La naïveté de l’Occident face au nucléaire iranien

Ces jours-ci nous entendons dans les capitales occidentales un son de cloche qui laisse à penser que les Iraniens sont cette fois-ci assez sérieux dans la volonté de discuter de leur programme nucléaire. Des diplomates  soulignent que l’Iran s’est présenté aux pourparlers devant les représentants du Forum 5 + 1 (les cinq pays permanents du Conseil de Sécurité + l’Allemagne) sans conditions préalables.

Yukiya Amano,  directeur de l’Agence Internationale pour l’Energie Atomique (AIEA) a même déclaré qu’un accord entre les deux parties pourrait être signé prochainement sur le nucléaire. Catherine Ashton, la représentante dela Communautéeuropéenne, a estimé que ces discussions “s’achemineront vers le début de la fin du programme nucléaire de l’Iran ».

Ces estimations optimistes, en particulier celles d’Ashton, sont  incompatibles avec les amères expériences que l’Occident avait subies lors des précédents pourparlers sur le nucléaire. Déjà en 2002,  suite à la première divulgation de l’infrastructure iranienne pour l’enrichissement d’uranium,  une commission composée dela GrandeBretagne, de la France, et de l’Allemagne (UE-3) avait négocié avec l’Iran pour qu’il cesse ses travaux.

Le 21 octobre 2003, à Téhéran, le  Forum UE-3 avait conclu avec les Iraniens « de suspendre toute activité d’enrichissement de l’uranium » ainsi que de cesser les efforts de production du plutonium. La suite est bien connue et illustre parfaitement les intentions de l’Iran. Ce pays n’est pas capable de respecter ses engagements et ses promesses.

Après la signature de cet accord, les diplomates iraniens ont trouvé toutes sortes de prétexte et ont affirmé que cet accord nucléaire n’était valable que sur l’introduction du gaz uranium dans les centrifugeuses de l’usine de Nataz et qu’il ne se référait pas à toutes les autres étapes préliminaires nécessaires au processus. Les Iraniens ont réitéré leur droit de poursuive la construction  de centrifugeuses.

L’étape de pré-enrichissement est surnommée “conversion” et elle comprend l’utilisation de  l’uranium intitulé  « gâteau jaune ». C’est par ce processus  que le gaz produit est introduit dans les centrifugeuses. En 2003, l’Iran n’avait pas encore de site de conversion. En 2005, juste après les négociations sur le nucléaire avec les Occidentaux, les Iraniens avaient déjà réussi à compléter l’installation à Ispahan et l’avaient mis en marche, et ce en  proclamant la fin de la suspension du programme d’enrichissement.

Dans un discours tenu secret, Hassan Rouhani, chef  de la délégation  iranienne aux négociations,  s’était vanté d’affirmer que les Iraniens ont profité de ces négociations pour pouvoir installer leur site à Ispahan.

La manière dont l’Iran a utilisé les négociations sur le nucléaire est l’une des pierres angulaires de sa diplomatie essentiellement basée sur la diversion et l’abus de confiance. Dans son ouvrage, “régime islamique”, publié avant la révolution de 1979, Ayatollah Khomeiny, explique à ses fidèles que “dans chaque discussion nous devons garder le principe de la “Takya », nous devons présenter un certain souhait tout en cachant nos véritables intentions.” Ainsi fonctionne la diplomatie iranienne au sujet du programme nucléaire. L’ancien ambassadeur britannique à Téhéran, Sir Denis  Wright, expliqua le phénomène en disant un jour: ” les Iraniens disent le contraire de ce qu’ils pensent et font le contraire de ce qu’ils disent ».

Ces remarques ne sont pas des propos racistes mais reflètent bien la manière dont est appliquée la tradition religieuse -chiite dans les débats diplomatiques disputés aujourd’hui entre l’Iran et l’Occident.

Dans toute négociation sur le nucléaire avec l’Iran le principe de transparence demeure essentiel. Le contrôle des installations secrètes a été à plusieurs reprises  retardé en violation flagrante des engagements. Les Iraniens avaient profité du laps de temps pour enterrer les preuves incriminantes.

Pour exemple,  les Iraniens ont retiré le carrelage  des murs dans  le site  électrique de Kalia, pour empêcher les inspecteurs de l’AIEA à vérifier les restes des produits radioactifs issus des essais effectués dans les nouvelles centrifugeuses.

Dans l’institut de recherche de Levisane, destiné au recyclage à des fins militaires, les Iraniens ont simplement détruit six bâtiments et ont même retiré de profondes couches de terre afin qu’on ne puisse prélever des échantillons radioactifs. . En janvier 2005, au cours d’une inspection à Parchine, les Iraniens ont également limité le mouvement des inspecteurs à certains bâtiments précis.  Nous devrions comprendre que chez les ayatollahs, la différence existe bien entre un accord de principe et entre ce que l’on pourra faire sur le terrain.

Toutefois, afin de répondre à la question si l’Iran respecterait les accords  conclus avec l’Occident, il est important de ne pas s’attarder uniquement sur les détails techniques.  Déjà en juillet 1991, le guide suprême iranien, ayatollah Ali Khamenei expliquait que  la stratégie de la sécurité nationale de l’Iran  est surtout  expansionniste. Le général Kassem Suleiman, commandant des forces d’al Qouds au sein des Gardiens de la révolution, a affirmé récemment : « l’Irak et le sud Liban sont sous  contrôle de Téhéran. »

Autrement dit, l’Occident ne négocie pas avec un des pays possédant  une infrastructure nucléaire, tel que le Japon ou la Suède mais avec un Etat aux ambitions hégémoniques qui ignore éperdument l’optimisme qui s’est emparé actuellement chez les diplomates occidentaux.