Daesh bat en retraite
Il y a à peine deux ans, l’Organisation de l’Etat islamique Daesh était un Etat terroriste qui régnait sur un territoire plus grand que le Royaume-Uni et sur une population de 10 millions d’habitants. Aujourd’hui, les Etats-Unis et la Russie ont réussi à stopper cette avance vertigineuse de l’État islamique en Syrie et en Irak.
Les deux coalitions, celle dirigée par les Russes avec le Hezbollah, l’Iran et l’armée syrienne, et celle dirigée par les Américains avec des pays occidentaux, dont la France, ainsi que l’armée irakienne et les pays arabes modérés, ont causé de nombreuses pertes et dégâts à l’organisation de l’Etat islamique.
Selon le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, plus de 20 000 combattants de Daesh ont été tués depuis août 2015, et Daesh aurait perdu 40% de son territoire, conquis par elle quelques mois auparavant.
La reconquête de la ville millénaire de Palmyre est sans doute la plus symbolique et la plus spectaculaire. Elle a été reprise par les forces loyales de Bachar el-Assad avec l’aide active de l’aviation russe et de l’infanterie de la Garde révolutionnaire iranienne, et des unités paramilitaires afghanes.
De même, en Irak, le régime a marqué des succès en reprenant le contrôle des principales villes, dont Ramadi et Beiji. À l’heure actuelle, le régime irakien tente de reconquérir Falloujah, une ville sunnite importante située au nord de Bagdad, tandis que les Kurdes, aidés par des forces spéciales américaines, se rapprochent de la périphérie de Raqqa en Syrie, capitale officieuse du Califat de Daesh.
Depuis août 2014, les diverses coalitions ont non seulement réussi à éliminer des milliers de combattants islamistes, mais ont aussi frappé et ébranlé toute la structure du commandement de Daesh. Malgré le fait que la coalition occidentale avait refusé d’envoyer des troupes sur le terrain, les raids aériens ont causé des pertes et des dégâts considérables, et ont endommagé des équipements, toute la logistique, et les formations et camps militaires de Daesh.
Lors de la reconquête de Mossoul, l’aviation américaine a bombardé la banque centrale de la ville avec ces 500 millions de dollars qui étaient dans les coffres de l’État islamique.
Les récentes défaites infligées aux islamistes ont donc considérablement diminué les zones qui étaient jusqu’à présent sous le contrôle de Daesh en Irak et en Syrie.
Rappelons que depuis l’invasion américaine en Irak en 2003, des milliers d’officiers sunnites, et avec eux de nombreux détenus évadés de prison, ont juré de venger l’occupation américaine en formant un mouvement terroriste parfaitement structuré, des plus féroces et des plus cruels qu’a connu le Moyen-Orient.
Jamais dans l’histoire moderne du monde musulman des djihadistes ont cherché à participer à l’établissement d’un califat islamique, dans le but de régner sur un territoire après en avoir chassé les puissances occidentales et leurs alliés arabes.
L’Etat islamique en Irak et au Levant (Daesh) a fait couler beaucoup d’encre et au départ, les observateurs étaient perplexes et le qualifiaient d’organisation terroriste à l’instar d’Al-Qaïda. Ils décrivaient ses membres sous les traits de « bandits désorganisés qui se déplacent en camionnettes comme les talibans… vêtus de vieux habits ou d’uniformes noirs, portant barbes, turbans ou cagoules, et qui brandissent un drapeau noir frappé d’inscriptions en arabe ».
Certes, il est vrai qu’au départ Daesh n’était qu’une faction extrémiste marginale, mais elle était devenue au fil des ans la milice la plus puissante et la plus redoutée de la région. Elle possédait des moyens financiers et des armes qui lui permettaient d’atteindre ses desseins religieux et de mener une guerre ethnique en Syrie et en Irak.
Cependant, des questions fondamentales se posent toujours sur l’avenir de Daesh. Quels ont été les facteurs qui ont amené les combattants de l’Etat islamique à battre en retraite ? Assistons-nous au «début de la fin » de l’Etat islamique, ou ses défaites ne sont qu’un prélude à une résurgence dans une nouvelle zone géographique, telle que la Libye, le Yémen ou même l’Afghanistan ?
Toutefois, les facteurs suivants pourraient expliquer la nouvelle donne :
- L’efficacité du Renseignement américain et russe. Les deux armées ont certes réussi à éliminer des milliers de combattants islamistes, mais ont surtout frappé la structure de commandement et les principaux « bouchers » qui avaient égorgé les otages occidentaux, tels que le célèbre John, ou Ibrahim « le roux ». Le « Calife » Abu Bakr el-Baghdadi aurait également été grièvement blessé au cours de l’attaque d’un drone américain.
- Les nombreux anciens officiers de l’armée irakienne recrutés dans les rangs de Daesh et tués par la coalition n’ont pu être remplacés par des cadres compétents et expérimentés sur le champ de bataille.
- Le contrôle des Occidentaux recrutés par Daesh a été renforcé. Conscient du fait que la plupart des combattants revenaient dans leur pays natal pour préparer et commettre des attentats, les pays européens, mais aussi certains pays arabes, dont le Maroc, l’ Algérie, la Tunisie, l’Arabie saoudite, et le Liban, suivent de très près le parcours des Salafistes. Même la Turquie a également durci son attitude indulgente envers eux et empêche de franchir sa frontière vers la Syrie et l’Irak.
- Nous constatons aussi que les vidéos diffusées montrant des scènes bestiales et barbares ont eu un écho défavorable au sein même des volontaires islamistes. Par conséquent, les nombreuses pertes de combattants ont motivé Daesh a recruter dans ses rangs des enfants et de jeunes gamins.
- Les convois de camions citerne transportant du pétrole volé ont été également la cible de la coalition, ainsi que les gains obtenus par le trafic d’antiquités volées. Les taxes et les amendes imposées sur la population locale non-musulmane sont actuellement la source de payement des salaires et permettent à Daesh de maintenir ses infrastructures de base.
Cependant, il ne faut pas non plus sous-estimer l’appel des djihadistes à déstabiliser les régimes en Arabie saoudite, en Egypte, au Maroc, ou en Tunisie. Ces pays arabes modérés devraient être vigilants et intransigeants dans leur combat contre ces forces déstabilisatrices qui menacent leurs régimes.
Enfin, soulignons qu’une défaite éventuelle de Daesh ne se traduirait pas par l’élimination immédiate des mouvements musulmans radicaux. Ce scénario se produira le jour où les Etats-nations arabes offriront à leur peuple une alternative idéologique cohérente et une meilleure politique socio-économique.
Jacques Neriah
Pour citer cet article :
Jacques Neriah, « Daesh bat en retraite », Le CAPE de Jérusalem : http://jcpa-lecape.org/daesh-bat-en-retraite/