Le nouveau président libanais, allié du Hezbollah

Le 31 octobre 2016, le Parlement libanais a enfin choisi le général Michel Aoun comme nouveau président de la République.

Agé de 81 ans, Aoun est un chrétien maronite, dont la famille est originaire d’un village isolé du Sud Liban, situé au cœur de la communauté chiite.

Cet ancien chef de l’armée libanaise est aujourd’hui le plus ancien homme politique en exercice du monde arabe. Le Roi Salman d’Arabie Saoudite n’a que 80 ans et l’Algérien Abdelaziz Bouteflika est âgé d’un an de moins.

Le Liban étant plongé dans une crise parlementaire grave depuis mai 2014, il est clair que l’élection de Michel Aoun n’a été possible qu’après un accord signé avec le Hezbollah. Après 29 mois d’immobilisme politique, le Liban a cette fois-ci choisi un président identifié comme étant l’allié ultime de l’Iran et de son fidèle satellite, le Hezbollah.

Contrairement à la plupart de ses prédécesseurs, Michel Aoun vient d’une famille très pauvre du sud du pays, elle est bien différente, sur plusieurs plans, de l’élite bourgeoise maronite installée dans le Nord. En fait, Aoun a pu gravir les échelons grâce à sa carrière militaire, seul moyen d’arriver réellement au pouvoir.

Michel Aoun a étudié à l’école des “Frères” de Beyrouth, mais étant pauvre n’a pu poursuivre ses études universitaires. Il est donc entré à l’âge de 20 ans à l’académie militaire. Trois ans plus tard, il obtiendra son diplôme d’officier d’artillerie. En 1984, il est déjà général de brigade et quelques mois après il commandera pendant cinq ans les Forces armées libanaises, au départ comme chef d’état major, puis durant deux ans comme Ministre de la Défense.

En 1988, Michel Aoun occupe à la fois le poste de Premier ministre par intérim, ministre de la Défense, des Affaires étrangères, de l’Information, et de l’Intérieur. En juillet 1989, alors que l’armée syrienne bombardait des zones chrétiennes à Beyrouth, Aoun, profondément déçu par la position américaine, demande une intervention française.

Le 2 août 1990, Saddam Hussein envahit le Koweït, la Syrie de Hafez el-Assad se range dans la coalition aux côtés des Américains. Des troupes syriennes attaquent le palais présidentiel de Baabda, et Michel Aoun trouve refuge à l’ambassade de France. Il s’installera à Paris jusqu’en 2005. Après le retrait de l’armée syrienne du Liban, Aoun est accueilli à Beyrouth en héros, et depuis, il avait fixé comme objectif de devenir le prochain président.

En 2006, lors de la Deuxième guerre du Liban, Aoun a forgé une alliance avec le Hezbollah et elle s’est renforcée ces jours-ci avec son élection à la présidence de l’Etat.

Il est encore trop tôt pour connaître les véritables raisons qui ont conduit à l’élection d’Aoun, et surtout celle de la prochaine nomination probable de Saad Hariri, proche du royaume saoudien, et farouche opposant au Hezbollah, au poste de Premier ministre. Soulignons que la milice chiite avait assassiné son père Rafic, en février 2005.

Il est aussi difficile de comprendre la position anti-saoudienne actuelle adoptée par Saad Hariri car sa fortune familiale provient de ses liens étroits avec la Maison royale.

Typiquement libanais, Michel Aoun n’a pas de positions dogmatiques. Toutefois, il est toujours préoccupé par le destin de la communauté maronite au Moyen-Orient, secouée par la montée en puissance des mouvements islamistes radicaux qui ont pour but de détruire toute présence chrétienne dans la région.

Soulignons que lorsque le général Aoun était chef militaire et surtout quand il était en exil à Paris, il avait rencontré de nombreuses personnalités israéliennes et discuté avec elles des moyens pour assurer la sécurité et la présence des chrétiens d’Orient, ainsi que les moyens de coopérer avec Israël.

Après son retour au Liban, Aoun était conscient que l’avenir des chrétiens au Liban ne pouvait plus être assuré ni par les États-Unis, ni par France, ni même par Israël. Il était arrivé à la conclusion que seule une coopération avec le Hezbollah et surtout avec l’Iran pourrait garantir aux chrétiens libanais une certaine survie indépendante au Moyen-Orient.

L’élection d’Aoun n’est sans doute pas la défaite des Saoudiens ou du camp pro-occidental. Il est aussi trop tôt pour prétendre à une victoire du Hezbollah et de l’Iran. Le Liban a connu depuis son indépendance de nombreuses guerres, mutations et changements d’alliance. L’élection d’Aoun n’a pas résolu non plus les problèmes intérieurs libanais. Elle a juste permis l’ouverture d’un dialogue entre différents adversaires et ambitions contradictoires.

Aujourd’hui, le Hezbollah a seulement gagné une première partie, il reste encore à voir comment le nouveau président, originaire d’un pauvre village du Sud, pourra naviguer entre les différentes factions de ce mystérieux labyrinthe libanais, et comment les puissances régionales, perdantes lors de ce round, réagiront pour faire valoir leurs propres intérêts.

Jacques Neriah

 


Pour citer cet article : 

Jacques Neriah, « Le nouveau président libanais, allié du Hezbollah », Le CAPE de Jérusalem : http://jcpa-lecape.org/le-nouveau-president-libanais-allie-du-hezbollah/