Les craintes iraniennes devant nos chaleureuses relations avec l’Azerbaïdjan

Le Premier ministre, Benjamin Nétanyahou, vient d’effectuer une visite officielle importante et historique à Bakou, capitale de l’Azerbaïdjan. Ce pays musulman laïc et chiite de 10 millions d’habitants est un voisin de l’Iran et partage avec lui une longue frontière de 611 kilomètres.

Depuis plusieurs années, Israel entretient avec cet Etat chiite des liens économiques très étroits. Il est à noter que le commerce avec l’Azerbaïdjan est bien plus important que celui que nous entretenons avec la France.

Bien que les relations militaires demeurent discrètes, le président azéri, Ilham Aliyev, a salué lors d’une conférence de presse conjointe avec Nétanyahou, cette formidable et unique coopération. A la surprise générale, il a même révélé que le montant des achats militaires atteint presque cinq milliards de dollars. Il a souligné que son pays serait intéressé par l’achat de nouveaux drones et du système de défense anti-missile, le fameux Dôme de Fer. L’ouverture d’une ambassade d’Azerbaïdjan à Tel-Aviv fut également discutée sérieusement.

Lors de cette conférence de presse, Netanyahou a déclaré que les relations étroites avec l’Azerbaïdjan ne portaient pas que sur les armes, mais aussi sur le respect : « Il existe un autre aspect particulier des relations entre nous. Israël est l’Etat juif, et l’Azerbaïdjan est un état musulman. Nous avons ici un exemple de Juifs et de musulmans travaillant ensemble pour aboutir à un meilleur avenir pour nos deux nations ».

Le Premier ministre a également souligné la coopération croissante entre les deux pays dans les secteurs de l’énergie, de l’agriculture, des technologies de pointe, de l’information, et de l’éducation.

Cette visite risque sans doute d’augmenter les tensions déjà existantes entre Téhéran et Bakou. Elle s’est déroulée au moment où le Guide spirituel iranien, Ayatollah Khamenei prononçait un discours belliqueux où il prévoyait « la disparition de l’Etat sioniste dans les prochaines années ».

Rappelons que l’Azerbaïdjan avait envoyé le mois dernier des canadairs pour combattre les incendies de forêt dans la région de Haïfa et de Jérusalem.

Les Iraniens suivent le rapprochement entre Bakou et Jérusalem avec vigilance et grande méfiance. Selon certaines informations parues dans la presse, le Mossad aurait utilisé le territoire de l’Azerbaïdjan comme tremplin et base avancée pour la collecte de renseignements sur l’Iran, en particulier sur l’évolution de son programme nucléaire, depuis la signature, le 14 juillet 2015, à Vienne, du traité conclu à l’initiative du président Obama.

Les récentes élections aux États-Unis et l’incertitude des relations avec la nouvelle administration Trump ont augmenté les craintes iraniennes.

Un câble en provenance de l’ambassade américaine à Bakou avait décrit avec précision les relations entre Israël et l’Azerbaïdjan.  Ce télégramme divulgué par la presse avait cité le Président Ilham Aliyev décrivant les relations entre les deux pays tel un iceberg, à savoir que les neuf dixièmes des rapports demeurent encore secrets et sont toujours profondément « au-dessous de la surface ».

Toujours selon ce télégramme confidentiel nous pouvons lire que : « Les relations de l’Azerbaïdjan avec Israël sont discrètes. Chaque pays identifie facilement les nouvelles difficultés géopolitiques de la région, et particulièrement la menace de l’Iran, devenue une menace existentielle. L’industrie militaire israélienne et ses systèmes de défense sont reconnus comme les meilleurs du monde. Ils répondent parfaitement aux besoins de défense substantiels de l’Azerbaïdjan, surtout après que les États-Unis, les pays européens et la Russie n’ont pas satisfait les revendications pour diverses raisons liées à l’Arménie et du Haut-Karabakh. » 

A la veille de la visite de Netanyahou, le représentant du Guide suprême iranien à Oroumiyeh, capitale d’une province dans l’ouest de l’Azerbaïdjan, située près de la frontière iranienne, a déclaré lors de la prière du vendredi, que les dirigeants azéris devraient comprendre que l’établissement des relations diplomatiques complètes avec Israël serait un acte criminel, car « les mains des dirigeants sionistes sont souillées de sang musulman. Cet acte insensé de la part d’un pays musulman est contraire à la parole et à la volonté d’Allah concernant “les nombreux crimes d’Israël”. »

Des manifestations opposées à la visite ont eu lieu dans plusieurs provinces azéries. A Tabriz, capitale d’une province dans l’Est de l’Azerbaïdjan, des manifestants avaient appelé à annuler la visite de Nétanyahou. Ils protestaient contre « la politique anti-islamique » de Bakou, ignorant les « droits des Palestiniens opprimés». Ils évoquaient les raisons mercantiles qui animaient les dirigeants azéris, et leur détermination à pouvoir obtenir des gains économiques et politiques. Des manifestations ont également eu lieu dans la province iranienne Ardabil.

Soulignons que l’Azerbaïdjan devrait prendre prochainement, en janvier 2017, un siège non permanent au Conseil de sécurité de l’ONU.

Enfin, notons que malgré ce rapprochement avec Israël, l’Iran se trouve dans l’obligation de poursuivre sa coopération économique et sécuritaire avec l’Azerbaïdjan et avec la Russie dans le cadre des relations bilatérales et multilatérales.

Michael Segall

 


Pour citer cet article :

Michael Segall, « Les craintes iraniennes devant nos chaleureuses relations avec l’Azerbaïdjan », Le CAPE de Jérusalem : http://jcpa-lecape.org/les-craintes-iraniennes-devant-nos-chaleureuses-relations-avec-azerbaidjan/