échappé à un attentat palestinien et son Premier ministre, Wasfi Tal, fut assassiné au Caire. Arafat souhaitait renverser le Royaume jordanien par la force et proclamer un Etat palestinien. Son but était de créer une grande Palestine jusqu’à la Méditerranée…

Le roi Hussein lança des opérations contre l’OLP et chassa Arafat et ses troupes de Jordanie vers le Liban. Les combats avaient duré plusieurs mois et firent plusieurs milliers de morts. Soulignons qu’à l’époque, Ariel Sharon et d’autres généraux voulaient intervenir militairement pour sauver le « petit roi ». Toutefois, il est clair que sans le soutien discret d’Israël et de ses services, le Royaume hachémite n’aurait pas existé aujourd’hui.

Le traité de paix israélo-jordanien paraphé à la Maison Blanche en 1994

Le traité de paix israélo-jordanien paraphé à la Maison Blanche en 1994 (Yaacov Saar/GPO)

Jusqu’aux accords d’Oslo, tous les gouvernements israéliens avaient souhaité régler le problème palestinien avec la Jordanie et écarter l’OLP d’Arafat. Hussein, opposé farouchement à un Etat palestinien, était prêt a signé un traité de paix à condition d’obtenir un certain retrait de Cisjordanie. Rappelons que depuis sa grande défaite en 1967, le roi avait toujours refusé de se joindre à une nouvelle guerre contre Israël. Il avait même averti Golda Meir des préparatifs de la guerre du Yom Kippour.

Depuis, avant le Traité de paix et après sa signature, de nombreuses rencontres, publiques et secrètes, ont eu lieu entre tous les dirigeants israéliens et le roi de Jordanie et ses ministres (Hussein, son frère Hassan, et son fils Abdallah). Malgré l’Intifada et les crises survenues sur l’avenir de Jérusalem-Est et l’ambassade d’Israël à Amman, les contacts demeurent permanents et très productifs sur le plan militaire et commercial et surtout dans le domaine des services du renseignement.

L'ambassadeur Freddy Eytan accueille le roi Abdullah II à l'aéroport de Nouakchott en présence du président mauritanien Ould Taya-septembre 1999.

L’ambassadeur Freddy Eytan accueille le roi Abdullah II à l’aéroport de Nouakchott en présence du président mauritanien Ould Taya-septembre 1999.

La Jordanie est formée de plusieurs tribus mais elle abrite plus d’un million et demi de réfugiés syriens et irakiens et 60% de sa population est palestinienne. De fortes pressions sont exercées contre le roi pour qu’il annule le Traité de paix avec Israël. La situation économique est grave, le chômage, et les manifestations quotidiennes dans les rues encouragent les Islamistes et Daesh à perpétrer des attentats terroristes et déstabiliser le royaume. Le long de la frontière de Beit-Shan à Eilat, la barrière de sécurité est quasiment ouverte et sans contrôle efficace. Des armes sont facilement acheminées vers la Cisjordanie, dans les bastions du Hamas à Tulkarem et Djénine. Un tunnel en construction a été découvert ces jours-ci près d’un hôpital.

La récente attaque meurtrière au point de passage Allenby, la saisie d’armes via le passage frontalier près d’Eilat et les dizaines d’attentats déjoués sont alarmants.

La chute du royaume hachémite et l’islamisation du pays seraient dangereuse pour la sécurité d’Israël. La Jordanie demeure le dernier bastion pro-occidentale situé à l’Est du Moyen-Orient.  Il est donc du devoir des Etats-Unis et de l’Angleterre de rassurer le roi Abdellah II et éviter par tous les moyens sa chute. Israël pour sa part devra entamer avec lui un dialogue direct et franc pour consolider le Traité de paix.

La Jordanie a été le premier royaume arabe à signer un traité de paix avec Israel. La signature des Accords d’Abraham avec les Emirats arabes Unis, Bahreïn, et le Maroc suit cette direction et rapprochera d’autres pays dont l’Arabie saoudite.

Face à la radicalisation de la Turquie, des intentions hégémoniques de l’Iran, et devant une politique occidentale timide, les chefs arabes sont conscients que l’avenir de leurs royaumes et leurs intérêts économiques et stratégiques dépendent plus que jamais de l’Etat Juif.

Dans ce contexte explosif, sommes-nous capables de saisir les opportunités pour assurer à nos enfants un avenir meilleur, et une véritable coexistence avec nos voisins arabes ?