Daesh galope vers Bagdad et Damas

wikipedia-jacquesLes dernières victoires de l’État islamique (Daesh) à Palmyre et à Ramadi auront des conséquences graves sur la désintégration active des États-nations au Moyen-Orient. La Syrie contrôlée par Assad a été déjà réduite de moitié et ses frontières commencent quasiment à disparaître.

Daesh se retrouve actuellement à une distance qui pourrait lui permettre de bombarder Bagdad et Damas. Ses troupes sont toujours installées à la frontière de l’Arabie saoudite et de la Jordanie, et les risques d’embrasement dans ces pays sunnites sont omniprésents.

Les États-Unis qui, dès le départ, ont adopté en Syrie une politique attentiste ont été surpris par les victoires et les avancées de Daesh dans toutes ces zones et champs de bataille. Les dernières batailles en Syrie et en Irak prouvent que les milices chiites locales n’ont aucune volonté de combattre contre les djihadistes sunnites. Dans ce contexte, une intervention plus musclée de l’Iran et de ses alliés est à prévoir.

Le Hezbollah engagé dans la bataille en Syrie demeure un pilier très important du régime syrien mais il a subi de lourdes pertes.

La cité antique de Palmyre (Tadmor, en hébreu) est située à 210 kilomètres au nord-est de Damas. La Bible attribue la construction de la ville au roi Salomon : « il bâtit Tadmor dans le désert ». Ramadi est la capitale de la province d’al-Anbar à 110 km à l’ouest de Bagdad. La chute de ces deux villes importantes, et celle de Jisr el Shughur conquise, elle, par Jabhat el Nusra, transforme complètement la donne stratégique au Moyen-Orient et renforce la désintégration des États-nations.

La chute de Ramadi et de Palmyre a surpris les chercheurs et les observateurs ainsi que les services de Renseignement, dont la CIA qui prétendait récemment que Daesh battait en retraite.

Après la récupération de Tikrit par les forces irakiennes en avril 2015, il semblait que les sunnites djihadistes perdaient du terrain, surtout après la mort de plusieurs commandants et la blessure de leur chef Abou Bakr al–Baghdadi. Certains prétendaient qu’il était incapable de diriger les affaires de l’État islamique. On avait donc mal évalué les capacités de Daesh à poursuive les combats et regagner du terrain.

Avec la chute de Palmyre et la perte de la partie sud de la Syrie, le régime alaouite d’Assad perdait tous ses postes frontaliers avec ses voisins : la Turquie, l’Irak, Israël et la Jordanie. Les seules portes ouvertes au régime sont celles adjacentes au Liban, situées sur la côte méditerranéenne, dans la province de Lattaquié. Une perte éventuelle de ces passages serait un coup fatal pour la survie du régime et pour le Hezbollah.

Les attaques aériennes lancées par la coalition n’ont pas été efficaces. Les États-Unis ont fourni à l’armée irakienne un supplément d’armement, principalement des armes antichars destinés à arrêter les véhicules transportant les kamikazes djihadistes.

L’espoir des Américains de voir le gouvernement chiite irakien plus flexible et accommodant envers la population sunnite locale s’est bien estompé. L’actuel Premier ministre irakien Haider al-Abadi a en réalité suivi les pas de son prédécesseur, Nouri al-Maliki. Cela signifie qu’aucun compromis avec les sunnites n’est envisageable à court terme. Les sunnites se battent pour créer leur propre entité au détriment du régime chiite et au prix de la partition de l’Irak. Les alternatives et options sont assez limitées car une intervention américaine au sol est à exclure. A ce stade, les États-Unis pourraient éventuellement augmenter les raids aériens, fournir des armes et poursuive la formation des troupes.

En ce qui concerne la Syrie, il semble que les États-Unis ne soient pas alarmés par le départ d’Assad et poursuivront leur politique attentive.

Dans ce contexte, une intervention iranienne devient de plus en plus concrète en Irak comme en Syrie.

Le Hezbollah parle de « guerre existentielle » et mobilise tous ses troupes avec l’appui des Gardiens de la Révolution dirigés sur le terrain par le Général Qassem Suleimani.

Le départ d’Assad de Damas signifierait inévitablement une défaite pour le Hezbollah et le début d’une guerre civile au Liban.

Avec la chute de Ramadi et de Palmyre, une nouvelle carte du Moyen-Orient se profile et les États de la région tentent de s’y opposer avec force. L’Arabie saoudite et ses alliés se battent déjà au Yémen, l’Égypte essaie de créer une force d’intervention pour faire face au bourbier libyen, tandis que les pays du Sahel s’organisent militairement pour contrer les menaces de Daesh et d’Al-Qaïda en Afrique.

Jacques Neriah

 


Pour citer cet article :

Jacques Neriah, « Daesh galope vers Bagdad et Damas », Le CAPE de Jérusalem : http://jcpa-lecape.org/daesh-galope-vers-bagdad-et-damas/