La Syrie : nouveau tremplin de l’Iran contre Israël
La Syrie est considérée comme un important bastion dans le combat hégémonique de l’Iran contre l’Occident et tous ceux qui représentent l’Islam sunnite, tels que l’Arabie saoudite, les États du Golfe, mais aussi Al-Qaïda.
Cette présence iranienne active sur le territoire syrien a pour but de dissuader et d’éloigner les menaces, mais aussi de préparer le terrain pour attaquer le « régime sioniste » et reconquérir le plateau du Golan.
Le commandant des Gardiens de la Révolution, Mohammad Eskandari, a déclaré récemment que ses forces avaient formé 42 bataillons et 138 brigades pour combattre sur le sol syrien. Il a souligné que la guerre civile actuelle était une grande bataille contre les Etats-Unis et que plus de 130 000 volontaires iraniens s’apprêtaient à joindre les troupes syriennes.
Dès le déclenchement de la guerre civile, voilà déjà plus de trois ans, les Ayatollahs ont soutenu Bachar al Assad, préférant que leur allié stratégique reste au pouvoir. Toutefois, si Assad venait à tomber un jour, l’Iran maintiendrait une présence armée dans ce pays, au Liban et dans la bande de Gaza. Pour Téhéran, cette présence est nécessaire afin d’être en première ligne contre Israël et l’Occident.
En affichant sa puissance militaire et politique, Téhéran tente de se dégager des sanctions internationales et d’influer directement sur les événements au Moyen-Orient. Sa progression rapide vers la production d’une bombe nucléaire, tout en maintenant des négociations avec l’Occident, vise à lui permettre d’agir librement dans le but de mettre un terme à la Pax Americana et de la remplacer par une Pax Irana sous étendard chiite.
Le conflit contre l’Occident et les pays arabes « modérés » sur le sol syrien est l’opportunité de s’affirmer avec force et de prouver que l’Iran est un acteur principal dans le nouvel ordre qui se dessine dans la région, avec ou sans Assad.
Les Ayatollahs ont déjà envisagé la mise en œuvre d’un plan B, reposant principalement sur les troupes du Hezbollah libanais dirigées par Hassan Nasrallah. Ce plan B a été élaboré par le général Qasem Suleimani, commandant d’el-Kouds, une unité spéciale au sein des Gardiens de la Révolution.
Suleimani a élaboré un plan opérationnel dont le but est de rassembler un corps armé de 150 000 hommes, recrutés en majorité en Iran et en Irak, mais également au sein des milices du Hezbollah, dans les pays du Golfe et au Pakistan. La participation active de Suleimani aux combats en Syrie et le plan qui porte son nom sont significatifs du renforcement considérable de la présence militaire iranienne dans le pays d’Assad. Déjà, en janvier 2012, Suleimani déclarait que la République islamique contrôlait « d’une certaine manière » l’Irak et le Sud-Liban. Depuis plusieurs années, avant même le début des troubles au Proche-Orient, de nombreux observateurs dans le monde arabe avaient mis sévèrement en garde contre « l’expansionnisme iranien ».
Pour illustrer la centralité de la Syrie dans la stratégie iranienne, rappelons les paroles de Mehdi Taaib, directeur à Téhéran d’un centre de recherche très proche du pouvoir. Il a déclaré que « la Syrie est la 35e province de l’Iran ». Elle est, selon lui, plus importante que le Khuzestân, une province iranienne peuplée en majorité d’Arabes et située aux confins de l’Irak et du golfe Persique.
L’Iran a depuis toujours des ambitions politiques et hégémoniques sur la Syrie ; à cet égard, il a investi de gigantesques fonds pour transformer la Syrie en Etat chiite. Le régime syrien a permis aux missionnaires iraniens une libre circulation afin de renforcer la foi chiite à Damas, le long de la côte alaouite, mais aussi dans des villages lointains. Celui qui a adopté la doctrine des Ayatollahs avait obtenu certains privilèges, notamment un traitement financier préférentiel.
Le plan opérationnel du général Suleimani comprend trois éléments :
– La création d’une « armée populaire » composée que de chiites et d’alaouites.
