Face au danger des menaces iraniennes
Mahmoud Ahmadinejad, président de la République islamique d’Iran, a fait de la destruction d’Israël son objectif déclaré. En affirmant, en 2005, qu’« Israël devait être rayé de la carte », il a provoqué un tollé international.
Cette affirmation intempestive ne constitue pas un incident isolé, mais le premier d’une longue série de déclarations qui éclabousse l’opinion publique mondiale jusqu’à ce jour. Désormais, l’élimination d’Israël est devenue l’objectif principal de la politique étrangère de l’Iran. Cette ligne de conduite destructive est confirmée en armant massivement le Hezbollah au Liban et le Hamas dans la bande de Gaza.
Elle est aussi omniprésente dans le développement continue d’un redoutable programme nucléaire et la mise en place d’un arsenal de missiles à tête nucléaire de longue portée susceptibles d’atteindre Israël et une grande partie de l’Europe.
Les menaces iraniennes constituent en outre une incitation au génocide, en violation flagrante du droit international. De telles incitations haineuses rappellent des cas antérieurs dans l’histoire, tel celui du Rwanda.
Toutefois, il existe une différence majeure : alors que les Hutus du Rwanda étaient équipés d’armes extrêmement rudimentaires dont des couteaux et machettes, l’Iran, elle sera bientôt doté d’armes nucléaires. Cette nouvelle menace de génocide augmente terriblement les risques et ne peut laisser le temps ni la possibilité d’organiser une défense.
Il est donc impératif que la communauté internationale se consacre très sérieusement à ce dossier explosif et empêche par tous les moyens toute menace de destruction massive.
Il est aussi important d’établir une claire distinction entre l’incitation permanente au génocide et la liberté de s’opposer à tel ou tel régime.
Divers dirigeants politiques n’hésitent pas à condamner des gouvernements rivaux en recourant à des épithètes comme « le régime impitoyable/nord-coréen/corrompu/cubain/malfaisant », etc… Cette cascade verbale ne pose aucune menace existentielle. Les violentes diatribes antisémites d’Ahmadinejad selon lesquelles « les Juifs sont des êtres immondes », « [les Juifs ont] infligé les plus grands dommages au genre humain », « [les Juifs sont] une bande de barbares assoiffés de sang », « ils devraient savoir que leur vie touche à sa fin » et « comme l’a dit l’imam, Israël doit être rayé de la carte », devraient choquées les chancelleries et auraient dû susciter une profonde inquiétude dans le monde libre. Or, jusqu’à présent, les menaces d’Ahmadinejad n’ont rencontré qu’indifférence et passivité et les réactions dans le monde demeurent timides. Aucun pays européen n’a rompu ses relations diplomatiques avec Téhéran. Ces propos apocalyptiques ne sont pas d’ordre uniquement rhétoriques. La déclaration d’Ahmadinejad selon laquelle la Shoah est une « histoire à dormir debout », et son soutien inconditionnel apporté au Hamas et au Hezbollah montrent qu’il n’y a pas d’autre alternative pour satisfaire ses ambitions que de perpétrer un nouveau génocide contre l’humanité.
Dans tous les génocides antérieurs, la communauté internationale a réagi timidement et tardivement. Cette attitude frileuse a été déplorée par l’ancien Secrétaire générale de l’ONU, Kofi Annan, à l’occasion du dixième anniversaire du génocide rwandais :
« Nous ne devrons jamais oublier notre échec collectif à protéger au moins huit cent mille hommes, femmes et enfants sans défense qui ont péri au Rwanda il y a dix ans. De tels crimes sont irréparables. De tels échecs ne peuvent être amendés. Les morts ne reviendront jamais à la vie. Alors que pouvons-nous faire ? »
L’actuel Secrétaire général des Nations-Unies, Ban Ki-Moon a été plus affirmatif : « Prévenir le génocide est une responsabilité collective et individuel. Chacun a un rôle à jouer : les gouvernements, les medias, les organisations civiles diverses, les groupes religieux, tous ont un devoir d’agir. »
Ban Ki-Moon a appelé à une activité commune et a plaidé dans ce sens pour un renforcement des mécanismes de l’ONU afin de s’assurer qu’un nouveau génocide ne se produira plus.
Compte tenu de la gravité de la question, la communauté internationale doit faire grand cas des premiers signes avant-coureurs d’un génocide et agir en vue de l’empêcher. Le droit international, ainsi que le droit national dans plusieurs pays prévoient divers mécanismes de prévention d’un génocide. Ils peuvent être utilisés pour contrer la mise en œuvre de la politique d’Ahmadinejad. Adoptée le 12 janvier 1951, la convention sur la prévention et le châtiment du crime de génocide est l’une des sources juridiques appropriées. Ratifiée par 138 États dont l’Iran, cette convention est l’un des traités qui fait l’objet d’un consensus extrêmement large en matière de droit international.
Cette convention définit le crime de génocide et stipule que certains actes relevant d’un génocide sont punissables. L’un de ces actes prohibés est l’incitation à perpétrer un génocide. En le définissant comme un crime, les auteurs de ce texte entendaient ouvrir une brèche dans le droit international, envisager le cas d’un crime en préparation, d’un crime en l’absence de tout délit réel commis ou consommé. Ainsi, pour l’emporter dans un procès pour incitation, le plaignant n’a pas besoin de prouver qu’un génocide s’est véritablement produit. Il suffit de prouver que l’incitation au génocide est avérée.
Il ressort de l’analyse de la convention sur le génocide et du droit y afférant qu’Ahmadinejad se rend responsable d’une incitation directe et publique à perpétrer un génocide. Le défi à relever consiste maintenant à éviter cette imminente catastrophe. Hélas, l’Histoire a démontré que la communauté internationale a constamment différé son action jusqu’au jour où des milliers, voire des millions de personnes ont déjà été massacrées. Cette scandaleuse situation devrait être amendée en appliquant le droit international existant ou les législations nationales en vigueur.
D’autres efforts doivent être investis pour rallier le monde à l’idée de recourir aux moyens juridiques disponibles non seulement pour combattre le génocide, mais pour l’éviter. Concrètement, le crime d’incitation au génocide n’est rien, comparé au massacre réel, au transfert et au viol subi par les Soudanais, ou auparavant par les Cambodgiens ou d’autres peuples. Cependant, les rédacteurs de la convention sur le génocide et du protocole de Rome ont inclus les crimes à l’état d’ébauche comme l’incitation, afin qu’un individu comme Ahmadinejad – qui a diffusé ses intentions à une échelle mondiale sans précédent – puisse être stoppé.
Ce cri d’alarme a pour ambition de susciter une action publique d’ordre juridique et diplomatique à l’encontre des violations par l’Iran des conditions requises pour être membre de l’ONU et à l’encontre du rôle déterminant joué par le président iranien dans l’incitation au génocide. Le monde libre devrait se réveiller de sa torpeur pour pouvoir appliquer, à la lettre, ses propres lois.
Ainsi, le danger sera écarté et des dirigeants irresponsables ne pourront plus réalisé leur ambitions sanguinaires en vue d’exterminer un peuple innocent, membre de la société des nations.
Justus Reid Weiner est juriste spécialiste de droit international. Il est chercheur au CAPE de Jérusalem.