Deux poids deux mesures dans la conduite du Secrétaire général de l’ONU
L’incendie criminel perpétré contre la famille Dawabsha dans le village de Douma en Cisjordanie ne peut pas et ne doit en aucune façon être minimisé. Cet acte insensé devrait être absolument condamné par tout le monde et, en effet, il a été condamné et rejeté par l’ensemble de la société israélienne.
Le 31 juillet 2015, quelques heures seulement après l’attentat, d’innombrables condamnations affluaient à travers le monde, notamment celle du Secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-Moon. Son porte-parole a fait la déclaration suivante :
« Le Secrétaire général condamne dans les termes les plus forts l’assassinat, aujourd’hui, d’un enfant palestinien en Cisjordanie et demande que les auteurs de cet acte terroriste soient traduits en justice sans délai. Il exprime ses plus sincères condoléances aux membres de la famille d’Ali Dawabsha, qui ont eux-mêmes été gravement blessés lors de l’incendie criminel. Les échecs continus pour lutter efficacement contre l’impunité des colons pour leurs actes de violence répétés ont conduit à un autre horrible incident causant la mort d’un innocent. Cela doit cesser.
L’absence de processus politique et la politique illégale de colonisation d’Israël, ainsi que la pratique dure et inutile consistant à démolir des maisons palestiniennes, alimentent l’extrémisme violent des deux côtés. Cela représente une menace supplémentaire pour les aspirations légitimes du peuple palestinien à disposer d’un État ainsi que pour la sécurité du peuple d’Israël. Le Secrétaire général exhorte les deux parties à prendre des mesures audacieuses pour retrouver le chemin de la paix.
Le Secrétaire général réitère son appel à toutes les parties à veiller à ce que les tensions ne dégénèrent pas davantage, conduisant à d’autres pertes en vies humaines. »
Le Président du Conseil de sécurité, Gerard van Bohemen, représentant la Nouvelle-Zélande, a fait le même jour la déclaration suivante :
Les membres du Conseil de sécurité ont exprimé leur profonde indignation et condamné dans les termes les plus énergiques l’attaque terroriste barbare commise dans le village de Douma, près de Naplouse, qui a coûté la vie à un enfant palestinien et blessé les membres de sa famille.
Les membres du Conseil ont adressé leurs sincères condoléances aux proches de la victime de cet acte odieux, ainsi qu’à la direction palestinienne et au peuple palestinien. Ils ont souligné la nécessité de traduire en justice les auteurs de cet acte abominable.
Les membres du Conseil ont fermement condamné toutes les violences de ce type, qui ont touché à la fois les peuples palestinien et israélien, se sont dits préoccupés par la montée des tensions et ont lancé un appel à un retour immédiat au calme. Les membres du Conseil ont souligné l’importance de toutes les déclarations condamnant cette attaque ainsi que toute autre forme de violence, et encouragé toutes les parties à unir leurs efforts pour atténuer les tensions, rejeter la violence, éviter toute provocation et rechercher une voie conduisant à la paix.
Les membres du Conseil réaffirment que le terrorisme est un crime injustifiable, sous toutes ses formes et dans toutes ses manifestations, quels qu’en soient les motifs, le lieu, le moment et l’auteur, et qu’il ne saurait être associé à quelque religion, nationalité, civilisation ou groupe ethnique que ce soit. Les membres du Conseil ont rappelé aux États qu’ils doivent veiller à ce que toutes les mesures qu’ils prennent pour combattre le terrorisme soient conformes à toutes leurs obligations au regard du Droit international. »
Ainsi la bonne foi et la sincérité des condoléances du Secrétaire général de l’ONU et des membres du Conseil de sécurité ont été tempérées par un message politique regrettable et inutile.
Comment l’ONU peut-elle condamner un acte criminel en des termes purement politiques sans connaître les auteurs ni les résultats de l’enquête ?
Ce n’est pas avec des suppositions infondées qu’un organisme international pourra faire justice et mettre un terme aux conflits dans le monde.
Comment l’ONU ose-t-elle expliquer que la raison de cet acte extrémiste odieux est due à l’« absence de processus politique et de la politique illégale de la colonisation d’Israël, ainsi que par la pratique inutile de démolir des maisons palestiniennes » ?
N’y a-t-il pas là une prise de position sans équivoque en faveur d’un seul camp ? N’y a-t-il pas deux poids deux mesures quand il s’agit de condamner Israël ?
