Les Etats-Unis vont-ils agir contre l’Iran?
Dans le cadre du débat public sur la menace iranienne certains soulèvent l’hypothèse répandue selon laquelle les Etats Unis détruiraient les installations nucléaires iraniennes dans le cas où les sanctions et les négociations se trouveraient dans une impasse.
Y a-t-il réellement du vrai dans cette analyse hypothétique? Certes, le Président Obama a déclaré lors de son discours à la conférence d’AIPAC du mois de mars dernier qu’il utiliserait “tous les éléments de la puissance américaine” afin d’empêcher l’Iran de détenir des armes nucléaires. Toutefois, à l’exception de la guerre en Irak de 2003, déclenchée à la suite des attentats spectaculaires du 11 septembre 2001, les administrations précédentes n’ont pas montré une volonté réelle d’employer la force militaire pour mettre un terme à la prolifération nucléaire dans le cas où les pourparlers diplomatiques échoueront.
Dans un article publié le 8 aout dernier dans le journal “Haaretz”, Salai Meridor, ancien ambassadeur d’Israël aux Etats Unis, a affirmé qu’en ce qui concerne la menace iranienne, il n’est pas certain que Washington agirait. Il rappelle à juste titre le fait que les Etats Unis avaient déjà condamné la destruction du réacteur nucléaire Osirak à Bagdad en juin 1981, et qu’ils avaient aussi refusé d’agir contre le programme nucléaire syrien. Meridor n’exclut pas une action américaine, mais il la met en doute en se référant à des précédents historiques. Le jour de vérité l’administration américaine aura toujours préféré d’accepter la réalisation du programme nucléaire d’un pays voyou qu’a le confronter par une action militaire.
Le bras de fer avec la Corée du nord est un exemple éloquent. En mars 1994, la Corée du Nord a empêché les inspecteurs de l’Agence Internationale d’Energie Atomique (AIEA) de vérifier le réacteur à Yongbyon. En juin dernier, la Corée du Nord était sur le point d’utiliser des tiges fissiles du réacteur pour en produire du plutonium de qualité militaire, en quantité suffisante pour fabriquer cinq ou six bombes.
Dans ses Mémoires, le Président Clinton révèle qu’il avait demandé à son ministre de la Défense Bill Perry d’informer les journalistes qu’il était déterminé à empêcher la Corée du nord à développer un arsenal d’armes nucléaire au “risque d’une guerre”. Le Pentagone avait même programmé de détruire le réacteur coréen. Hier comme aujourd’hui des responsables américains se contentent de déclarer que “toutes les options sont sur table” mais en réalité ils n’ont rien fait au-delà.
En réalité, des négociations ont été entamées suivies d’un “accord cadre ” violé plus tard par les Coréens du nord. Il est clair que la pression américaine n’était pas assez énergique.
Par la suite, la Corée du Nord a expulsé les inspecteurs de l’AIEA et a annoncé, en janvier 2003, qu’elle quittait la charte TNP. Quatre ans plus tard, en octobre 2006, la Corée du nord a effectué un premier essai d’une explosion nucléaire souterraine.
Le Conseil de sécurité de l’ONU a réagi en adoptant une résolution sévère contre la Corée du nord, mais les Etats Unis n’ont pris aucune mesure pour détruire leur infrastructure nucléaire. Une fois encore, des négociations multilatérales ont été entamées et ont conduit à de nouveaux accords. En fait, en mai 2009, la Corée du nord a effectué à un nouvel essai nucléaire.
Les Etats-Unis n’ont donc pas pris des mesures adéquates contre des pays voyous pour des raisons multiples mais surtout et d’abord en raison de manque de renseignement sur les intentions réelles d’un pays lointain tel que la Corée du nord, détaché du reste du monde.
Un problème similaire se présente devant les services américains du renseignement en ce qui concerne l’Iran.
Robert Gates, ancien Secrétaire d’Etat à la défense, a déclaré sur le dossier iranien:” si leur objectif est d’atteindre le seuil nucléaire mais ne pas encore fabriquer la bombe, comment pourrions-nous le savoir? Je ne sais pas vraiment comment pourrions nous confirmer une chose pareille”. Et pourtant Gates a été auparavant chef de la CIA…
Dans ses mémoires, l’ancien vice-président Dick Cheney a avoué que depuis la guerre en Irak, il existe au sein des services de renseignements américains une certaine crainte de ne pas refaire les mêmes erreurs du passé, mais cette crainte persiste toujours dans le cas de la Syrie aussi.
Un autre élément gênant les Etats Unis est au sein du Conseil de sécurité de l’ONU. Le président Obama a justifié l’implication militaire américaine en Libye devant le Congrès lorsqu’il a répété à maintes reprises la nécessité de l’approbation de l’ONU. Suite à cette politique, le secrétaire d’Etat à la défense, Léon Panetta, a récemment déclaré devant le Comité des Forces armées du Sénat, qu’avant toute intervention américaine en Syrie, les Etats-Unis demanderont préalablement “une autorisation internationale”. Depuis, les Chinois et les Russes ont déjà prouvé qu’ils étaient prêts à bloquer toute tentative unanime du Conseil de sécurité pour pouvoir mettre un terme aux effusions de sang en Syrie.
Dans le contexte international actuel, nous pouvons donc supposer qu’ii n’existe aucune chance que les Etats Unis obtiendraient l’aval d’attaquer l’Iran. Ironiquement parlant, tandis que les Etats-Unis possèdent une véritable puissance militaire pour empêcher des Etats et des organisations terroristes d’acquérir des armes nucléaires, leurs propres administrations se sont abstenues à chaque fois d’utiliser leurs potentiels militaires. Cet argument devrait être un sujet de discussion dans le débat public actuel.