Dissiper le doute sur la résolution 242

Les enjeux de la résolution 242

Dore Gold

Ancien ambassadeur d’Israël à l’ONU et Président du Centre de Jérusalem pour les affaires publiques

La Résolution 242 des Nations-Unies adoptée au mois de novembre 1967 est dans le contexte du conflit Israélo-arabe, la résolution la plus importante pour instaurer la paix au Proche-Orient. Bien qu’elle ait été adoptée  il y déjà plus de quatre décennies, au lendemain de la guerre des Six jours de 1967, elle demeure une base solide pour tous les efforts de paix –depuis le traité de paix israélo-égyptien aux accords d’Oslo en passant par la conférence de paix de Madrid.

Chaque débutant en sciences politiques qui étudie sur le Proche-Orient sait parfaitement que cette résolution n’a jamais établi l’étendue du retrait israélien des territoires conquis pendant la guerre des Six jours en échange de la paix avec ses voisins arabes.

Néanmoins, au cours des dix dernières années, plusieurs observateurs ont faussement caractérisé les résolutions des Nations Unies comme exigeant d’Israël de se retirer totalement de la Cisjordanie et de la bande de Gaza.

Depuis la présidence de Carter, les responsables américains ont pris soin de protéger les droits d’Israël et ont donné un vrai sens à la Résolution 242. L’exemple le plus récent est celui de la lettre du Président George W. Bush au Premier ministre Ariel Sharon du 14 avril 2004. Elle affirme que dans le cadre d’un règlement de paix définitif, Israël doit se doter de frontières sûres et reconnues, qui devraient émerger des négociations entre les parties, conformément aux Résolutions 242 et 338 et à la lumière de nouvelles réalités sur le terrain. Cela comprend les principaux centres d’agglomérations israéliens déjà existants. Selon cette missive, il ne serait pas réaliste que le statut final exige un retour complet aux lignes d’armistice de 1949.

Nul ne le doute, la missive du président Bush a contribué à rectifier les interprétations erronées de la Résolution 242. De manière significative, cette lettre a été également approuvée en juin 2004 par le Sénat américain et par la Chambre des représentants. Néanmoins, la nécessité d’expliquer le sens de la Résolution 242 est une tache inachevée. Pour cette raison, les articles parus dans une brochure sont d’une importance capitale pour le monde universitaire, diplomatique et journalistique et pour tous ceux  qui suivent avec passion les enjeux au Proche-Orient.

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Le point de vue du professeur émérite Ruth Lapidoth, spécialiste du droit international, Université hébraïque de Jérusalem.

 

Pratiquement, aucune résolution de l’ONU n’est citée et référée autant que la Résolution 242. Elle demeure la pierre angulaire pour toutes les étapes dans le règlement du conflit israélo-arabe. Elle figure dans les traités de paix signés entre Israël et l’Egypte (1979) avec la Jordanie (1994), ainsi que les accords avec les Palestiniens en 1993 et  en 1995.

L’adoption de la Résolution 242 à l’unanimité et l’acceptation du texte par  les parties du conflit renforcent son impact. Toutefois, cette résolution a fait l’objet de divergences et de certaines interprétations.  

L’importance de cette résolution est dans le fait qu’elle impose aux parties de négocier de bonne foi afin de parvenir à un accord sur la base d’un retrait des forces israéliennes, l’établissement par commun accord de frontières sûres et reconnues, la cessation de tout état de belligérance et la reconnaissance par toutes les parties de l’indépendance de l’autre et de sa souveraineté. Lors de l’évacuation de certains territoires par les forces israéliennes, il n’est pas nécessairement obligé de les remplacer par des forces arabes puisque les parties peuvent convenir sur la démilitarisation de certaines régions. La résolution exige également de toutes les parties de négocier sur la garantie de la liberté de navigation dans les eaux internationales de la région, sur la recherche d’un règlement juste du problème des réfugiés, et sur l’adoption de mesures visant à garantir les limites à fixer par accord. Ces lignes directrices peuvent servir de canevas et de titres de chapitres pour élaborer les traités de paix.

La Résolution 242 est un tout indivisible, un ensemble de principes dont la mise en œuvre simultanée est recommandée aux parties afin  qu’ils mettent un terme à leur conflit par le canal d’accords internationaux.

Toutefois, dans leurs négociations futures, les parties ne sont pas limitées ou restreintes par les lignes directrices énoncées dans cette résolution, qui a été adoptée depuis quarante et un ans. La donne a changé et en 2009, il est normal que les parties traitent de questions non mentionnées dans la résolution telles que la coopération dans la lutte contre le terrorisme et les problèmes de l’environnement. Aujourd’hui, des idées créatives peuvent contribuer à faire avancer le processus de paix. La juxtaposition ” territoires contre la paix” ne doit pas être une question de savoir où tracer les lignes, mais la manière de répartir les responsabilités.

