Les implantations européennes
Le téléspectateur zappant d’une chaîne à l’autre peut observer certains programmes sur des retraités européens cherchant à échapper à la grisaille pour s’installer confortablement dans des implantations autour de la Méditerranée. Mais voilà que les prix flambent et les propriétés sur la côte d’Azur, en Espagne ou en Italie sont devenues inaccessibles pour la classe moyenne. Ainsi, depuis 2002 nous assistons à un nouveau phénomène, la ruée vers le nord de Chypre…Là-bas, les villas avec piscines sont achetées à des prix abordables…
Cependant, une question fondamentale s’impose sur le statut juridique de cette zone controversée. Il convient de rappeler qu’en 1974, l’armée turque a envahi Chypre, Etat indépendant depuis 1960, et elle occupe à ce jour 37% du territoire de cette île. Le Conseil de Sécurité des Nations-Unies avait d’ailleurs adopté une Résolution, la 353, exigeant « de mettre un terme immédiat à l’intervention militaire étrangère et a un retrait sans délai de la République de Chypre ».
En 1983, les chypriotes turcs ont proclamé l’indépendance de « la République turque du nord de Chypre », un acte unilatéral que les Nations-Unies ont condamné vigoureusement et ont qualifié de « nul et non avenu ».
Au fil des ans, 160 000 colons turcs se sont installés dans ce territoire mais depuis aussi de nombreuses priorités ont été abandonnées et vendues à des acheteurs européens et notamment à plus de 5000 citoyens britanniques… Et pourtant, il s’agit bien d’un territoire occupé!
Selon un reportage diffusé par la BBC plus de 10000 étrangers ont acheté des anciennes propriétés chypriotes-grecques dans le nord de l’île.
Bien évidemment, nous ne pouvons faire une comparaison avec les implantations israéliennes en Cisjordanie et cela pour plusieurs raisons.
Israël a envahi ce territoire dans une guerre d’auto-défense légitime durant la guerre des Six Jours de 1967, mais en revanche, la Turquie s’est lancée dans une guerre préméditée sans confrontée auparavant une attaque imminente de la part de Chypre. Rappelons aussi qu’il n’existait pas de souveraineté acquise en Cisjordanie ni un Etat palestinien. La revendication du royaume Hachémite à la souveraineté de ce territoire a été rejetée par la majorité écrasante de la communauté internationale à l’exception de la Grande Bretagne et du Pakistan. Sans oublier les droits antérieurs du peuple juif sous le Mandat britannique qui n’ont jamais été expirés.
Enfin, les résolutions adoptées par le Conseil de sécurité des Nations Unies dans les deux conflits sont bien différentes. Au lendemain de la Guerre des Six Jours, le Conseil de sécurité des Nations-Unies a adopté la résolution 242 qui n’a pas appelé Israël à un retrait total de tous les territoires tandis que dans le cas chypriote, les Nations-Unies étaient catégoriques et ont exigé que l’armée turque quitte sans délai la partie envahie de l’île.
Le 10 décembre dernier, l’Union européenne a déclaré une fois de plus sur les implantations qu’elle « était profondément consternée et fermement opposée aux plans d’expansion israéliens en Cisjordanie, y compris à Jérusalem Est. »
Elle a réitéré que “les implantations sont illégales sous le droit international et constituent un obstacle à la paix. »
Ironiquement parlant, l’Union européenne s’empresse de condamner Israël pour toute activité de construction en Cisjordanie, mais fait la sourde oreille sur les dizaines de milliers de colons turcs installés au nord de Chypre.
Les gouvernements européens ne condamnent pas non plus leurs propres citoyens cherchant à construire des villas avec des piscines dans un territoire qui est toujours situé techniquement sous occupation turque. Bien que certaines chancelleries aient averti que les anciens résidents grecs du nord de Chypre peuvent engager des poursuites judiciaires dans des tribunaux européens, aucune objection n’est faite contre eux sur le principe même de voir des citoyens européens construire des résidences secondaires dans un territoire occupé.
L’article 49 de la Quatrième Convention de Genève est éloquent sur le sujet, et il est clair que les ministères européens des Affaires étrangères jouent un double jeu flagrant : ils ne peuvent condamner à la fois les Israéliens pour la construction de leurs propres maisons en Cisjordanie et en même temps approuvent, du moins implicitement, les activités des colons turcs et leurs partenaires commerciaux européens en les permettant à acquérir des propriétés et développer le marché de l’immobilier pour des Européens cherchant une place sous le soleil ardent de la Méditerranée.