Le Hamas se prépare à un nouveau round contre Israël, et le Fatah à une guerre de succession

A Ramallah, Mahmoud Abbas, 81 ans, s’accroche au pouvoir et cherche un successeur approprié qui lui permettra de sauvegarder l’empire économique de ses deux fils après sa retraite.

A Gaza, le Hamas se prépare à une nouvelle guerre contre Israël. Cette organisation terroriste n’a jamais abandonné sa stratégie de détruire par tous les moyens l’Etat Juif. Le nouveau chef de la branche politique, Yahya Sinwar, un chef terroriste qui a été détenu pendant plus de 22 ans dans les prisons israéliennes devrait renforcer cette stratégie belliqueuse contre l’Etat Juif avec à la fois l’aide de Daesh et de l’Iran.

Il a longtemps existé au sein du Hamas une lutte sérieuse entre l’aile militaire du Hamas, soutenue par l’Iran et dirigée par Yahya Sinwar et Mahmoud al-Zahar, et, d’autre part, les candidats favorisés par le Qatar et la Turquie comme Ismail Haniyeh et Mousa Abou Marzouk. La récente nomination de Yahya Sinwar comme chef du Hamas à la place d’Haniyeh vise la direction du mouvement politique à la place de Mashal. Elle change complètement la donne et écarte toute réconciliation avec le Fatah.

Depuis la dernière Opération Bordure protectrice de l’été 2014, le Hamas améliore chaque jour ses capacités militaires et technologiques pour pouvoir affronter Tsahal dans de meilleures conditions. Il vise à infliger à Israël des coups douloureux par le lancement de roquettes et de missiles, par la construction de nouveaux tunnels d’attaque, par l’envoi de drones piégés, et par l’infiltration de commandos en territoire israélien. Il envisage également de mener une guerre cybernétique en piratant les ordinateurs et les smartphones des soldats de Tsahal.

La corruption au sein de la famille Abbas est un sujet brûlant qui préoccupe la population des Territoires. Dans un premier temps, Abbas avait voulu nommer comme successeur son fidèle conseiller Saeb Erekat, secrétaire général du Comité exécutif de l’OLP. Cependant, Erekat manque de charisme, de crédibilité et surtout de popularité dans les Territoires. Il aurait sans doute servi les intérêts de la famille Abbas. La nomination d’Erekat aurait aussi rencontré une forte opposition de la part des membres du Comité central du Fatah dirigé par Jibril Rajoub, considéré également comme un potentiel successeur. En fin de compte, Erekat se trouvait dans l’obligation de renoncer à la présidence.

Depuis lors, un autre candidat a été suggéré, en la personne du général Majid Freij, chef des services du Renseignement palestinien, considéré comme un proche collaborateur d’Abbas. Jusqu’à ce jour, Abbas ne l’a pas encore proposé officiellement ni ne l’a nommé comme vice-président.

Apparemment, Mahmoud Abbas se trouve dans une situation très délicate. Il craint toujours d’affronter la jeune garde du Fatah, les nouveaux loups de la politique palestinienne, et particulièrement Mohammed Dahlan.

Le monument en mémoire de Zouari, à Gaza, figure un drone en son sommet

Pour l’heure, le Hamas n’a aucun intérêt à un nouvel affrontement militaire contre Israël, mais le calme à la frontière est probablement temporaire. Les deux parties sont intensivement engagées à tirer les leçons de la dernière opération pour pouvoir se préparer convenablement au prochain round de la guerre.

L’apparente accalmie dans la bande de Gaza est donc trompeuse. Dernièrement, les roquettes lancées sur Israël par de soi-disant « organisations rebelles » ont fortement diminué, apparemment parce que les services de sécurité du Hamas ont mené une vague d’arrestations parmi les djihadistes et les salafistes. Ces arrestations visaient à apaiser l’Egypte. Elles ne reflètent cependant pas un changement dans les intentions du Hamas envers Israël.

Le 2 février 2017, dans la ville de Rafah, le Hamas avait organisé une grande cérémonie militaire où un monument aux morts fut dévoilé à la mémoire de l’ingénieur tunisien Muhammad al-Zouari, un spécialiste de la construction de drones du mouvement palestinien.

Le Hamas affirme que Zouari a été assassiné par des agents du Mossad.

Il avait apporté une grande contribution technologique à la lutte anti-israélienne  en développant des avions sans pilote, ainsi qu’un petit sous-marin, commandés à distance.