– Cette force régionale de 150 000 combattants sera intégrée à l’armée syrienne. Suleimani s’était déjà rendu en Syrie en mars dernier pour préparer la mise en œuvre de son plan.
– Préparation d’un « plan B » dans le cas où Assad tombait.
Pour la République islamique, il s’agit d’une guerre de survie contre une insurrection sunnite radicale considérant les chiites comme des infidèles qui devraient être anéantis. La véritable guerre menée aujourd’hui est donc au sein même des courants de l’Islam. Du point de vue iranien, une victoire sunnite en Syrie pourra menacer l’Irak et le golfe Persique, ce qui représenterait un réel danger stratégique pour le pays des Ayatollahs. La volonté du Hezbollah de combattre les sunnites coude à coude avec l’Iran risque bien entendu de briser l’équilibre ethnique délicat sur lequel l’Etat libanais est fondé. Le Hezbollah pourra alors sans difficulté tracer son chemin vers un contrôle total du pays du Cèdre.
Hussein Hamadani, l’un des chefs des Gardiens de la Révolution, a indiqué que le but des Ayatollahs était surtout de sensibiliser la population locale sur l’ampleur du soutien du régime iranien à la cause syrienne. Hamadani a précisé : « aujourd’hui, nous nous battons en Syrie pour protéger et défendre les intérêts iraniens sacrés » !
C’est en effet la première fois qu’un officiel iranien déclare que l’Iran a réussi à mettre sur pied un « deuxième Hezbollah » en Syrie. Cette force iranienne est composée également de volontaires et des combattants venus d’Irak, du Yémen, du Bahreïn et d’Afghanistan.
La déclaration d’Hamadani sur la mise en place d’un « second Hezbollah » en Syrie, et l’envoi de «volontaires» montre que l’Iran se prépare à affronter une chute éventuelle d’Assad.
Actuellement, des membres du Hezbollah installés au Liban servent d’instructeurs et forment les nouvelles troupes destinées à la Syrie.
Cependant, il existe en Iran une certaine contestation contre l’envoi de citoyens iraniens sur le front syrien car de nombreux combattants, notamment des cadres supérieurs, ne sont pas revenus du champs de bataille.
Mohamad Ali Jafari a indiqué que le rôle des Gardiens de la Révolution ne se limitait pas aux frontières de l’Iran et il a précisé que l’un des ses objectifs était de défendre le peuple palestinien.
Selon Jafari, depuis le déclenchement de la guerre civile en Syrie, les tentatives des Occidentaux, de l’Arabie saoudite, de la Turquie et du Qatar de renverser le régime de Bachar al-Assad ont toutes échoué. Ainsi, la « réélection » d’Assad constitue une grande victoire stratégique et une défaite cuisante pour le front « Arabo-occidental-sioniste ». De fait, le rôle d’influence de l’Iran a atteint son apogée : désormais, l’Iran contrôle les côtes de la Méditerranée situées au nord d’Israël et les Occidentaux sont déjà préoccupés par la présence iranienne dans le golfe Persique.
Du point de vue de Téhéran, les récents développements au Moyen-Orient renforcent l’importance stratégique de la Syrie dans l’élaboration d’un nouvel ordre régional. Face au déclin de l’influence américaine, l’Iran se rapproche de la Russie pour élaborer de nouvelles règles du jeu sur le terrain. Le combat pour l’hégémonie dans la région est mené en faveur de l’Iran par des Etats satellites comme la Syrie ou des organisations telle que le Hezbollah.
Malgré les nombreuses pertes dans les combats en Syrie, le Hezbollah continue à développer son arsenal militaire, comprenant des missiles et des roquettes, pour pouvoir un jour l’utiliser également contre Israël sur le plateau du Golan.
En conclusion, quand les Occidentaux négocient avec l’Iran pour « mettre un terme » au projet nucléaire, ils doivent prendre en considération les objectifs hégémoniques de l’Iran, à commencer par la Syrie, devenue un tremplin stratégique contre Israël.
Michael Segall et Shimon Shapira