Le dilemme américain : Le prix de la démocratie arabe
Ces jours-ci, les médias égyptiens sont préoccupés par la publication d’un document américain important dévoilé par Wikileaks. Ce câble rédigé en février 2010 est une analyse de l’ambassade des Etats-Unis au Caire et décrit les tensions avec Washington. Il révèle que le gouvernement égyptien soulève des doutes quant à la position des Etats-Unis “d’encourager la démocratie », et conteste sur le résultat des efforts car en réalité ils « renforcent la confrérie des Frères musulmans ».
Cette analyse est partagée également dans des cercles privés de l’élite égyptienne.
Dans ce contexte, notons la réaction américaine au premier tour des élections au parlement égyptien qui a eu lieu le 28 novembre dernier. Le porte parole du Département d’Etat, Philippe Crowley a déclaré que les “Etats-Unis sont déçus de l’intervention des forces de sécurité égyptiennes lors des élections.”
Bien que l’ont conçoit que le gouvernement égyptien a fait tout de son pouvoir pour affaiblir les Frères musulmans, la question que se posent certains dirigeants égyptiens est de savoir si les Etats-Unis sont réellement intéressés par la victoire des Frères musulmans.
L’organisation des Frères musulmans a été fondée en 1928 en Egypte par Hassan al Banna, en partie, en réponse à la dissolution de l’institution des califats par les Turcs. La confrérie avait l’ambition de raviver l’Islam par le biais d’activités sociales et religieuses.
Toutefois, la confrérie possédait une filière secrète bien formée et perpétrait des attentats et des actions terroristes. Les Frères musulmans ont tenté d’assassiner des dirigeants égyptiens. Al Banna prêchait à ses disciples que ” le coran est notre loi. Le Djihad est notre voie. « Une mort dans la voie d’Allah est notre espoir suprême”.
Le calendrier de l’organisation a soutenu la diffusion de l’Islam, et en s’adressant aux jeunes Al Banna disait : l’Andalousie (l’Espagne), la Sicile, les Balkans et le sud de l’Italie, tous sont des terres musulmanes qu’il faut rendre au sein de l’islam. Le Moyen-Orient et la Mer rouge doivent faire partie de l’empire islamique tel qu’il était auparavant”.
Suite à la création d’un Etat islamique, les Frères musulmans espèrent pouvoir diffuser leurs messages à travers le monde pour établir un gouvernement universel dirigé par un régime de califat.
Nul ne doute que les dernières élections en Egypte posent aux Etats-Unis un dilemme à savoir si des élections libres sont préférables à un soutien de la répression égyptienne à l’encontre des Frères musulmans et l’affaiblissement de leur pouvoir. Lors du premier tour des élections, les Frères musulmans n’ont pas réussi à obtenir un seul siège parmi les 508 au Parlement, tandis que lors des élections précédentes ils avaient gagné 88 sièges.
Nous constatons que les analyses américaines sont influencées par une opinion dominante et de plus en plus populaire à Washington, qui perçoit les Frères musulmans comme une organisation modérée pouvant servir d’alternative à un organisme comme Al Qaïda. En 2007, la revue « Affaires étrangères », qui est sans doute la plus influente au sein de l’administration américaine, a publié un article stipulant que les Frères musulmans forment ” une organisation modérée “. Le chef de la majorité du Congrès, Stenay Hoir, avait même rencontré des représentants des Frères musulmans, au parlement égyptien.
Deux ans plus tard, lorsqu’Obama a décidé de s’adresser au monde musulman à partir du Caire, des représentants des Frères musulmans ont été invités à participer à l’audience.
En contradiction avec les voix américaines appelant à plus d’ouverture à l’égard des Frères musulmans, au Moyen-Orient, par contre, une forte opposition existe contre ce mouvement. En 2005, le ministre de l’Education du Koweït a écrit dans le quotidien Sharq Al Awsat que « la source de toute forme du terrorisme religieux à laquelle nous assistons aujourd’hui provient des Frères musulmans. »
Le ministre koweïtien a ajouté : “les fondateurs des organisations de violence ont été éduqués par les Frères musulmans.” Il avait bien raison. Historiquement parlant, Mohammad Qutb de l’organisation des Frères musulmans en Egypte et Abdoullah Azam de la confrérie de la filiale jordanienne ont trouvé refuge en Arabie saoudite. Dans les années 70, ils ont enseigné un jeune étudiant saoudien nommé Oussama Ben Laden.
Azam est devenu le maître spirituel de Ben Laden et l’a conduit en Afghanistan. Par ailleurs, Khalid Cheikh Mohammed, le cerveau de l’attentat contre les tours jumelles à New York, est diplômé de l’organisation des Frères musulmans koweïtiens, ainsi que Khaled Mashal, chef de l’aile politique du Hamas. Aujourd’hui les forces de sécurité égyptiennes reconnaissent l’influence grandissante de l’Iran et des Frères musulmans bien qu’il s’agit de deux courants (sunnites et chiites) concurrentielles au sein de l’Islam.
En ce qui concerne Israël, il est important de rappeler que le Hamas aussi est un produit des Frères musulmans. L’article 2 de la Charte du Hamas stipule explicitement que l’organisation est un « une branche des Frères musulmans ».
Pour cette raison précise, il est évident que ceux qui soutiennent un dialogue américain avec les Frères musulmans soutiendront également des pourparlers avec le Hamas.
A ce stade et même si l’administration Obama s’oppose fermement à tout dialogue avec le Hamas, tant qu’il demeure fidèle à sa charte qui appelle à la destruction d’Israël, elle se trouve toujours sous pression pour l’inciter à changer cette politique.
En mars 2009, neuf anciens hauts-fonctionnaires américains, dont les conseillers à la Sécurité nationale des Présidents George Bush, senior, et de Jimmy Carter ont appelé à ouvrir un dialogue avec le Hamas. Les égyptiens n’oublient pas non plus les pressions exercées en 2006 par l’administration Bush sur Israël pour permettre au Hamas de participer aux élections de l’Autorité palestinienne et ainsi l’amené au pouvoir.
En 2004, Mohamed Mahdi Akef, ancien chef des Frères musulmans en Egypte a déclaré « l’Islam envahira l’Europe et les Etats-Unis ». En 2008, il a soutenu les activités d’Al Qaïda et prouve que les analyses américaines sur la soit disant modération de l’organisation sont dénuées de fondement.
La confrérie des Frères musulmans demeure une organisation dangereuse, qui constitue à la fois, une infrastructure idéologique du terrorisme musulman et réussit à convaincre l’Occident qu’elle ne constituera aucune menace aux intérêts occidentaux en dépit de sa recrudescence.
La lutte pour la démocratie est un noble combat. Nous devons éviter que ce combat obtienne un résultat opposé lorsque dans ce cadre même il soutient des organisations qui sont l’antithèse aux valeurs démocratiques. Enfin, Egypte il existe d’autres parties politiques, l’Occident devrait les soutenir pour pouvoir leur permettre une compétition normale et faire entendre tout-haut leurs voix.