Pourquoi le Secrétaire général ne s’est-il pas contenté d’un message simple de condoléances exprimant sa douleur pour les victimes et leurs proches ?
Certes, le Secrétaire général peut bien avoir ses propres prérogatives. Il peut bien entendu, à chaque fois qu’il le juge nécessaire, exprimer ses regrets face à l’absence de processus politique et critiquer sévèrement Israël sur sa « politique de colonisation » ou le blâmer pour certaines décisions prises qui menaceraient, selon lui, les « aspirations légitimes de l’Autorité palestinienne pour établir un Etat ».
C’est son point de vue politique et celui de l’Organisation qu’il dirige, et que nous respectons, bien que nous puissions bien entendu nous interroger sur le fait de savoir si cela est correct ou non.
Cependant, nous constatons que cette prérogative est exercée fréquemment lorsque le Secrétaire général juge nécessaire de se référer à la question israélo-palestinienne.
Soulignons que la police israélienne n’a toujours pas achevé son enquête et donc on ne peut pas – et on ne doit pas – quelques heures seulement après un événement tragique l’utiliser à des fins purement politiques. Cela pourrait bien être la propre opinion du Secrétaire général ou son jugement de valeur, mais ce ne devrait être en aucun cas une déclaration officielle de l’ONU.
Pourquoi le Secrétaire général s’est précipité pour condamner ainsi l’incendie criminel contre la famille palestinienne mais a agi avec hésitation et prudence après l’assassinat le 11 mars 2011 de la famille Fogel dans le village d’Itamar ? Cette famille israélienne qui dormait à poing fermés a été sauvagement tuée avec ses cinq petits enfants.
Le porte-parole du Secrétaire général s’était contenté simplement à l’époque de « condamner l’assassinat d’une famille israélienne ».
L’assassinat de la famille Fogel était-il moins cruel et ignoble ? Ne justifiait-il pas une « ferme condamnation » ni même des condoléances à la famille israélienne ?
Ce n’est pas la première fois que l’ONU manque de sensibilité à l’égard des familles israéliennes victimes du terrorisme palestinien. Quelques jours seulement après le massacre de la famille Fogel à Itamar, un communiqué de l’ONU condamnait mollement l’explosion d’une bombe dans une station de bus à Jérusalem. Pourtant, une femme avait été tuée et 30 personnes blessées.
Les réactions du Secrétaire général de l’ONU aux actes terroristes à travers le monde semblent identiques. Son porte-parole condamne automatiquement et exprime ses condoléances en appelant à la tenue d’enquêtes.
Trois jours avant l’incendie criminel perpétré contre la famille Dawabsha, le Secrétaire général a condamné le 28 juillet 2015 une attaque terroriste à la bombe au Bahreïn. Elle avait tué deux policiers et blessé plusieurs personnes. Une fois encore, il a exprimé ses profondes condoléances et appelé à mener une enquête complète et transparente. Dans ce cas précis comme dans tous les autres on n’accuse personne ni ne blâme les autorités pour des raisons politiques.
Le 27 juillet 2015, lors d’un point de presse quotidien, le porte-parole du Secrétaire général s’est abstenu de répondre à une question sur les responsables d’une attaque de missiles contre la ville de Marib au Yémen. Comme de coutume, il a condamné l’attaque et exprimé ses condoléances en appelant à une enquête. Pourtant, nous savons parfaitement qui sont les auteurs ayant tué sans distinction des civils innocents. Soulignons que cette attaque a causé la mort et blessé des centaines de personnes, en faisant de nombreux dégâts.
La veille, le 26 juillet 2015, une bombe humaine explosait dans un hôtel de Mogadiscio, en Somalie. 15 personnes ont été tuées dans l’explosion, dont un diplomate chinois. Cet acte terroriste a été condamné « dans les termes les plus forts » par les membres du Conseil de sécurité de l’ONU. Dans le communiqué publié le même jour, on n’avait pas jugé nécessaire de blâmer les auteurs, ni d’ajouter non plus un commentaire politique ou une critique quelconque, en dehors de la réaffirmation que « le terrorisme sous toutes ses formes constitue une grave menace pour la paix et la sécurité dans le monde. Et que tous les actes de terrorisme sont criminels et injustifiables, quels que soit la motivation de leurs auteurs. »
Le 22 juillet 2015, le Secrétaire général et le Conseil de sécurité avaient publié un communiqué condamnant « dans les termes les plus forts » l’attaque terroriste perpétrée à Suruc, en Turquie. 31 personnes y ont été tuées et une centaine blessées. Ici non plus, l’ONU n’a pas jugé nécessaire de blâmer ni d’accuser les auteurs présumés en dépit du nombre relativement important de victimes.
