Des journalistes à l’affût du sensationnel, marchands de reportages à scandale
Ces jours-ci, la bassesse et l’indignité ont marqué certains journalistes et directeurs de la deuxième chaîne commerciale israélienne. Ils viennent de diffuser sans scrupule un enregistrement audio, daté de 2015, où on entend le fils aîné de Nétanyahou, Yair, prononcer, en état d’ivresse dans une boîte de strip-tease à Tel-Aviv, des propos insensés et vulgaires à des copains.
L’Etat juif est minuscule et les Israéliens forment une grande famille. La rumeur, et ce genre de reportage se propagent à la vitesse d’un ouragan désastreux.
Juste après sa diffusion, Nétanyahou père a réagi avec fermeté contre toutes les frasques de jeunesse et a condamné sévèrement la mauvaise conduite de son fils. Ce dernier présentera publiquement ses excuses sur des propos prononcés sous l’influence de l’alcool.
Nous apprenons par la suite que cet enregistrement a été fait en cachette par un fonctionnaire de l’Etat, le chauffeur du bureau du Premier ministre, et en présence d’un agent de sécurité. Ce chauffeur officiel avait proposé sa « marchandise » à plusieurs organes de presse et avait enfin obtenu de la télévision commerciale la somme de 12 000 euros.
Une enquête est justement ouverte car dans cette affaire, plusieurs sujets inquiétants nous intriguent et ils concernent : la vie privée et la discrétion, les relations du Premier ministre, la sécurité, l’éthique, la confiance, et les lignes rouges que la presse nationale ne devrait jamais franchir surtout dans un pays menacé et entouré d’ennemis. Pis encore, des images grossières diffusées par la télévision, en prime time, sont véhiculées sur les réseaux sociaux sans aucun contrôle. C’est ainsi que nous souhaitons éduquer notre jeunesse ? Où sont-elles nos véritables valeurs ?
Les journalistes sont-ils devenus des marchands d’images à scandale ? Sont-ils prêts à payer le prix fort pour diffuser n’importe quoi, tomber si bas, pour discriminer l’épouse et les enfants de Benjamin Nétanyahou ? Seront-ils prêts demain à payer des pots de vin à des fonctionnaires de l’Etat pour un scoop ? Le tout pour ainsi obtenir une large audience et de multiples spots publicitaires ? C’est ainsi qu’ils pensent agir pour faire tomber un Premier ministre en exercice et l’écarter du pouvoir ? Pourquoi cette obsession ? Cette hantise et cet acharnement ? Cette chasse aux sorcières, malsaine et affreusement vulgaire ?
Certes, dans un pays démocratique, la critique est légitime et la presse a le droit de publier des articles, des images et des caricatures comiques ou satiriques en accentuant des traits déplaisants ou même ridicules. Toutefois, certains médias israéliens ont non seulement déformé la réalité par exagération mais leur articles et reportages sont généralement partiaux et de très mauvais goût.
Ils se comportent souvent comme des inquisiteurs, ils informent, jugent, et condamnent à la fois. Est-ce le rôle de la presse ? N’est-il pas réservé à la justice? Aux juges ? Aux tribunaux ? Les journalistes sont-ils hors la loi ? Plus puissants que les instances judiciaires ?
Les correspondants n’assument plus leurs nobles responsabilités. Généralement, ils ne distinguent plus entre l’important et l’insignifiant, l’essentiel et la futilité, et les événements qu’ils publient ou diffusent sont de priorité secondaire et médiocres.
Les correspondants politiques ont le devoir de rapporter sans aucun scrupule les activités du Premier ministre, d’analyser ou de critiquer sa conduite dans les affaires de l’Etat. Dans un pays qui est en guerre permanente, ils doivent aussi analyser les enjeux du conflit avec les Palestiniens, les Syriens et les Iraniens, ou enquêter sur des problèmes nationaux urgents et dévoiler des scandales publics.
Ces dernières années, on assiste à une disproportion flagrante et grotesque dans le jugement rédactionnel. On néglige l’importance de chaque mot, de chaque parole exprimant une pensée, une opinion ou une idée, d’une façon concise et frappante.
Sur la famille Nétanyahou, la presse israélienne a utilisé quotidiennement, des dizaines de pages et des textes inutiles de millions de caractères. En toile de fond, on observe une compétition acharnée entre les journaux nationaux et entre les quatre chaînes de télévision. Ces reportages et articles sont repris par la presse étrangère et font toujours les manchettes pour surtout mettre au pilori la politique de droite du Premier ministre et le ridiculiser.
Au-delà des affaires qui concernent la famille Nétanyahou, la bataille entre les organes de presse est aussi rude et implacable sur plusieurs plans car de puissants intérêts financiers sont en jeu. Les petites histoires insignifiantes se conjuguent avec la haute politique et les affaires commerciales. Les magnats de la presse sont liés au pouvoir et influent sur la finance et certains journalistes profitent de la connivence.
Triste résultat : des articles et des reportages sont parfois tronqués, gonflés ou censurés selon le désir de l’un ou de l’autre.
Dans ce contexte malheureux, il est temps de remettre de l’ordre, et de suivre à la lettre les principes fondamentaux de la presse, ceux de la crédibilité, du sérieux, de l’éthique et de la déontologie.
Bien entendu, il ne s’agit pas de museler ou de censurer les journalistes, ni de bafouer la liberté de la presse, loin de là. Simplement, nous devons régler les relations Presse-Pouvoir, et redonner au journaliste la place honorable dans la société comme ce fut jadis et naguère.
Freddy Eytan
Pour citer cet article :
Freddy Eytan, « Des journalistes à l’affût du sensationnel, marchands de reportages à scandale », Le CAPE de Jérusalem, publié le 14 janvier 2018: http://jcpa-lecape.org/des-journalistes-laffut-du-sensationnel-marchands-de-reportages-scandale/