Echec de la campagne palestinienne
Les dernières manifestations dans la bande de Gaza n’ont pas réussi à ce jour à atteindre leur objectif principal : entraver les tireurs d’élite de Tsahal installés le long de la frontière, et s’infiltrer en masse en territoire souverain de l’État d’Israël.
La marche palestinienne du « retour » a également échoué à mobiliser les États arabes et les Palestiniens de Cisjordanie.
Toutefois, pour établir un bilan complet nous devrions attendre jusqu’au 15 mai, jour de la Nakba, et date prévue du transfert de l’ambassade américaine à Jérusalem, ainsi que le début du jeûne du Ramadan.
De ce fait et pour l’heure, il est bien clair que la force de dissuasion israélienne a été préservée.
Selon des statistiques officielles publiées par le Ministère palestinien de la Santé, 10 Palestiniens ont été tués lors des manifestations du vendredi 6 mars 2018. 1 400 personnes ont été blessées, dont 33 étaient dans un état grave. Cette manifestation, où des centaines de pneus ont été brûlés, s’est soldée par un échec cuisant pour le Hamas, car environ 20 000 personnes ont participé aux émeutes soit la moitié en comparaison avec la semaine précédente.
Soulignons que la manifestation du premier vendredi de la campagne (30 mars 2018) a été organisé à l’origine pour commémorer le « jour de la Terre » en souvenir des émeutes de 1976. Toutefois, la direction du Hamas, a cédé à la pression des jeunes Gazaouis qui voulaient brûler des milliers de pneus. Par cette tactique ancienne employée lors des différentes Intifadas, (en décembre 1987 et en septembre 2000), les nuages noirs de fumée pouvaient empêcher les activités de Tsahal et protéger ainsi la vie des manifestants. Utiliser des milliers de pneus enflammés avait pour but d’attirer l’armée israélienne sur un nouveau front, où elle devrait faire face à des milliers de civils protestataires dans des conditions de mauvaise visibilité, ce qui la conduirait à commettre de graves erreurs.
Selon certaines sources au sein du Fatah, les dirigeants du Hamas avaient aussi estimé que cette tactique réussirait par la suite à entraver le projet des Israéliens de détruire systématiquement des tunnels.
Cependant, les milliers de pneus brûlés n’ont pas atteint leur objectif. Les forces de Tsahal installées le long de la bande de Gaza se sont préparées à l’avance en utilisant des canons à eau, des ventilateurs et des tuyaux contre les incendies, et elles ont également utilisé des drones aériens pour éviter l’obscur écran de fumée. Quiconque a tenté de s’approcher de la clôture, de l’endommager, de la traverser ou de commettre des attentats terroristes sous le couvert de la fumée des pneus fut touché automatiquement par un tir de sniper.
«Nous ferons tomber la frontière (avec Israël) et leur arracherons le coeur» (Sinwar, chef du Hamas, 6 avril 2018)
Du point de vue du Hamas, l’utilisation des milliers de pneus enflammés a détourné la « marche du retour » de son objectif initial. De même, il était difficile de faire comprendre à l’opinion internationale le lien entre des pneus en flammes et le « droit au retour » pour les réfugiés.
Le Hamas a annoncé que les familles des victimes de la « marche du retour » seront compensées et recevront chacune la somme de 3 000 dollars, tandis que toute personne gravement blessée recevrait 500 dollars et les autres 200 dollars.
Dans le même temps, plus d’un million de dollars seront distribués aux familles nécessiteuses de la bande de Gaza, y compris les femmes sans-abri et divorcées.
Le Fatah à Gaza considère que les incitations financières du Hamas sont une tentative d’encourager la culture du « martyre » (shahada en arabe) dans l’intérêt du gain et de l’exploitation des souffrances des civils causées par la crise humanitaire.
Le chef du Hamas à Gaza, Yahya Sinwar, était venu sur le terrain des opérations pour encourager les manifestants. Dans un discours devant la foule et les nombreux photographes et journalistes, il déclara : « Nous poursuivrons le chemin de Yasser Arafat, et nous emploierons toutes nos forces pour résister à l’ennemi. »
Les propos de Sinwar ont surpris parce qu’il a délibérément évité de mentionner son guide spirituel et son mentor, Cheikh Ahmed Yassin, fondateur du Hamas.
