Les affaires familiales de Mahmoud Abbas
Mahmoud Abbas, 80 ans, ne souhaite pas quitter prochainement la présidence de l’Autorité palestinienne. Contrairement à certaines informations, il n’est pas prêt à céder son poste à ses prétendants : Mohammed Dahlan, Jibril Rajoub, Saeb Erekat, ou Marwan Barghouti. La raison principale est simple et elle concerne ses propres affaires économiques et commerciales.
Les deux fils de Mahmoud Abbas, Tarek et Yasser, possèdent un empire économique dans les Territoires qui vaut aujourd’hui des centaines de millions de dollars. La prospérité de leurs affaires commerciales dépend bien entendu des liens directs avec leur père. Ce dernier fait ces jours-ci un effort considérable pour trouver un successeur approprié aux entreprises familiales, qui assurera à ses deux fils des garanties solides et à long terme.
La bataille de succession a pris une mauvaise tournure depuis que Mahmoud Abbas a rejeté la requête de quatre grands pays arabes – Egypte, Jordanie, Arabie Saoudite et Emirats Arabes Unis – pour se réconcilier enfin avec son farouche adversaire Mohammed Dahlan.
Certains dirigeants arabes préfèrent, en effet, Dahlan aux autres candidats à la présidence de l’Autorité palestinienne. Ils pensent que le refus d’Abbas pour un retour éventuel de Dahlan est un «suicide politique» mais Abbas, lui, est complètement indifférent aux pressions exercées ; seules les affaires familiales l’intéressent vraiment. Il persiste et signe, et n’a aucune intention, pour l’heure, de changer d’avis. Cependant, à la demande de l’Egypte et de la Jordanie, opposées à la montée en puissance du Hamas en Cisjordanie, il a annulé les élections municipales prévues le mois prochain.
Mais voilà que ces jours-ci, Ahmed Qurei (Abou Alla), membre du Comité exécutif de l’OLP et « architecte » des Accords d’Oslo, révèle comment Mahmoud Abbas est devenu président de l’Autorité palestinienne. Cette révélation pourrait faire toute la lumière sur les intrigues du leader palestinien, et comment, en l’absence de nouvelles élections dans les Territoires, un nouveau président sera nommé.
Dans une interview accordée à l’Agence de Presse palestinienne Amad, le 10 septembre 2016, Abou Alla raconte que c’était bien lui qui avait proposé à Abbas de succéder à Arafat. Il précise que cette proposition a été faite au moment où Arafat agonisait dans son lit d’hôpital à Clamart, près de Paris, le 11 novembre 2003.
Abou Alla précise encore que Yasser Arafat n’a jamais parlé de succession, ni laissé entendre que Mahmoud Abbas le remplacerait un jour. Il rappelle que les deux hommes ont eu dans le passé de nombreuses disputes à propos de l’avenir du processus de paix avec Israël.
Soulignons qu’après la mort d’Arafat en France, tous les membres de la direction du Fatah sont tombés d’accord pour que Mahmoud Abbas devienne son successeur jusqu’aux élections présidentielles.
L’amère bataille de succession au sein de l’OLP a incité les parties intéressées à révéler publiquement la richesse de la famille Abbas. Chaque jour paraîssent dans les médias et les réseaux sociaux des révélations au sujet de certaines malversations et corruptions au sein de l’Autorité palestinienne.
Dans un article publié le 11 septembre 2016, le journaliste égyptien Hussein Yousef du journal Al-Masri Al-Youm rapporte des informations précieuses sur les différentes activités des deux fils de Mahmoud Abbas : Yasser et Tarek. Il décrit en détail le vaste empire commercial de la famille Abbas.
Yasser et Tarek Abbas possèdent un consortium d’affaires du nom de “Falcon”. Celui-ci commerce avec le monde arabe et européen. Mahmoud Abbas soutient le groupe, et il lui a offert des avantages financiers et fiscaux par rapport aux autres entreprises. Le consortium Falcon supervise de nombreuses sociétés au sein du marché palestinien et arabe. Il contrôle notamment les infrastructures de l’électricité, les médias, la publicité, les assurances, et les investissements, ainsi que les débits de tabac…
Un business familial estimé à plus de 300 millions de dollars
Falcon a de nombreuses succursales en Cisjordanie, en Jordanie, et dans les Émirats arabes unis. Mahmoud Abbas aurait obtenu une aide financière de 890 000 dollars pour le développement du consortium. Les bénéfices de la société d’investissement sont estimés à plus de 60 millions de dollars. La valeur de la compagnie d’assurance Al-Mashrek, qui dispose de 11 succursales dans les Territoires, est estimée à 35 millions de dollars.
Toujours selon le journal égyptien Al-Masri Al-Youm, la famille Abbas a accumulé sa richesse depuis de nombreuses années. Il révèle que Mohammad Rashid, ancien Trésorier et conseiller économique de Yasser Arafat, affirme que Mahmoud Abbas a détourné la somme fabuleuse de 100 millions de dollars.
Yousef révèle aussi que Tarek Abbas soutient la contrebande de collection d’antiquités dans les Territoires et l’exportation de nombreuses pièces archéologiques à l’étranger.
Selon Dahlan, la richesse de Mahmoud Abbas est considérable car il avait obtenu après la mort d’Arafat plus de 1,4 milliard transféré par le Premier ministre, Salam Fayyad. Où est-elle passée cette fabuleuse somme puisque la transparence dans la gouvernance n’existe pas au sein de l’Autorité palestinienne ?
Dans une interview publiée sur le site jordanien Amon, le 8 juin 2016, Dahlan avait aussi affirmé qu’au départ, il avait lui même embauché les deux fils d’Abbas avec un salaire mensuel de 5 000 dollars, mais aujourd’hui, toujours selon Dahlan, leur richesse est estimée à plus de 300 millions de dollars.
Toutes ces révélations expliquent pourquoi Mahmoud Abbas, malgré son âge avancé, s’accroche à son poste et cherche un successeur approprié qui permettra de sauvegarder l’empire économique de ses deux fils après sa retraite.
La corruption au sein de la famille Abbas est un sujet brûlant qui préoccupe la population dans les Territoires. Dans un premier temps, Abbas avait voulu nommer comme successeur, son fidèle conseiller Saeb Erekat, secrétaire général du Comité exécutif de l’OLP. Cependant, Erekat manque de charisme, de crédibilité et surtout de popularité dans les Territoires. Il aurait sans doute servit les intérêts de la famille Abbas. La nomination d’Erekat aurait aussi rencontré une forte opposition de la part des membres du Comité central du Fatah dirigé par Jibril Rajoub, considéré également comme successeur. En fin de compte, Erekat se trouvait dans l’obligation de renoncer à la présidence.
Depuis lors, un autre candidat a été suggéré, en la personne du général Majid Freij, chef des services du Renseignement palestinien, considéré comme un proche collaborateur d’Abbas. Jusqu’à ce jour, Abbas ne l’a pas encore proposé officiellement ni ne l’a nommé comme vice-président.
Apparemment, Mahmoud Abbas se trouve dans une situation très délicate. Il craint toujours d’affronter la jeune garde du Fatah, les nouveaux loups de la politique palestinienne, et particulièrement Mohammed Dahlan.
Yoni Ben Menahem
Pour citer cet article :
Yoni Ben Menahem, « Les affaires familiales de Mahmoud Abbas », Le CAPE de Jérusalem : http://jcpa-lecape.org/les-affaires-familiales-de-mahmoud-abbas/