Abu Oubaida, porte-parole de l’aile militaire du Hamas, a salué la contribution de Zouari à la cause palestinienne et déclaré lors de cette cérémonie : « le problème palestinien est non seulement un problème géographique ou une lutte politique interne entre un peuple et un occupant ; il est surtout un conflit qui concerne tout le monde islamique dans sa lutte existentielle, historique, et culturelle. »

Pour prouver qu’Israël n’est pas invincible, les médias du Hamas ont publié largement des extraits du rapport du contrôleur de l’État israélien.

Ce rapport a été dévoilé récemment par la presse israélienne et a mis l’accent sur les défaillances de Tsahal avant et lors de l’Opération Bordure protectrice, en particulier sur la présence de tunnels d’attaque.

Selon les analystes du Hamas ces défaillances reflètent l’impuissance et la confusion des dirigeants israéliens et leur ignorance des réalités sur le terrain, et donc, devant cet échec, nul doute que le Hamas a bel et bien remporté le dernier round de l’été 2014. Le Hamas poursuivra sa guerre.

Des responsables de la sécurité israélienne ont confirmé récemment que le Hamas a entièrement réhabilité ses capacités militaires endommagées lors de l’opération Bordure protectrice, et notamment les tirs de roquettes et de mortiers ainsi que la construction de tunnels.

Actuellement, le Hamas possède plusieurs milliers de roquettes et des dizaines de tunnels d’attaque. Ces tunnels sont destinés à faire pénétrer des unités de commandos en territoire israélien pour y commettre des attentats et des enlèvements de civils et de soldats israéliens.

La branche militaire du Hamas continue de travailler jour et nuit à la fabrication de roquettes et à la construction de nouveaux tunnels avec tous les équipements possibles.

Poster du Hamas à la gloire de Zouari

C’est une véritable course contre la montre dans les deux camps. Israël a déjà commencé à construire un mur profond dans le sol autour la bande de Gaza. L’objectif est de lutter contre le phénomène des tunnels tout en développant des méthodes technologiques de pointe pour pouvoir les détecter.

La question clé est de savoir qui commencera ce nouveau round ? Qui lancera le premier une guerre préventive ? Israël va-t-il surprendre le Hamas en détruisant ses tunnels bien avant leur utilisation, ou bien le Hamas réussira à le faire avant en déplaçant ses combattants à travers les tunnels en territoire israélien ?

Cependant, les habitants de la bande de Gaza sont plutôt préoccupés par les affaires socio-économiques. Plusieurs manifestations ont eu lieu le 9 janvier 2017 pour protester contre la crise et la pénurie d’électricité. Les forces de sécurité du Hamas ont été contraintes de tirer en l’air pour bloquer les manifestants. Le Hamas, qui est au pouvoir depuis 2007, n’a pas été en mesure de résoudre, à ce jour, la pénurie d’électricité. Les Gazaouis souffrent du rude hiver et sont approvisionnés pour seulement trois heures d’électricité par jour.

La rage et la colère exprimées contre le régime du Hamas pourraient un jour se détourner contre Israël et entraîner une escalade militaire. Ainsi, le Hamas pourra pointer la responsabilité de la situation désastreuse à Gaza sur Israël.

La crise a été temporairement évitée grâce à l’intervention de la Turquie, qui a accepté d’envoyer du carburant, et le Qatar qui a fourni une aide financière supplémentaire. Mais il s’agit d’une bombe à retardement qui pourrait exploser un jour si la situation se détériore sur le terrain.

La crise de l’électricité n’est qu’un seul aspect du potentiel explosif à Gaza.

Selon un sondage publié cette semaine dans les Territoires, 71% des habitants de Gaza pensent que leur situation économique s’est plutôt détériorée par rapport aux années précédentes. 55 % estiment que leur situation sécuritaire s’est fortement aggravée.

Pendant ce temps, la direction du Hamas tente d’ouvrir une nouvelle page avec l’Egypte. L’objectif est d’aboutir à un assouplissement du blocus de Gaza avec une série de nouvelles mesures pour la réouverture du passage de Rafah et sa transformation en passage commercial.

Au début du mois de février 2017, une délégation du Hamas est arrivée au Caire pour discuter de nouveaux accords qui portent aussi sur la sauvegarde de la frontière de Gaza avec l’Egypte et sur la guerre contre la branche Etat islamique installée dans le nord du Sinaï. Si les négociations aboutissent, le blocus du côté égyptien de Gaza sera considérablement assoupli et les pressions des habitants palestiniens diminueront. Gaza aura alors une ouverture régulière vers le monde arabe sans avoir besoin de dépendre d’Israël ni de l’Autorité palestinienne.

