Sarkozy, le monde juif et Israël

Ancien ambassadeur d’Israël, journaliste, politologue, Freddy Eytan est décidément un écrivain prolifique qui nous propose, au cours des ans, des ouvrages très différents. Nous avons pu ainsi apprécier de sa plume, ces dernières années,L’autre visage d’Israël. Souvenirs d’enfance et de jeunesse (1) où Teddy Mettoudi, jeune Juif tunisien, alter ego de l’auteur, racontait les tribulations de son père Julot lors de sonalyah et les difficultés d’intégration des Séfarades dans un pays dirigé alors par des « « Ashkénazes socialistes », Les 18 qui ont fait Israël. Portraits et témoignages (2), une série de portraits, de David Ben Gourion à Shoshana Damari en passant par Isar Harel et Nahman Bialik,  Sharon, le bras de fer(3) ou encore Victor Grayewsky. Agent secret du Shin Beit à Jérusalem, véritable thriller sur fond d’espionnage soviétique en Israël (4).

Avec son nouveau livre, c’est une autre facette de son talent d’enquêteur qu’il met à profit en nous dévoilant les méandres et les cheminement de la relation qui lie le président français, Nicolas Sarkozy à Israël et au monde juif, notamment à la communauté juive de France. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois qu’il traite ce sujet : dans David et Marianne. La France, les Juifs et Israël, il évoquait la « longue suite de retrouvailles, de disputes, d’incompréhensions, de froideurs, de ruptures et de réconciliations » et se posait alors la question : « Israël est-il amoureux de la France ? » (5).

Le sous-titre de ce nouvel ouvrage qui n’apparaît pas sur la couverture, « Mariage d’amour ou de raison ? » donne déjà une indication sur la teneur des intentions de l’auteur.

Il était une fois, raconte Freddy Eytan au début de son enquête, un jeune juif grec, Benedict Aaron Mallah, dont la famille, originaire de Salonique, quitte son pays d’origine, en 1904, pour s’installer en France. Fils du joaillier Aaron Mallah, neveu du rabbin Moshé Mallah, le jeune Benedict a quatorze ans.

Il deviendra médecin, chirurgien urologue. Pendant l’Occupation, il se réfugie en Corrèze, épouse une infirmière , Adèle Bouvier et se convertit au catholicisme. Le couple aura deux enfants : Suzanne et Andrée dite Dadu. Dadu, épousera plus tard Pal Sarkozy de Nagy-Bocsa, héritier d’une famille de la petite noblesse hongroise émigrée à Paris.

Et c’est dans un petit hôtel particulier du 46, rue Fortuny, dans le XVIIème arrondissement de Paris, à quelques pas du siège de l’Agence Juive pour Israël, que naît, au domicile de son grand-père « juif », Nicolas Sarkozy, dont sa mère reconnaît, bien volontiers, qu’il songeait déjà, à l’âge de sept ans, à devenir président de la République française.

Dans un chapitre consacré aux premiers contacts avec Israël, l’auteur raconte comment, à l’époque des tirs de Scuds irakiens sur Israël, le président du CRIF, Jean Kahn, réunit plusieurs maires et députés français pour un voyage de solidarité à Jérusalem. Dans cette délégation, on trouve François Léotard, Claude Gérard Marcus, Georges Frèche et…Nicolas Sarkozy dont c’est le premier voyage en Israël.

Au fil des pages, des « fréquentes colères de Chirac » à «  Nicolas et Bibi » en passant par « La visite de Nicolas et Carla », c’est toute l’histoire des relations entre la France et Israël, entre la communauté juive de France et la classe politique française qui est passée en revue.

Le rôle essentiel du CRIF est souvent mis en avant. Ainsi, Freddy Eytan nous rappelle le dîner du CRIF du 4 janvier 2008, où, malgré les réserves de Théo Klein, initiateur de cette tradition instaurée en 1985, c’est, pour la première fois, à l’instigation de Richard Prasquier, avec le concours toujours précieux du directeur général, Haïm Musicant, le président de la République, Nicolas Sarkozy et non le Premier ministre, François Fillon, qui en est l’invité d’honneur, le 25 mai 2008, quand, sur l’esplanade du Trocadéro, à l’occasion du 60ème anniversaire de l’État d’Israël, Richard Prasquier prend la parole devant le président de la République accompagné de Tsipi Livni, chef de la diplomatie israélienne, le 6 janvier 2009, lors de la visite de Nicolas Sarkozy en Israël où la rencontre avec Benjamin Netanyahou, Premier ministre, se fait en présence de Meyer Habib, vice-président du CRIF ou encore le 30 janvier 2009, lorsqu’une délégation du CRIF conduite par Richard Prasquier est reçue à l’Élysée  alors que l’antisémitisme s’est aggravé à la suite de l’opération israélienne « Plomb durci » à Gaza contre le Hamas.

« Le mariage de Nicolas Sarkozy avec les Juifs et Israël était au départ, écrit Eytan, un mariage d’amour, un véritable coup de foudre. Aujourd’hui, il est devenu moins passionnel et plus raisonnable. Le couple s’aime toujours et probablement pour longtemps encore…Aucune partie ne souhaite le divorce ». L’ouvrage s’achève sur une note d’espoir avec ce mot final :Hatikva !.

Une lecture très agréable et très enrichissante