L’avenir d’une solution pour deux Etats
Alors que les grandes lignes pour une solution de deux Etats sont généralement connues, les concessions maximales que tout gouvernement en Israël est prêt à offrir aux Palestiniens, pour pouvoir survivre politiquement, est moins du minimum que tout dirigeant palestinien pourrait accepter. Le fossé réel entre les deux parties est plus grand qu’il n’est perçu, et l’écart ne cesse de croître.
A Gaza, il existe pour toutes les fins pratiques, un Etat indépendant dirigé par le Hamas. Il ne fait pas partie de l’Autorité palestinienne car ainsi ont décidé les Palestiniens. Si donc il existe un Etat responsable à Gaza, même s’il s’agit d’un Etat ennemi, Israël possède un pouvoir de dissuasion car il est clair que l’autre partie aura toujours quelque chose à perdre. La politique actuelle israélienne affirme que le but d’Israël est d’aboutir à l’effondrement du gouvernement du Hamas à Gaza, mais ceci est loin de se produire.
Si nous doublons ou triplons les dimensions territoriales actuelles de la bande de Gaza en ajoutant 600 Km2 du territoire de la péninsule du Sinaï égyptien, cela pourrait répondre aux besoins des Gazaouis. Soudainement, Ils obtiendraient un espace suffisant pour construire une nouvelle ville d’un million d’habitants, avec un vrai port et un aéroport, et la création de conditions qui rendraient possible l’expansion économique.
Dans le même temps, Israël aura nécessairement besoin d’un territoire de 600Km2 en Cisjordanie, parce que la ligne de 1967 est inacceptable au point de vue sécuritaire. En retour, Israël pourrait offrir à l’Egypte 600Km2 du Néguev, dans le sud d’Israël. En fin de compte, personne ne perdra du terrain, tandis que les échanges multilatéraux nous permettront de résoudre le problème insoluble de Gaza et les besoins sécuritaires d’Israël en Cisjordanie.
L’Egypte pourrait bénéficier des avantages significatifs de cet arrangement, Le nouvel aéroport et le port qui jouxtera l’Egypte pourront devenir des liens et supports économiques importants entre le Golfe et l’Europe. En outre, l’Egypte pourrait obtenir un corridor pour lui permettre un mouvement, d’hommes et de marchandises, avec les pays du Moyen-Orient sans la nécessité de traverser le territoire israélien.
Lorsque nous évoquons la solution de deux Etats pour régler le conflit israélo-palestinien, nous constatons un paradoxe. L’écart réel des positions entre les deux parties est beaucoup plus grand qu’il n’est perçu, et cet écart s’agrandit plutôt qu’il ne se rétrécit. Chaque partie s’exprime pour une solution de deux Etats parce-que cela est devenu politiquement correct, mais en fait, cela ne signifie pas que les dirigeants politiques peuvent atteindre un tel accord car les risques politiques auxquels ils font face sont beaucoup plus grands que les chances de réussir.
Les deux parties ne sont pas motivées pour prendre des risques énormes lorsque la possibilité de réussite est si faible.
En effet, depuis l’échec des pourparlers parrainés par le président Clinton à Camp David, la majorité des variables ont empiré. Depuis ces dernières huit années, trois dirigeants ont gouverné. Le Président Clinton était profondément impliqué dans le processus, il connaissait les détails du dossier et a investi toute son influence politique. Je ne suis pas sûr qu’il y ait un autre président américain qui serait prêt à employer tant d’efforts à cette question.
A cette époque, Ehud Barak, a bénéficié de l’appui de l’opinion publique israélienne, car il a retiré les troupes israéliennes du Liban. Barak a été perçu comme un leader qui pouvait prendre des décisions difficiles et était capable de les mettre en exécution. Quant à Yasser Arafat, et peu importe ce que pensent les israéliens de son fichu caractère, a été du moins, perçu par les Palestiniens comme un véritable dirigeant national, quelqu’un qui pouvait parler au nom de tous les Palestiniens. Depuis lors, il n’y a pas eu de dirigeant palestinien semblable et je ne peux prévoir un d’autre leader de la même stature dans un avenir prévisible.
Aujourd’hui, il y a de moins en moins d’Israéliens qui croient que l’intention réelle des Palestiniens est de se contenter d’avoir uniquement un petit Etat palestinien en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. Ce n’est pas l’ultime désir des Palestiniens. En outre, il y a moins de confiance dans les capacités des Palestiniens de respecter leurs engagements, même s’ils s’engagent à le faire préalablement.
Il y a huit ans, le Hamas était dans l’opposition et personne ne pouvait réellement contester l’Autorité palestinienne. Aujourd’hui, le Hamas est assez fort pour le faire, et en dépit du fait qu’il ne représente pas la force principale au sein de la société palestinienne, le Hamas est assez fort pour saper tous processus politique.