Mahmoud al-Zahar (au centre) pendant la guerre de Gaza en 2012 

Pendant ce temps, il y a aussi eu des contacts préliminaires par le biais de médiateurs sur un accord portant sur l’échange de prisonniers entre Israël et le Hamas. Cela impliquerait le retour des corps des soldats de Tsahal Hadar Goldin et Oron Shaul, mais aussi le rapatriement d’Avraham Mengistu, originaire d’Ashkelon, et d’un bédouin israélien, Hisham al-Said, qui sont détenus en captivité à Gaza depuis 2014. En échange, le Hamas exige la libération de milliers de terroristes, un nombre beaucoup plus élevé que dans l’affaire Shalit en 2011.

Avec un tel accord, le Hamas espère gagner la gloire dans la rue palestinienne. Pour le moment rien de concret n’est envisagé.

Il semble qu’Israël ne souhaite pas un nouveau conflit armé et veuille maintenir le statu quo. Le ministre de la Défense, Avigdor Libermann, vient de déclarer qu’Israël n’envisage pour l’heure aucune opération préventive ni contre le Hamas au Sud, ni contre le Hezbollah au Nord.

Les intentions du Hamas sont très difficiles à évaluer. Les luttes de pouvoir au sein du mouvement, ses relations avec l’Egypte et l’Autorité palestinienne et la situation économique à Gaza sont des variables qui pourraient conduire la direction du Hamas à relancer les hostilités.

Dans ce contexte demeurent plusieurs questions sans réponse. Est-ce qu’Israël veut renverser le gouvernement du Hamas ? Qui régnerait à Gaza à sa place ? Est-ce qu’Israël veut reconquérir toute la bande de Gaza et y rétablir un régime militaire ? Israël souhaite-il au contraire une trêve à long terme, en assouplissant le blocus, en ouvrant un port maritime sous son contrôle, et en accueillant des milliers de travailleurs ?

Tant qu’il n’y a pas de décision israélienne sur ces questions, le statu quo se poursuivra, et Israël continuera à réagir ponctuellement.

Il faut dire aussi qu’au sein de l’Autorité palestinienne, et malgré les tractations en cours, aucune réconciliation sérieuse n’est en vue entre le Fatah et le Hamas. L’euphorie qui a gagné les esprits chez les Palestiniens après l’adoption de la résolution 2334 et la conférence de Paris du 15 janvier 2017 s’est bien estompée avec la nouvelle loi de régulation adoptée par la Knesset.

Elle a suscité la colère des Palestiniens et des craintes que la rencontre entre Nétanyahou et le président Trump à la Maison Blanche ne favorise la poursuite de la colonisation et écarte encore plus tout règlement.

Tout dépendra de la décision de la Cour suprême et de la politique du nouveau président américain. Il est probable que le président Trump déterminera la politique des colonies israéliennes dans les mois à venir, mais beaucoup dépendra du « feu vert » que le Premier ministre israélien obtiendra ou pas du Président sur la poursuite de la construction des implantations, et quelle sera la nature du soutien qu’Israël obtiendra dans l’arène internationale et au sein des différentes institutions mondiales.

Dans l’attente d’un nouveau congrès du Fatah, Mahmoud Abbas évite de choisir un vice-président qui serait son successeur.

Parmi les candidats figure aujourd’hui deux noms : Marwan Barghouti et Jibril Rajoub. Barghouti est actuellement détenu dans une prison israélienne, purgeant cinq condamnations à perpétuité pour avoir planifié des attentats et tué de nombreux civils israéliens. Rajoub est membre du Comité central du Fatah. Un autre candidat qui demeure un opposant farouche à Abbas est sans doute Dahlan.

Les discussions au sein du Comité central du Fatah sur la succession  d’Abbas devraient se poursuivre indéfiniment.

La principale tâche de Mahmoud Abbas est de trouver un véritable successeur. Un homme fidèle qui l’assurera de mener une retraite confortable pour lui et sa famille au Qatar.

Yoni Ben Menahem

 


Pour citer cet article :

Yoni Ben Menahem, « Le Hamas se prépare à un nouveau round contre Israël, et le Fatah à une guerre de succession », Le CAPE de Jérusalem : http://jcpa-lecape.org/le-hamas-se-prepare-un-nouveau-round-contre-israel-et-le-fatah-une-guerre-de-succession/


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