Le terme “Occupation” est politique et non juridique

En fait, la commission présidée par le juge Edmond Levy a été sollicitée par le gouvernement pour rédiger un rapport concernant les “implantations sauvages”, mais les critiques se sont focalisées uniquement sur  la manière dont elle a traité le narratif  du conflit israélo-palestinien. Ils ont surtout mis l’accent sur la  conclusion  de la commission qui affirmait : « du point de vue du Droit international, les clauses concernant « l’occupation  de territoires»,  mentionnées dans les chartes  internationales ne peuvent être applicables dans les circonstances historiques et juridiques particulières que consiste la présence israélienne en Cisjordanie. »

En effet, les membres de la commission sont arrivés à la conclusion que  le cas de l’Etat juif est unique dans son genre  au sein de la réalité internationale contemporaine. Ils soulignent à juste titre, qu’il n’existait  pas de souverain reconnu lorsque Tsahal a conquis la Cisjordanie en juin 1967. La proclamation jordanienne en 1950 sur la souveraineté de ce territoire a été rejetée par la communauté internationale, et notamment par les pays arabes, à l’exception du Pakistan et de la Grande Bretagne.

En outre, comme l’indique justement le rapport Levy, les droits historiques du peuple juif et les droits juridiques sur le terrain imposés par le mandat britannique, n’ont jamais expiré et ont été même ratifiés dans l’article 80 de la Charte des Nations Unies. Soulignons aussi qu’après la création de l’Autorité palestinienne suite aux Accords d’Oslo signés en 1993, le régime militaire imposé sur la population palestinienne a été annulé. Certes, pour des raisons sécuritaires une partie des pouvoirs a demeuré sous le contrôle de Tsahal, mais d’autres ont été transférés exclusivement aux Palestiniens ou partagés dans le cadre d’un contrôle  conjoint. En d’autres termes, les Accords d’Oslo ont créé une réalité complexe qu’il est impossible de qualifier en un terme radical telle qu'”occupation ».

En fait, il s’agit de la position juridique traditionnelle d’Israël. En 1977, l’ambassadeur d’Israël à l’ONU, Haïm Herzog,  affirmait devant l’Assemblée générale que l’Etat juif  ne peut être considéré comme « une force d’occupation » en Judée et en Samarie.  Rappelons qu’en  mai 2003, juste après l’opération “Rempart”, le Premier ministre Ariel Sharon a stupéfait  en déclarant sans ambages que Tsahal ne pouvait  poursuive le  siège des villes de Cisjordanie parce que cela signifierait que les Palestiniens  vivront « sous occupation ». La réaction du conseiller juridique  du gouvernement, Eliakim Rubinstein ne s’est pas fait attendre. Il souligna qu’il n’est pas juste de définir la Cisjordanie  et la Bande de Gaza comme “territoires occupés” parce que ces territoires sont  “disputés”.

Dans ce contexte, il est aussi important d’examiner l’attitude des institutions internationales. Le 20 juillet 1974, l’armée turque a envahi Chypre, Etat indépendant depuis 1960. La Turquie  a occupé plus  de 37% de l’île. La zone turque fut proclamée indépendante en 1983, mais aucun pays, à l’exception de la Turquie, n’a reconnu le nouveau gouvernement. Comment  considérer donc  la partie nord de Chypre ? Lorsque en 2004, la Communauté européenne a accepté Chypre comme Etat membre  à part entière, elle avait formulé dans un mémorandum  que  l’adhésion ne s’appliquait pas à « la zone de la République de Chypre  dont le gouvernement n’avait pas de contrôle efficace ». Ainsi, les diplomates européens  évoquant souvent « l’occupation israélienne » ne sont pas prêts à adopter le terme « occupation » sur le territoire chypriote comme faisant partie de l’Union européenne.

Un autre exemple est  celui du Sahara occidental conquis entièrement par l’armée marocaine en 1979.  Après que l’Espagne a évacué la zone, et suite à l’échec de créer une administration conjointe avec la Mauritanie, le Maroc a décidé de traiter le Sahara occidental comme territoire marocain. Le Polisario soutenu par l’Algérie ainsi que la Cour internationale de Justice de la Haye ont rejeté officiellement la demande de souveraineté du Maroc et elle a reconnu les droits des citoyens du Sahara occidental à leur propre autodétermination. Dans de nombreuses résolutions de l’ONU  qui concernent l’avenir du Sahara occidental, les territoires ne sont pas définis comme « occupés » même si l’armée marocaine se trouve sur un terrain hors des frontières du Maroc.

Un autre exemple concerne le Japon. A la fin de la Deuxième Guerre mondiale, l’armée soviétique avait envahi les îles Kouriles qui étaient jusqu’à lors sous souveraineté japonaise.  Dans ce cas précis aussi, un  récent document du ministère japonais des Affaires étrangères  n’évoque pas les îles Kouriles comme « occupation russe » mais de la nécessité « d’aboutir à un accord sur le sujet non résolu des territoires du nord ».

Ces trois exemples : la zone nord de Chypre, le Sahara occidental et les îles Kouriles sont des cas précis d’occupation étrangère selon le droit international. Et pourtant, dans les milieux diplomatiques et dans les instances internationales personne n’utilise officiellement le mot « occupation ». Ironiquement, le terme « occupation » n’est utilisé que pour la Cisjordanie, où la présence d’Israël est plus complexe sur le plan juridique. Apparemment, la décision d’utiliser le terme « occupation » dérive des motifs purement politiques et non sur des analyses juridiques cohérentes.

En l’an 2000, au cours de la deuxième Intifada, les sympathisants de la cause  Palestiniens à l’ONU avaient utilisé le terme « résistance à l’occupation » pour justifier légalement les attentats – suicides dans les villes israéliennes. Des organisations pro- palestiniennes en Europe utilisent le terme « occupation » dans la rhétorique visant à délégitimer l’Etat juif. Cela comprenait des expressions telles  « Etat d’Apartheid » ou « Etat colonial ». Même dans le cadre du débat public israélien nous entendons souvent  l’appel « à mettre fin à l’occupation ».

Les conclusions présentées récemment dans le rapport du juge Levy sont essentielles pour pouvoir défendre les intérêts vitaux de l’Etat d’Israël dans tout accord futur. Le contexte du statut final sera aussi décidé  autour de la question si Israël est un « occupant étranger » qui a confisqué des terres, ou bien un acteur dans ce conflit qui agit selon des arguments légitimes pour mettre en œuvre dans certaines  zones de la Cisjordanie  ses droits historiques et ses revendications à des frontières défendables.