Le conflit Géorgie-Russie : les enjeux

La Russie souhaite redevenir une grande puissance et profite de la crise en Georgie pour faire passer aussi un message aux pays musulmans qui oseraient changer le statu quo. Alors que la stratégie russe appréhende une réaction musulmane, la Russie ne craint pas d’être sur la corde raide et agir contre l’occident.
La crise Géorgie-Russie influe sur les questions globales. Elle découle de la volonté de remettre en cause les équilibres géopolitiques existants depuis l’effondrement de l’Union Soviétique.
Durant vingt ans, la Russie a dû faire face à ce déclin de puissance, à l’élargissement de l’OTAN à ses frontières, et sur l’arène internationale sa voix n’était plus entendue même si elle conserve toujours son statut de membre permanent du Conseil de Sécurité et le droit de veto.
Dans ce dernier  conflit, la Russie affirme avec force qu’elle redevient une puissance avec des intérêts asiatiques élargis.  Elle rejette toute attitude la considérant comme une nouvelle version d’une “petite URSS” et  qu’on pourrait la combattre sans riposte de sa part.
Ces dernières années, les Russes se sentaient  encerclés par l’adhésion de pays d’Europe occidentale à l’OTAN. Des anciennes républiques qui jadis étaient partie intégrale de l’URSS, comme l’Ukraine et la Géorgie, ont préféré des liens étroits avec l’occident  et les Etats-Unis qu’une relation traditionnelle avec Moscou. Le bouclier antimissile est à cet égard éloquent. Face à la menace sur l’intégrité territoriale de la Russie, résultant des mouvements séparatistes au sein des populations musulmanes, telle que la Tchétchénie, Moscou prouve qu’elle est prête à employer la force militaire contre toute tentative de modifier  le statu quo intervenu avec la chute de l’URSS.
Les Russes montrent aussi qu’ils sont prêts à défendre les populations russes vivant dans les zones de ses  anciennes républiques, telle que l’Ossétie.
Cette fois- ci, l’objectif militaire des dirigeants  russes visait la Géorgie, mais leur message s’adressait aussi à d’autres régions du Caucase. Dans cette stratégie, la Géorgie est devenue un objectif majeur étant donné qu’elle n’a pas des “alliés naturels” capables d’aggraver leurs relations avec la Russie. Par contre, une opération militaire contre un département rebelle musulman en Russie ou dans les républiques de l’ex- URSS aurait pu  déclencher une réaction véhémente de plusieurs  pays islamiques dont lesquels la Russie cherche leur bon voisinage.
Rappelons que la Géorgie est un Etat clé pour toutes les tentatives de l’occident de nouer un lien terrestre et direct avec les réserves de pétrole en Asie centrale. En 1999, un accord a été conclu pour construire un long pipeline de pétrole, débouchant  de Bakou, situé sur la côte de la Mer Caspienne en Azerbaïdjan, passant par Tbilissi vers Khaihan, ville portuaire de Turquie, située sur les côtes de la Mer Noire. Le pipeline a permis aux Etats-Unis et à l’Union Européenne de contourner la Russie et  même l’Iran,  et d’aboutir directement aux réserves des républiques islamiques de l’ancienne URSS. Actuellement, l’occident est intéressé à construire de nouveaux pipelines en direction du Turkménistan, considéré comme l’un des Etats  possédant les réserves de gaz les plus importantes du monde. Les opérations militaires de la Russie contre le pipeline existant sont destinées à ébranler la sécurité des pipelines dans le Caucase, ceux qui traversent la Georgie vers l’occident. La gigantesque société d’énergie de Russie le “Gaz Prom” a des projets alternatifs pour acheminer le gaz et le pétrole destinés à l’occident vers les zones russes.
Au dernier sommet de l’OTAN réuni cette année à Bucarest, les dirigeants occidentaux ont décidé d’accepter l’adhésion de la Géorgie à l’Alliance Atlantique dés que Tbilissi remplirait toutes les conditions techniques pour  devenir membre de cette organisation. La carence de réaction énergique de la part de l’occident face à une opération militaire de la Russie, contre un Etat qui s’apprête à se joindre à l’Alliance Atlantique, est une atteinte grave en termes de dissuasion de l’occident et elle s’est traduite en une victoire écrasante de la Russie. Certes, les Russes ont accepté le cessez-le-feu en marchant sur la corde raide, mais ils ont réussi à montrer au monde qu’ils sont capables  d’agir contre un Etat démocratique, conscients qu’il n’y aura pas de riposte adéquate de la part des Etats-Unis et de ses Alliés.Voir aussi l’article en anglais d’Ariel Cohen sur les implications de la crise géorgienne au Moyen-Orient