Suite à une autre attaque perpétrée le 17 juillet 2015 dans le nord du Nigeria, qui a fait plus de 60 morts, l’ONU n’a pas non plus blâmé l’organisation terroriste Boko Haram.
De même il n’y a eu aucune condamnation des auteurs des attaques terroristes commises en juin 2015 en Tunisie, au Koweït et en France. Ni contre les responsables de l’attentat du 29 juin 2015, au Caire, où le Procureur général a trouvé la mort. Ni suite à l’attaque terroriste du 22 juin 2015 contre le parlement de Kaboul, pas plus qu’après le meurtre raciste dans une église de Charleston, en Caroline du Sud.
La liste des attentats dont l’ONU n’a ni condamné ni critiqué les auteurs est bien longue et elle comprend aussi les attaques terroristes suivantes :
- 16 juin 2015 : attaque de Boko Haram à N’Djamena, au Tchad. 25 personnes sont tuées et des dizaines d’autres blessées.
- 22 mai 2015 : attaques de Boko Haram contre des populations civiles au Cameroun, Tchad, Niger et Nigeria.
- 22 mai 2015 : attaque terroriste contre une mosquée chiite dans la ville d’al-Qoudai en Arabie Saoudite lors des prières du vendredi saint. Le Secrétaire général de l’ONU exprime « ses sincères condoléances aux familles des victimes et sa sympathie au Gouvernement et au peuple du Royaume de l’Arabie Saoudite. »
- 13 mai 2015 : attaque terroriste dans un bus à Karachi, au Pakistan, tuant 45 personnes. Le Secrétaire général exprime ses « sincères condoléances à toutes les familles des victimes, au gouvernement et au peuple pakistanais ».
- 11 mai 2015 : tirs contre des civils dans la ville de Kumanovo, en Macédoine.
- 5 mai 2015 : deux casques bleus de l’ONU sont tués en Tanzanie.
- 3 et 5 Avril 2015 : attaques terroristes de Boko Haram à Kwaja, au Nigeria, et à Tchoukou, au Tchad.
Le Secrétaire général et le Conseil de sécurité n’ont pas jugé nécessaire de condamner, ni de consoler les familles des victimes après les frappes aériennes turques du 1er août 2015 contre le village kurde de Zargali au Kurdistan, dans le nord de l’Irak. Neuf personnes innocentes ont été tuées.
Le massacre de 200 civils par des terroristes de “l’Etat islamique” (Daesh) dans un village syrien en juin 2015 n’a pas non plus mérité une condamnation ni un message de condoléances du Secrétaire général ou du Conseil de sécurité. La mort d’une trentaine de personnes dans un attentat suicide dans la même région, près de la frontière avec la Turquie, n’a pas attiré l’attention de l’ONU bien que le président turc Erdogan ait condamné cette attaque.
L’attaque perpétrée au mois de mars 2015 contre 21 touristes étrangers au Prado, le musée national de Tunisie, ainsi que l’attaque de 38 touristes dans la station balnéaire de Sousse semblent avoir aussi été négligées par le Secrétaire général.
Ainsi, après examen exhaustif des réactions officielles aux événements de cette année, nous constatons que le Secrétaire général de l’ONU réagit différemment quand il s’agit d’Israël. La politique de deux poids deux mesures est en effet appliquée, quelles que soient les circonstances. Le langage employé dans les textes et communiqués est toujours particulièrement sévère à l’égard de l’Etat Juif.
On peut dès lors se demander pourquoi. Serait-ce un comportement délibéré de la part du Secrétaire général Ban Ki-moon et de son personnel, ou est-ce simplement par inadvertance qu’ils singularisent Israël de la sorte ?
Quoi qu’il en soit, le Secrétaire général et son personnel devraient revoir leur politique en matière de condamnations, de messages de condoléances ou de sympathie à l’égard des familles des victimes.
Pour assurer l’application stricte des principes de la Charte des Nations unies, ils devraient agir avec équité, bonne foi, et sans distinction de gouvernement, d’organisation et de pays.
Alan Baker
Pour citer cet article :
Alan Baker, « Deux poids deux mesures dans la conduite du Secrétaire général de l’ONU », Le CAPE de Jérusalem : http://jcpa-lecape.org/deux-poids-deux-mesures-dans-la-conduite-du-secretaire-general-de-lonu/