Une autre controverse juridique concerne la question des réfugiés. Plusieurs traités internationaux relatifs aux droits portent sur la liberté de mouvement, y compris le droit au retour. La disposition la plus universelle se trouve dans le Pacte international de 1966 sur les droits civils et politiques qui stipule que « nul ne peut être arbitrairement privé du droit d’entrer dans son propre pays. » Bien entendu cette disposition soulève à son tour la question de savoir qui a le droit de retour, ou plutôt, quel genre de relation doit exister entre l’Etat et la personne qui souhaite y revenir. Une comparaison des différents textes et une analyse des discussions qui ont eu lieu avant leur adoption conduisent à la conclusion que le droit de retour est probablement réservé aux seuls ressortissants de l’Etat concerné, et peut-être aussi pour les « résidents permanents et légaux ». Même le droit des ressortissants n’est pas absolu, mais peut être limité à la condition que les raisons du refus ou de limitation ne sont pas arbitraires.

Très significative à cet égard est la résolution 242 du Conseil de sécurité. Dans son deuxième paragraphe, le Conseil de sécurité « réaffirme en outre la nécessité…(b) pour réaliser un juste règlement du problème des réfugiés ». Le Conseil de sécurité n’a pas proposé une solution spécifique pas plus qu’il ne limite la fourniture aux réfugiés arabes. Il n’existe aucune base pour la revendication arabe que la résolution 242 intègre la solution préconisée par la résolution 194 de 1948. Le Conseil de sécurité a simplement recommandé la réalisation d’un « juste règlement », sans préciser exactement ce que cela comprend et sans se référer à aucune résolution de l’ONU. Il a été considéré comme une question qui doit être réglée par négociation entre les parties. En outre, la résolution parle en termes généraux de « problème de réfugiés », cela ne se limite pas au problème palestinien. Le règlement réel négocié doit également prendre en compte les droits des Juifs qui ont fui les pays arabes et ont droit à une indemnisation.

La solution peut inclure un droit au retour dans le nouvel Etat palestinien après sa création. L’établissement et l’intégration dans plusieurs autres Etats (arabe et non arabe) et un éventuel retour en Israël d’un petit nombre, si des raisons humanitaires impérieuses sont impliquées, tel que le regroupement familial.

Le problème juridique tiers concernant les réfugiés est la question du droit

à des réparations des biens perdus ou confisqués et d’une subvention pour la réhabilitation et intégration. Le droit international général reconnaît l’obligation de verser des indemnités en cas de confiscation de biens appartenant à des étrangers. Il y a cependant, le désaccord sur le montant qui devrait être payé. Deux experts ont suggéré une norme de « compensation adéquate » en tenant compte de la valeur de la propriété et des besoins des réfugiés spécifiques.

Rappelons qu’Israël n’a pas déclaré la guerre en 1947, mais a été attaqué par ses voisins, et donc il n’était pas responsable de la création du problème des réfugiés, d’où il n’a aucune obligation de recruter les sommes nécessaires. Il est préférable qu’un fonds international auquel plusieurs pays, et notamment Israël contribueront au financement. La difficulté demeure sur les montants impliqués.

Il serait peut être judicieux de recourir à un arrangement forfaitaire qui rétablirait toutes les créances financières entre les parties et empêcherait toute autre prétention. Une commission internationale pourrait être chargée d’enregistrer toutes les revendications et la distribution des sommes appropriées. De même, il serait essentiel de lier non seulement Israël et l’Autorité palestinienne, mais aussi les réfugiés à cet arrangement. On pourrait envisager une disposition selon laquelle l’Autorité palestinienne remplacerait Israël à l’égard de toute revendication qui pourrait être soumise au-delà de la mise en œuvre de l’accord.

En conclusion, il est souhaitable que les parties impliquées dans le problème des réfugiés se mettent d’accord sur une définition raisonnable de réfugiés palestiniens, et n’adoptent pas automatiquement celle utilisée par l’UNRWA.

Les réfugiés n’ont pas le droit de retourner en Israël, ni sous le droit général ou le droit international spécial. Au contraire la solution adéquate semble être soit le retour à l’Etat palestinien une fois établi, la réinstallation et l’absorption dans d’autres pays (de préférence en fonction des désirs de chacun des réfugiés) et le retour d’un petit nombre en Israël pour des raisons humanitaires. Une solution rapide et adéquate impliquera le paiement et l’indemnisation pour les biens perdus et une subvention pour la réhabilitation. Ces propositions sont conformes à la résolution 242 qui ont affirmé la nécessité de réaliser un juste règlement au problème des réfugiés.

 
 
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Le point de vue de Yehouda Blum, ancien ambassadeur d’Israël à l’ONU. Professeur émérite du droit international à l’université hébraïque de Jérusalem.

 

L’argument central des adversaires d’Israël et de leurs partisans a été que la Résolution 242 appelle à la formule simpliste « terre contre paix »- voire un retrait total d’Israël des territoires conquis en juin 1967, en échange de la paix. Cette approche est une mauvaise interprétation du texte et de son contexte juridique.