Si une solution entre Israéliens et Palestiniens ne peut être résolue, il y a huit ans, alors que la plupart des circonstances étaient bien meilleures, sur quelle base pouvons-nous croire aujourd’hui que nous pouvons entamer le même processus et soudainement réussir ? C’est se bercer d’une grande illusion que quelque chose de semblable puisse arriver au moins dans un avenir prévisible.
Alors, que peut-il être fait ? Il y a deux approches essentiellement différentes. L’une dit qu’une solution ne sera pas atteinte dans un avenir proche, alors plutôt que d’essayer de résoudre le problème, essayons de gérer le conflit et améliorer ce qui peut être amélioré et espérons qu’un jour la situation sera meilleure.
La deuxième approche est d’explorer d’autres possibilités ou modifications à la solution classique de la solution de deux Etats.
Selon la solution classique, en fin de compte, il y aura deux Etats : Israël et un Etat palestinien en Cisjordanie et à Gaza avec des frontières très similaires à celle des lignes de 1967.
Cette solution souffre d’importants obstacles qui nous empêchent d’aller de l’avant. L’un est le problème de la sécurité d’Israël, et l’autre, le problème territorial qui ne peut être suffisant pour toutes les parties.
L’approche de la communauté internationale est qu’Israël devrait revenir aux frontières 1967. Mais avant 1967, La Jordanie et l’Egypte étaient responsables, respectivement, de la Cisjordanie et de la bande de Gaza. Avant la guerre des Six Jours, Israël était minuscule et ses frontières n’étaient pas assez défendables. Actuellement, selon la solution de deux Etats, un Etat arabe supplémentaire émergera. –un Etat palestinien- devrait être établi, ce qui sera une situation complètement différente de celle existant avant 1967.
Tout d’abord ce futur Etat palestinien serait probablement faible, très fragile et très dépendant. Ainsi, nous dit-on, c’est la tâche d’Israël de veiller que ce futur Etat palestinien soit viable, fort, et satisfaisant. Car si les citoyens ne sont pas satisfaits, ceci se retournerait contre lui. Et parce que cet Etat est partagé entre la bande de Gaza et la Cisjordanie afin de le rendre viable, Israël devrait permettre un corridor territorial entre les deux régions.
Israël devrait satisfaire ce besoin des Palestiniens pour la libre circulation de ses citoyens entre les deux parties de l’Etat futur et donc sur plusieurs points de vue, Israël devrait revenir à une situation qui sera plus mauvaise que celle qui existait avant 1967.
Actuellement, il est bien entendu que si Israël se retirait complètement de la Cisjordanie, puis dans un court laps de temps, peut être quelques mois, le Hamas prendrait le contrôle de la Cisjordanie, comme il l’a fait dans la bande de Gaza. Un Etat palestinien contrôlé par le Hamas en Cisjordanie, créerait une situation sécuritaire complètement insupportable pour Israël.
Dans le même temps, de nombreux Palestiniens modérés et laïcs de Cisjordanie qui soutiennent une implication plus grande de la Jordanie là, et même parlent en termes de contrôle jordanien de la Cisjordanie. S’ils doivent décider entre le Hamas et la Jordanie, nombreux préfèreront la Jordanie. Beaucoup aussi pensent que la solution de deux Etats – d’un Etat palestinien à côté d’Israël- n’est pas réalisable dans un proche avenir.
Donc, pour mettre fin à l’occupation israélienne, la seule façon serait de créer une nouvelle situation politique dans laquelle la Cisjordanie fera partie de la Jordanie. Dans ce cas, Israël serait beaucoup plus disposé à accepter cette proposition par rapport à la création d’un Etat palestinien non viable.
Bien entendu, l’idée même d’un contrôle jordanien sur la Cisjordanie n’est pas correcte politiquement, et personne n’ose le dire officiellement, mais dans de nombreux entretiens privés la question est soulevée.
Du point de vue jordanien la même préoccupation existe. Les Jordaniens sont conscients qu’un Etat palestinien en Cisjordanie veut dire que cet Etat serait contrôlé par le Hamas. Les Jordaniens sont préoccupés par un Etat palestinien qui partagerait une frontière commune avec la Jordanie, et dont la majorité de la population palestinienne et les Frères Musulmans sont une force croissante. Cette formule menacerait le régime jordanien.
La création de deux Etats viables dans l’étroite bande du territoire entre la rive du Jourdain et la Mer Méditerranée ne serait possible parce que cette passerelle de territoire est petite et semée de problèmes.
