Les armes chimiques en Syrie- l’Europe se réveillera-t-elle de sa torpeur?

En 2004, les forces de sécurité jordaniennes ont déjoué un complot d’al Qaïda lors d’un raid effectué à Amman. L’objectif de l’organisation terroriste était d’attaquer, par le moyen d’armes chimiques, le QG des services de renseignements, le Bureau du Premier ministre et l’ambassade des Etats-Unis. Ce jour là, des tonnes de produits chimiques probablement en provenance de  Syrie ont été saisies. Les autorités jordaniennes ont estimé que ces attaques d’al Qaïda  auraient pu causer la mort de 20 mille personnes. L’un des terroristes capturés avait avoué à la télévision locale qu’il a été employé pour le compte d’Abou Moussa al Zarkaoui, ce citoyen jordanien devenu commandant de la branche d’al Qaïda en Irak. Certes, Zarkaoui fut tué par les Américains mais sa branche irakienne existe toujours et combat en Syrie contre le régime de Bechar el Assad. La menace d’employer des armes chimiques par ce groupe terroriste est omniprésente également en Europe. En 2002, le service de contre-espionnage français avait démantelé une cellule algérienne liée au groupe  Zarkaoui. Elle planifiait un attentat chimique spectaculaire dans le métro de Paris. Cela n’est pas nouveau. En effet, les services de renseignements américains avaient déjà saisi des manuels de formation d’al Qaïda contenant des indications précises sur la production et le déploiement d’armes chimiques. Le réseau al Qaïda paraissait être bien préparé à utiliser ces armes dans le but de causer le plus grand nombre de dégâts et de victimes en comparaison avec un “attentat conventionnel”.

Dans ce contexte, la question de savoir si les stocks syriens d’armes chimiques tomberaient entre les mains des organisations terroristes est plus que jamais d’actualité est très inquiétante. Deux scénarii pourraient donc se produire:

– Le premier, les organisations terroristes réussissent à s’emparer des stocks d’armes chimiques protégées par les unités spéciales de l’armée syrienne. Cette crainte est similaire à celle du sort des armes nucléaires au Pakistan et fut l’objet de forte inquiétude au moment de l’affaiblissement du régime et l’infiltration au sein de l’armée pakistanaise de groupes djiadistes.

– Dans le second scénario, au moment même où la chute du régime serait imminente, les Syriens transfèreront leur arsenal d’armes chimiques au Hezbollah, plutôt qu’al Qaïda.

L’histoire contemporaine nous apprend que des régimes vaincus font passer leurs « biens stratégiques ». Parfois, ils agissent ainsi pour les mettre temporairement à l’abri et dans d’autres cas sans intention de les récupérer plus tard, après la crise. En 1991, Saddam Hussein avait transmis ses avions de combat à l’Iran, son ennemi déclaré plutôt que les Etats-Unis les détruisent.

En 2003, peu avant le déclenchement de la guerre en l’Irak, les satellites américains avaient identifié un mouvement massif de convois de camions vers la Syrie. Au mois d’octobre 2003, James Clapper, actuellement principal conseiller dans les affaires du renseignement auprès du Président Obama, avait déclaré au New York Times, alors qu’il était responsable pour le décodage des images satellites, que de nombreux camions avaient transporté des armes de destruction massive. Bien qu’il n’avait pas pu fournir   d’informations supplémentaires sur ce transfert il avait précisé que les renseignements qu’il disposait « étaient suffisamment crédibles pour ouvrir une deuxième recherche». En 2005, le chef d’état major de Tsahal, le général Moshé Bougy Yaalon, a déclaré au “New York Sun” que Saddam Hussein avait transféré des produits  chimiques à la Syrie, précisant cyniquement que personne n’ira les retrouver.

Cette fois ci, il est peu probable que l’Occident permettrait faire “disparaître” ces stocks d’armes chimiques.  En mars dernier, le “Wall Street Journal” a rapporté que les armées américaines et jordaniennes préparaient conjointement des plans opérationnels pour pouvoir assurer que l’arsenal chimique syrien ne tomberait pas dans les mains de groupes irresponsables. Le 18 juillet dernier, le roi hachémite, Abdullah II, avait averti lors d’une interview accordée à CNN, que des armes chimiques syriennes pourraient tomber « dans des mauvaises mains » précisant qu’al Qaïda était  très active dans de grandes parties de la Syrie. Il se rappelait parfaitement de l’opération avortée du groupe Zarkaoui à Amman, en 2004.

De ce fait, il est clair et impératif d’agir et prendre des mesures adéquates pour sauvegarder l’arsenal chimique syrien, sinon nul ne doit s’étonner qu’al Qaïda lancerait un jour des attaques non conventionnelles au cœur de Londres, Madrid, Paris ou Berlin.

Enfin, soulignons que les frontières qui entourent les pays arabes demeurent perméables et complètement ouvertes pour le trafic d’armes de toutes sortes, conventionnelles,  chimiques, biologiques ou  nucléaires. Dans ce contexte, notre revendication de permettre que la  Vallée du Jourdain soit à l’Est notre première ligne de défense est parfaitement légitime et justifiée.