Sinwar était très proche de Sheikh Yassin, au moment où il fonda le Hamas en 1987. Yassin l’avait nommé responsable du Bureau de Sécurité connu sous le nom de « Majd ».
Certains observateurs estiment que l’omission de Yassin, bien calculée, n’était pas une erreur. Elle révèle de sérieux problèmes dans la gestion de la « marche du retour », qui a graduellement perdu de nombreux participants.
Ils affirment que Sinwar a utilisé Yasser Arafat comme symbole pour encourager les militants du Fatah à prendre part aux manifestants, notamment les jeunes partisans de Mohammed Dahlan dans la bande de Gaza.
Mohammed Dahlan prétend depuis toujours que c’est bien lui, et non Mahmoud Abbas, qui poursuit la véritable voie de Yasser Arafat.
Après deux semaines de campagne pour le « retour », il apparaît que la bande de Gaza reste bien isolée.
Mis à part une tentative de créer des manifestations dans le sud du Liban, l’appel du Hamas n’a provoqué aucun écho ni en Cisjordanie, ni dans les pays arabes. L’armée libanaise n’a pas permis aux manifestants d’atteindre la frontière internationale.
Tsahal a détruit plusieurs tunnels terroristes du Hamas depuis l’opération Bordure protectrice
Les raisons de l’échec du Hamas en Cisjordanie sont les suivantes :
1. Les Palestiniens de Cisjordanie ne croient pas vraiment au succès de cette campagne. La stratégie du Hamas a déjà été pratiquée par Mahmoud Abbas, qui avait appelé à « la résistance populaire par des moyens pacifiques ». Cela a été un échec retentissant.
2. Mahmoud Abbas craint surtout qu’un succès de « la marche du retour » en Cisjordanie, ne renforce le Hamas et menace la stabilité de son régime.
3. La coopération sécuritaire entre l’Autorité palestinienne et Israël oblige la première à maintenir l’ordre et à prévenir les affrontements avec les forces de Tsahal.
4. Le Fatah en Cisjordanie ne soutient pas activement la campagne et se contente de vagues déclarations.
Il est trop tôt pour « enterrer » la campagne du Hamas mais il faut reconnaître qu’elle a réussi à replacer le problème palestinien à l’ordre du jour international. Néanmoins, jusqu’à présent, les Palestiniens ont échoué à obtenir une résolution au Conseil de sécurité des Nations-unies condamnant Israël, à former une commission d’enquête, ou fournir une force de défense internationale aux Palestiniens.
Mahmoud Abbas se trouve également dans un grand dilemme car il ne peut plus imposer de nouvelles sanctions contre le Hamas alors que ses habitants luttent contre Tsahal.
Le mouvement Hamas souligne pour sa part que « la marche du retour » a quand même réussi à embarrasser Israël sur la scène internationale, et a mis les autorités israéliennes au pied du mur, tout en focalisant ses efforts dans la bande de Gaza.
Il convient de rappeler encore quelques autres dates qui pourront être décisives. Le 15 avril 2018, un sommet arabe se tiendra en Arabie saoudite, et le 17 avril 2018 sera proclamée « Journée des prisonniers palestiniens ». Cela s’ajoutera aux « Journées de la colère » lancées tous les vendredis, après la prière dans les mosquées.
Le point culminant sera sans doute la Journée de la Nakba, les 14 et 15 mai prochains, qui coïncidera avec le transfert de l’ambassade des États-Unis à Jérusalem et le jeûne du Ramadan.
Pour le Hamas, il s’agit d’une nouvelle Intifada qui ressemble à celle déclenchée en décembre 1987.
Il est clair que la « la marche du retour » ne conduira pas au retour des réfugiés palestiniens sur le territoire de l’Etat d’Israël. Cependant, à travers cette campagne, le Hamas essaie de susciter la frustration et la fureur des habitants de Gaza envers Israël, causées par la grave crise humanitaire.
Le Hamas espère aussi que cette campagne incitera la communauté internationale à faire pression sur Israël pour qu’il lève enfin le « siège » de Gaza.
Yoni Ben Menahem
Pour citer cet article :
Yoni Ben Menahem, « Echec de la campagne palestinienne », Le CAPE de Jérusalem, publié le 11 avril 2018: http://jcpa-lecape.org/echec-de-la-campagne-palestinienne/