La bande de Gaza comprend 1.5 millions d’habitants dans une zone de 360Km2, une population qui tend à s’accroître à 2.4 millions en 2020. Croit-on vraiment que les Palestiniens seraient heureux de vivre dans ces conditions et concentreront toute leur attention sur leur propre bien être et le développement de leur économie, et vivront en paix aux côtés d’Israël ?
Le contrôle du Hamas à Gaza est la décision des Palestiniens, et le gouvernement du Hamas n’est pas moins légitime que plusieurs autres régimes dans la région. Ils ont gagné les élections et veulent exercer leur pouvoir sur une région où ils ont actuellement gagné les cœurs et les esprits du peuple. Ce n’est pas à Israël de décider qui va contrôler les Palestiniens à Gaza. Je crois qu’Israël et le Hamas peuvent trouver un moyen de vivre côte à côte, mais cela ne signifie pas que le Hamas serait d’accord à une paix véritable et à la fin du conflit entre Israël et les Palestiniens.
Le principe d’échanges de territoire a déjà été soulevé dans le cadre d’une solution de deux Etats entre les Israéliens et les Palestiniens.
Si nous ajoutons un territoire supplémentaire du Sinaï égyptien, cela pourrait donner plus d’espace nécessaire aux Gazaouis qui pourront construire une nouvelle ville d’un million d’habitants. Avec un vrai port et un aéroport, qui permettront une expansion économique. En contrepartie, Israël pourrait remettre à l’Egypte une parcelle de territoire équivalente du Néguev. En fin de compte personne ne perdra des terres et ainsi nous résoudrons les problèmes insolubles existants.
Conformément à la solution de deux Etats, Israël devrait évacuer quelques 100,000 résidents juifs de la Cisjordanie. Une opération difficile à exécuter. Le prix économique d’un tel déplacement est de 30 milliards de dollars environ, une somme qui est au-delà de la possibilité d’Israël sans l’élément de sécurité en compte. 600 km2 sont environ 12% de la Cisjordanie, qui est le minimum qui puisse garantir les intérêts vitaux réels de l’Etat d’Israël.
Dans le cadre de ce plan, non seulement l’Egypte ne perdra rien, mais bénéficiera de plusieurs atouts. Le nouveau port et l’aéroport pourront devenir une plaque tournante économique et commerciale importante entre le Golfe et l’Europe.
Lorsque nous posons directement la question aux Egyptiens: “Etes-vous intéressés par la solution du conflit israélo-palestinien ? La réponse est positive. Mais sont-ils prêts à payer le prix pour l’obtenir.
Jusqu’à ce jour, nous entendons le même son de cloche dans le monde arabe: Oui, nous souhaitons la réalisation de la solution de deux Etats.” Mais qu’elle est exactement la contribution du monde arabe pour atteindre cet objectif ? Quel rôle sont-ils prêts à prendre ? Les réponses sont évasives et seul le problème territorial est issu que les pays arabes peuvent y contribuer.
La société palestinienne est divisée en trois groupes. Nous estimons que 20% est en faveur du Hamas. Ils sont des religieux qui croient en cette idéologie, et seront farouchement opposés à tout accord avec Israël. 20% sont plus modérés, des laïcs qui désirent ardemment la paix. Le reste, 60% de la population représente une majorité silencieuse qui suivra, tôt ou tard, un pouvoir qui fournira une quelconque solution. Actuellement, seul le Hamas offre aux palestiniens un remède à leur situation, mais par contre si demain un autre leadership, une nouvelle direction change de cap, et offre une alternative constructive, une chance d’un changement avec un espoir d’une meilleure condition de vie, pour que Gaza devienne un jour le Singapour du Moyen Orient, tout pourra basculer, mais cela dépend des dirigeants capables et aujourd’hui, ils n’existent pas du côté palestinien.
Finalement, tout pourrait arriver si demain un dirigeant palestinien acceptera ce plan. Le fondateur de l’Etat d’Israël, David Ben Gourion, a déclaré que nous ne pouvons pas obtenir tout ce que nous désirons et donc nous devrions faire de véritables concessions. Mais, lui était prêt à payer le prix et aller de l’avant, car il souhaitait un Etat pour son peuple. Hélas, ce n’est pas le message des dirigeants palestiniens, à chaque fois qu’ils évoquent l’importance d’un Etat indépendant. La rhétorique palestinienne parle de misère, de justice et condamne Israël pour ses “crimes abominables”. Leurs efforts en vue d’améliorer la situation du niveau de vie de la société palestinienne interne sont minimes, voire inexistants.
Sans un changement fondamental dans cette attitude, certaines conditions importantes pour aboutir à la paix seront absentes du processus.
Général (réserve) Giora Eiland