Kadhafi devant les juges de la Haye ?!
Tous les dirigeants arabes ont protégé jusqu’à ce jour leurs homologues sanguinaires. Le cas le plus éloquent est celui du Président soudanais qui a massacré son peuple. Recherché par Interpol, Omar el Bachir continue à entretenir de bonnes relations avec les dirigeants arabes et notamment avec Mahmoud Abbas. Suite aux émeutes meurtrières en Libye, le Conseil de sécurité de l’ONU a enfin adopté une résolution menaçant d’appliquer des sanctions contre le régime de Kadhafi.
Cette décision a été prise après avoir pris connaissance que des attaques généralisées contre des civils ont été commises sous les instructions de « hauts-fonctionnaires au sein même du gouvernement libyen ».Dans le texte adopté de la résolution on mentionne que ces attaques « pourront être interprétées et considérées comme crimes de guerre ».
Ce qui constitue une exception dans la résolution de l’ONU est la décision du Conseil de sécurité de transmettre le dossier libyen au procureur de la Cour Pénale Internationale de la Haye(ICC) pour pouvoir prendre des mesures juridiques.
Contrairement à la Cour Internationale de Justice, qui traite de conflits entres les Etats, la Cour Internationale Pénale fondée en 2002 peut également agir contre des individus impliqués dans des crimes de guerre.
Avant la création de la Cour Internationale Pénale, l’ONU a mis en place des tribunaux pénaux internationaux qui ont traité du Rwanda et de la Yougoslavie. C’était le tribunal international pénal pour l’ex Yougoslavie qui a jugé Slobodan Milosevic. La résolution la plus célèbre de l’ICC a été prise en mars 2009. Elle a délivré un mandat d’arrêt contre le président soudanais Omar al-Bachir, en raison des massacres au Darfour par les forces armées soudanaises. Omar al-Bachir était responsable de la mort de 35000 hommes, femmes et enfants. En juillet 2010, un deuxième mandat d’arrêt contre al-Bachir l’accuse explicitement de génocide.
Les pays arabes ont tenté de défendre al-Bachir. Le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, s’est rendu même à Khartoum en août 2009 en dépit du mandat d’arrêt décrété.
Au cours de la conférence au sommet réunie à Qatar en 2009, 17 dirigeants arabes ont rejeté clairement la résolution de l’ICC à l’encontre d’al-Bachir. Pour une fois que la ICC essaye d’initier des poursuites judiciaires contre un dirigeant arabe, ce leader peut toujours compter sur le soutien du monde arabe, malgré que les accusations portées sont des accusations graves de génocide.
Concernant la Libye, nul ne conteste que les officiers de Kadhafi aient à expliquer leur position. Un officier libyen qui accomplit les ordres de Kadhafi et ouvre le feu sur des civils libyens- aurait à envisager la possibilité qu’il sera également exposé à un mandat d’arrêt international.
Le Conseil de sécurité de l’ONU a déjà localisé et identifié des hauts officiers de l’armée libyens impliqués dans la féroce répression contre les des manifestants. A ce stade, la résolution de l’ONU a seulement limité leur liberté de mouvement. Dans d’autres cas, spécialement contre les membres de la famille de Kadhafi, leurs biens ont été gelés à l’étranger.
Il est probable que des hauts officiers des forces de sécurité libyennes soient conscients des mesures que l’ONU a déjà entrepris, et préfèrent ne pas devenir la cible de sanctions supplémentaires. Dans ce contexte, la menace de nouvelles mesures judiciaires éventuelles pourrait être un obstacle entre Kadhafi et le commandement supérieur de l’armée.
La menace de l’ICC peut, dans certains cas, agir comme bouclier pour défendre la vie de civils qui auraient pu être massacrés si l’armée de ce pays, telle la Libye, n’avait pas estimé qu’un corps juridique international focalise son intention sur ses activités.
Il est possible que le Conseil de sécurité de l’ONU a supposé qu’en menaçant de prendre des mesures juridiques celles-ci mettront en garde les corps armées et ainsi hâteront la chute de Kadhafi. Toutefois, la menace de mesures judiciaires peut aboutir à un résultat contraire. Elle peut provoquer un durcissement des positions, de crainte que sa capitulation rendrait impossible son départ du pays pour l’exil. Finir paisiblement ses jours dans un manoir en Espagne ou en Italie est préférable à une cellule de détention à la Haye.
Face à ce dilemme, il est probable qu’un dictateur comme Kadhafi confronté à un soulèvement populaire, préfère lutter « jusqu’au bout » et ne pas accepter d’abdiquer. Dans les années 90, lorsque l’idée de créer un tribunal pénal international a été élaboré, certains experts ont exprimé leur crainte que des dirigeants possédant des armes de destruction massive pourront les utiliser s’ils apprenaient qu’ils seraient arrêtés, jetés en prison à perpétuité ou exécutés.
Le putsch en Libye pose des dilemmes difficiles à l’Occident. Les Etats-Unis ont décidé de ne pas agir car les civils de pays occidentaux qui s’y trouvaient étaient nombreux et personne ne pouvait garantir que Kadhafi ne s’en servira pas comme otages.
Rappelons que Saddam Hussein, s’est servi des otages comme « boucliers humains » au cours de la première Guerre du Golfe et il n’y a aucune raison de supposer que Kadhafi n’agisse différemment. Dans le passé, les mesures juridiques contre les dictateurs n’ont été prises suite à leur chute ou après leur capitulation. Le cas soudanais est le premier dont l’ICC a agi contre un dirigeant au pouvoir. C’est aussi valable pour Kadhafi. Comment cette décision influera-t-elle sur la révolte en Libye? La réponse sera donnée probablement prochainement.