Nulle part dans la résolution n’indique l’expression « terre contre paix ». En outre, aucun élément dans la résolution ne stipule, comme cela a été affirmé à tort, un retrait israélien complet des territoires en échange d’une paix définitif. Il est évident que ce ne seront pas les mérites des arguments juridiques qui détermineront le règlement définitif du conflit israélo-arabe ou d’aucun autre conflit international, car le droit international n’a qu’un impact assez limité sur le cours des négociations diplomatiques. Néanmoins, l’interprétation déformée de la résolution 242 ne doit pas persister.

La résolution a trois composantes territoriales : Premièrement, le droit de chaque Etat dans la région à vivre en paix dans des frontières sûres et reconnues, deuxièmement, le retrait des forces armées israéliennes des territoires conquis pendant la guerre de 1967, et troisièmement   l’inadmissibilité de l’acquisition de territoires par la force des armes. Il est certes inacceptable d’un point de vue logique que juridique, d’isoler l’une de ces trois dispositions et de se concentrer sur l’une seule, tout en négligeant les deux autres.

En ce qui concerne la première de ces composantes – à savoir le droit de chaque Etat de la région à vivre en paix dans des frontières sûres et reconnues- il est clair que les lignes d’armistice d’Israël d’avant 1967 n’ont jamais répondu à ces spécifications, elles ne sont ni « sûres » ni « reconnues » et ne peuvent être caractérisées comme des  “frontières”.

Abba Eban, ancien ministre israélien des Affaires étrangères a qualifié le tracé comme « frontières d’Auschwitz”. En effet dans la région de Netanya, la ligne d’armistice avec la Jordanie n’est que d’une largeur de 15 kms environ. La superficie du « corridor de Jérusalem » qui reliait la capitale avec le pays jusqu’en 1967 n’était que de moins 4000 kilomètres carrés…Les terrains d’aviation égyptiens dans le Sinaï ont été  installés à cinq minutes de vol de Tel-Aviv… Lorsque le Conseil de Sécurité a adopté à l’unanimité la Résolution 242, ces considérations pour la sécurité de l’Etat d’Israël ont été sans doute soulevées dans la rédaction du texte.

En dépit du fait qu’Israël à souhaité convertir ces lignes en frontières internationales reconnues, les Arabes se sont opposés et ont voulu en 1949 signer des conventions d’armistice en leur donnant une signification purement militaire et ainsi pouvoir écarter toute signature de traité de paix. Lors de la signature des accords d’armistice, tous les dirigeants des délégations arabes portaient l’uniforme militaire. Les Arabes ont été dictés exclusivement par des considérations militaires et lorsque le régime d’armistice s’est effondré avec le déclenchement de la guerre de Six Jours, les lignes d’armistice ont été remplacées par des lignes de cessez-le- feu.

Suite aux traités de paix signés avec la Jordanie et l’Egypte, les frontières d’Israël avec la Syrie et le Golan ainsi qu’avec le Liban sont toujours considérées comme des lignes de cessez-le-feu.

En ce qui concerne les revendications sur un retrait total d’Israël de tous les territoires conquis en juin 1967. En réalité, l’article 1(i) de la résolution exige le retrait « des forces armées israéliennes des territoires occupés lors du récent conflit ». L’article a été rédigé avec soin en anglais par ses auteurs britanniques en consultation avec la délégation américaine. Il a été délibérément omis. Le terme utilisé est « le retrait des territoires » plutôt que « le retrait de territoires ». En raison du caractère multilingue des documents de l’ONU, l’absence de l’article défini dans le texte original anglais a soulevé quelques questions. Elles sont dues principalement à la version française (« retrait…des territoires ») de la résolution. Pourtant, toutes les négociations qui ont abouti à l’adoption de la résolution 242 étaient basées sur le projet en anglais et n’ont été menées qu’en anglais. C’est une règle bien établie du droit international que les textes multilingues ayant une autorité égale dans les différentes langues devraient être interprétés sur la “langue de base”. En tout état de cause alors que le français est certes une langue de travail du Conseil de sécurité et sur le fait que la version française est ambiguë sur ce point, la version anglaise originale doit être considérée comme la « langue de base » de la résolution.

La dernière composante territoriale soulignée par certains des adversaires d’Israël est la disposition relative à « l’inadmissibilité de l’acquisition de territoires par la force des armes. » Cette phrase se trouve dans le préambule, et d’un point de vue juridique, elle est encore moins contraignante que les paragraphes du dispositif de la résolution, car la résolution 242 est, de l’avis de la grande majorité des commentateurs, dans la nature d’une résolution recommandée et adoptée en vertu du chapitre VI de la Charte des Nations-Unies.

Au cours des quatre dernières décennies, de nombreuses distorsions se sont accumulées à l’égard de l’interprétation des dispositions territoriales de la résolution 242. Seule une compréhension claire de la résolution comme un texte uni et intégré peut nous permettre de comprendre son véritable sens et ses intentions. La résolution crée un plan pour la paix au Proche-Orient, cette paix doit reposer sur un retrait partiel israélien de territoires conquis en 1967 vers des frontières sûres et reconnues et par l’acceptation des   Arabes de reconnaître le droit du peuple juif à rétablir en Israël sa patrie historique.