L’Iran à la conquête de la Syrie
Le chef du Hezbollah en Syrie, Hassan Nasrallah, a effectué récemment une nouvelle visite secrète à Téhéran. Il a rencontré les hauts responsables iraniens, dont le Guide suprême Ali Khamenei et le général Qasem Suleimani, commandant d’el Kouds, une unité spéciale au sein des Gardiens de la Révolution. Suleimani a élaboré un plan opérationnel dont le but est de rassembler un corps armé de 150 000 hommes recrutés en majorité en Iran et en Irak mais aussi au sein des milices du Hezbollah, dans les pays du Golfe et au Pakistan.
La participation active de Suleimani dans les combats en Syrie et le plan qui porte son nom sont significatifs et renforcent considérablement la présence militaire iranienne dans le pays d’Assad. Déjà en janvier 2012, Suleimani déclarait que la République islamique contrôlait « d’une certaine manière » l’Irak et le Liban Sud.
Depuis plusieurs années, et avant même le déclenchement des turbulences dans notre région, de nombreux observateurs dans le monde arabe avaient mis sévèrement en garde contre « l’expansionnisme iranien ».
Pour illustrer la centralité de la Syrie dans la stratégie iranienne, soulignons les paroles de Mehdi Taaib, directeur à Téhéran d’un centre de recherche très proche du pouvoir. Il a déclaré récemment que « la Syrie est la 35ème province de l’Iran ». Elle est selon lui plus importante que le Khuzestân, une province iranienne peuplée en majorité d’Arabes et située aux confins de l’Irak et du golfe Persique.
L’Iran a depuis toujours des ambitions politiques et hégémoniques envers la Syrie ; a cet égard, il a investi de gigantesques fonds pour transformer la Syrie en Etat chiite. Le régime syrien a permis aux missionnaires iraniens une libre circulation pour pouvoir renforcer la foi chiite à Damas, le long de la côte alaouite, mais aussi dans les villages lointains. Celui qui a adopté la doctrine des ayatollahs avait obtenu certains privilèges, notamment un traitement financier préférentiel.
Le plan opérationnel du général Suleimani comprend trois éléments :
– La création d’une « armée populaire » composée que de chiites et d’alaouites.
– Cette force régionale de 150 000 combattants sera intégrée à l’armée syrienne. Suleimani s’était déjà rendu en Syrie début mars pour préparer la mise en œuvre de son plan.
– Préparation d’un « plan B » dans le cas où Assad tomberait.
Depuis la seconde guerre du Liban en 2006, Nasrallah craint d’apparaître en public et sa dernière visite hors du pays remonte à février 2010. Il avait rencontré à Damas le président Assad et son homologue iranien Mahmoud Ahmadinejad. Sa récente visite à Téhéran demeure toujours secrète et rien n’a été divulgué sur ses entretiens. Toutefois, il semble bien que l’implication actuelle du Hezbollah en Syrie et ses retombées locales et régionales aient été le sujet principal à l’ordre du jour des conversations.
Pour la République islamique, il s’agit d’une guerre de survie contre une insurrection sunnite radicale considérant les chiites comme des infidèles qui devraient être anéantis. La véritable guerre menée aujourd’hui et donc au sein même des courants de l’Islam. Du point de vue iranien, une victoire sunnite en Syrie pourra menacer l’Irak et le golfe Persique, ce qui représenterait un réel danger stratégique pour le pays des ayatollahs. Le guide suprême Khamenei est déterminé à combattre contre vents et marées pour atteindre ses objectifs.
Enfin, la volonté du Hezbollah de combattre les sunnites coude à coude avec l’Iran risque bien entendu de briser l’équilibre ethnique délicat sur lequel l’Etat libanais est fondé. Le Hezbollah pourra alors sans difficulté tracer son chemin vers un contrôle total du pays du Cèdre.
Shimon Shapira
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