L’Etat islamique est voué à l’échec

A moins d’une nouvelle stratégie surprise spectaculaire de la part des chefs militaires de l’organisation de l’Etat islamique, il apparaît aujourd’hui que l’établissement de leur califat est voué à l’échec.

Pour décrire cette situation on pourrait se souvenir du discours historique de Winston Churchill. Le 10 novembre 1942, suite à la défaite de l’armée allemande de Rommel dans la deuxième bataille décisive d’El-Alamein par les forces britanniques de Montgomery, Churchill avait prononcé cette phrase célèbre concernant la bête immonde nazie : « ce n’est pas la fin. Ce n’est même pas le commencement de la fin. Mais c’est peut-être la fin du commencement.»

Aujourd’hui, sur un autre champ de bataille, les défaites de Daesh en Syrie et en Irak sont en effet un premier signal de la fin de l’Etat islamique. L’étau se resserre et les forces de Daesh sont prises en tenailles entre ces deux pays.

Depuis le mois dernier, une grande partie de l’Est de la Syrie est tombée dans les mains des Forces démocratiques syriennes. La route stratégique qui traverse Manbij, au Nord, et Alep à l’Ouest, a été définitivement coupée. Ces forces ont réussi à isoler le commandement de Daesh et à l’empêcher d’obtenir des renforts et du ravitaillement. L’alliance arabe avec les Kurdes parrainée et conseillée par les forces américaines a réussi aussi à chasser les combattants de Daesh des villes de Manbij et Jarablus. Elles étaient les derniers avant-postes à la frontière syro-turque.

Suite à la dernière incursion terrestre turque, Daesh est complètement coupé de tout soutien logistique et a perdu de nombreux combattants. Actuellement, la frontière avec la Turquie est bien scellée, et le président Erdogan est sans doute le plus farouche adversaire de l’Etat islamique. En collaboration étroite avec les Américains, la Russie et l’Iran, la Turquie a promis de vaincre Daesh, coûte que coûte.

Dans la région de Raqqah, les troupes de Daesh battent en retraite vers la zone nord-ouest de la Syrie. La coalition militaire avance à pas de course vers l’Est, tandis que les forces kurdes se trouvent au Nord pour pouvoir assiéger complètement la « capitale » de Daesh, Raqqah.

Cependant, l’incursion militaire turque appuyée par les forces de l’Armée syrienne libre a une signification particulière dans le contexte actuel, car il est clair que la Turquie ne permettra pas une continuité territoriale kurde le long de ses frontières. L’étirement du Kurdistan irakien vers la zone de Jarablus-Manbij était déjà un scénario que les Turcs ne souhaitaient pas voir, et donc ils tenteront d’éviter par tous les moyens un Etat indépendant kurde de l’autre côté de leur frontière longue de 822 km avec la Syrie.

Les dernières défaites de Daesh dans le nord de la Syrie ont créé une situation stratégique nouvelle, mais aussi des opportunités pour un règlement politique entre les trois différentes Puissances présentes sur le terrain : les troupes pro-Russes (affiliées au régime syrien d’Assad et ses alliés, dont l’Iran), les pro-Américains (dont les Kurdes soutenus par la CIA et certaines factions rebelles), et les pro-Turcs (soutenus soi-disant par la coalition de l’Armée syrienne libre). Pour l’heure, il est clair qu’un tel accord politique serait très difficile à atteindre ; par la suite il pourrait être possible dans certaines conditions.

Parallèlement aux nouveaux développements stratégiques en Syrie, Daesh a également perdu des atouts territoriaux importants en Irak. Il y a seulement quelques semaines, au début du mois d’août 2016, des forces américaines ont réussi à reconquérir la base aérienne de Qayara, située à 80 kilomètres au sud de Mossoul, ainsi que d’immenses champs de pétrole qui lui offraient des fonds considérables et un rôle d’influence important sur toute la région.

Actuellement, à quelques kilomètres seulement de Mossoul, dans la ville assyrienne abandonnée de B’aqubah, sont installées des forces turques à l’intérieur du territoire souverain irakien. Au nord, ce sont les Peshmergas kurdes qui dominent le terrain, conjointement avec des forces spéciales américaines. Le 4 septembre 2016, des hommes armés ont fait irruption dans un commissariat de police de Daesh situé dans la province irakienne de Ninive (Mossoul). Ils ont tué le chef de la sécurité local, Mahmoud Sulaiman al-Muslih, et quatre autres membres du commandement régional de Daesh.

Sans aucun doute, la bataille décisive à Raqqah et à Mossoul sera compliquée et très difficile à gagner sans causer des pertes humaines considérables. Daesh, comme le Hamas, utilise des civils, des femmes et des enfants, comme boucliers humains. Des milliers de mines antipersonnel ont été aussi posées afin de ralentir l’avancée des troupes de la coalition. Le terrain est miné par des engins explosifs artisanaux et des dizaines de kamikazes sont prêts à se faire exploser dans le camp ennemi. Sur le plan topographique et tactique, soulignons que le combat dans des zones urbaines est dévastateur tant pour les attaquants que pour les défenseurs, ce qui nécessite des préparatifs et une étude approfondie des localités urbaines – de chaque immeuble, rue, et ruelle – mais aussi une utilisation massive de la puissance de feu par les deux antagonistes.

Pour toutes ces raisons, et en considérant les attaques précédentes de la coalition à Palmyre, Ramadi et Tikrit, l’offensive contre Raqqa et Mossoul ne pourra sans doute pas être lancée dans un proche avenir.

La coalition anti-Daesh devra bien préparer ses troupes et ses moyens de combat, et seulement après, choisira le moment opportun pour attaquer fortement, et donner l’assaut sur les derniers avant-postes et bastions de l’Etat islamique.

Sur d’autres fronts contre Daesh, soulignons que les États-Unis, la France et l’Italie ont engagé des raids aériens et des missions spéciales contre le bastion principal de l’Etat islamique en Libye, au cœur de la ville côtière de Syrte. Et en Afghanistan, un drone américain a tué le commandant en chef de la province du Khorassan et 30 autres combattants de Daesh.

La coalition anti-Daesh est donc déterminée à détruire toutes les cibles appartenant à l’État islamique au Moyen-Orient, au Maghreb, et partout ailleurs. Il est impératif de faire du rêve de la création d’un califat un véritable cauchemar pour les combattants de Daesh.

Enfin, il est essentiel de souligner que l’agonie de Daesh pourrait aussi signifier une nouvelle vague d’attentats terroristes en Occident, terrain propice et opportun pour pouvoir agir violemment et ébranler l’opinion internationale.

Les derniers attentats à Paris et Bruxelles ont prouvé que Daesh utilise l’infrastructure musulmane radicale locale en Europe, comme aux États-Unis et en Asie, pour commettre des attaques spectaculaires et meurtrières. L’appareil terroriste de l’organisation de l’Etat islamiste est toujours actif et bien huilé, en dépit du retrait de ses forces et de ses pertes en Syrie, en Irak, en Libye, et en Afghanistan. Il ne faudrait pas sous-estimer les ambitions, ni la volonté néfaste et destructive de Daesh. Il pourrait toujours employer des moyens non conventionnels pour nuire à l’Occident et le «punir» pour ses attaques systématiques contre l’établissement du Califat.

Jacques Neriah

 


Pour citer cet article : 

Jacques Neriah, « L’Etat islamique est voué à l’échec », Le CAPE de Jérusalem : https://jcpa-lecape.org/daesh-etat-islamique-voue-echec/