L’absence d’autorité au sein du gouvernement israélien ?
Depuis plusieurs mois nous assistons à une situation dangereuse où chacun dans ce pays se permet d’agir selon ses désirs et ose franchir des lignes rouges en toute impunité. Allons-nous retourner au temps biblique, à l’époque où les rois et les juges étaient absents et chacun en Israël faisait ce qui lui semblait bon ? 1 C’est clair, désobéir à la loi et à l’ordre veut dire plonger le pays dans l’anarchie. Dans un Etat démocratique, ce désordre est le résultant d’absence d’autorité, de véritable leadership.
Depuis la réforme judiciaire tout a basculé. Le fossé entre le pouvoir et le peuple s’est encore approfondie avec la guerre dans la bande de Gaza. Désormais, la société civile s’exprime par une violence verbale inouïe et des manifestations de rue inédites que nous n’avons jamais vues. On a brisé tous les tabous, on a franchi sans crainte toutes les lignes rouges. Les masques cachant la pudeur, le traumatisme des guerres, le respect des lois et le patriotisme, sont tombés brusquement, collectivement.
Des leaders politiques et des intellectuels pessimistes évoquent la mort de la démocratie israélienne, les prophètes de malheurs prédisent la destruction du troisième Temple. A l’extrême droite, les insultes et les bagarres contre les opposants à la réforme sont bien pires. Comment expliquer l’escalade ? Comment éviter que l’armature de l’État s’effrite et la société se désagrège progressivement ?
Pire, au sein même de la coalition actuelle des ministres se permettent une ligne de conduite indépendante, rebelle, contraire aux décisions gouvernementales et aux traités signés avec nos voisins. Cette jours-ci, dans la tourmente de la guerre, Itamar Ben Gvir, le premier flic d’Israël, celui qui est chargé de l’ordre publique, ose prier sur le mont du Temple en violant le statu quo ante et en bafouant les recommandations des grands rabbins…
Soulignons que chaque année, des millions de musulmans visitent le mont du Temple et prient sur « l’esplanade des mosquées ». Et pourtant, la police israélienne n’autorise les Juifs à visiter leur lieu sacré que par petits groupes de dix (minyan) seulement dans la partie orientale du mont, et surtout sans livres de prières, rouleaux de la Torah ou taliths (châles de prières). L’absurdité est à son comble car cela se passe dans le sacro-saint de la religion juive, au cœur de la capitale de l’État d’Israël.
Certes, les pratiques religieuses sur le mont du Temple sont basées sur le statu quo établi de longue date permettant aux musulmans d’y prier et aux non-musulmans de visiter seulement le site. Une distinction nette entre le « droit de visiter » et le « droit de prier ».2 Rappelons que la Jordanie contrôlait Jérusalem-Est jusqu’en 1967 et qu’elle avait bafoué les lois internationales en détruisant et en saccageant synagogues et cimetières. Depuis, les Lieux saints demeurent ouverts et libres pour toutes les religions et toutes les communautés.
Ben Gvir souhaite-il mettre le feu aux poudres, déclencher une guerre de religion ? Pourquoi Nétanyahou laisse faire et se contente de le réprimander timidement…
Trois jours après, des dizaines d’extrémistes israéliens font irruption dans le village Jit en Cisjordanie. Sans aucune raison et bêtement, ils tuent un jeune palestinien, blessent un autre grièvement et incendient des voitures et des maisons. Pourquoi ? Au nom de quelle justice ? Fort heureusement, l’armée et la police aux frontières sont intervenues rapidement…Et Itamar Ben-Gvir, toujours lui, pointe du doigt l’état-major de Tsahal, l’accusant de ne pas réagir assez fermement face aux lanceurs de pierres palestiniens. Comment justifier notre combat contre le terrorisme islamiste devant la Cour Internationale de Justice ? Comment aussi défendre des Juifs hors la loi ?
Malheureusement, cette flambée de violence n’est pas nouvelle. En février 2023, un groupe de têtes brûlées, fanatiques, messianiques, décident de se venger contre l’assassinat de deux jeunes israéliens. Ils pénètrent dans le village palestinien Huwara, saccagent et brûlent des maisons, des commerces et des véhicules. Dans la foulée, les chaînes de télévision diffusent en direct des images en provenance du village en flammes. Sur les plateaux, des députés et des ministres se disputent. Un brouhaha de débat. Une cacophonie incompréhensive. La violence verbale l’emporte. Le chef du parti national-religieux, Betzalel Smortrich, ose prononcer une terrible phrase : « Je pense que le village de Huwara devrait être anéanti, rasé de la carte… » Une petite phrase scandaleuse, prononcée par un membre du gouvernement, provoque un tollé général. Le gouvernement israélien est une fois de plus mis au pilori, au ban de la société des nations. Netanyahou se défend mais n’ose pas réprimander publiquement son ministre ni même le licencier. Il ne peut se permettre la chute de sa coalition…
Ce n’est pas la première fois que des jeunes fanatiques juifs décident de se venger après un attentat terroriste contre leurs compatriotes. Il faut que ça cesse immédiatement. Par ignorance et par bêtise, ils ont trahi les valeurs du judaïsme et nous devrions les vomir de la société israélienne. Notre cause est juste et noble. Elle ne doit jamais céder au chantage de la vengeance aveugle.
Nous vivons dans un État de droit, dans une démocratie où la Justice demeure implacable et applicable à tous, sans exception. Nous ne sommes ni au moyen-âge, ni au Far-West, et nous ne vivons pas dans la terreur de la Mafia. La rancune, la colère noire et incontrôlée sont contraires aux valeurs universelles. Pour les croyants n’est-elle pas réservée à la divinité ?! Seul Dieu punira et châtiera, Lui seul prononcera le jugement définitif.
Enfin, pour pouvoir affronter les menaces de nos ennemis, résoudre les problèmes en cours et relever tous les défis, seul un leadership respectable, doté de nerfs d’acier et de sagesse, sera capable de redonner confiance et de nourrir de belles espérances aux Israéliens.
1 En ce temps-là, il n’y avait pas de roi en Israël… Chacun faisait ce qui lui semblait bon. (Juges 17 : 6)
2 *Elles ont été établies juste après la guerre des Six Jours de 1967 par le ministre de la Défense de l’époque Moshé Dayan. Et plus tard, en 2015, par les accords conclus par l’intermédiaire du Secrétaire d’État américain John Kerry avec la Jordanie. Les Accords Kerry ont reconnu le rôle spécial de la Jordanie à Jérusalem tel que défini dans le traité de paix israélo-jordanien, y compris le rôle historique de la Jordanie en tant que « Gardien des lieux saints islamiques » à Jérusalem.