Iran-Turquie : la bataille hégémonique

La Turquie et l’Iran se battent pour l’hégémonie dans le monde arabe mais pour détourner leurs ambitions, Erdogan et Khamenei utilisent la lutte contre Israël comme fer de lance.

L’évolution des derniers évènements dans la région en particulier à la frontière turco-syrienne ont remis en évidence les fluctuations que traversent le Moyen-Orient changeant ainsi l’équilibre des forces et modifiant l’échiquier entre les camps. Les représailles turques au nord de la Syrie en réponse aux tirs de mortiers qui ont causé la mort d’une famille de cinq personnes a provoqué la convocation urgente du parlement turque. Après un débat rapide il a délibéré en autorisant l’armée à opérer sur le sol Syrien. Le président turc, Abdullah Gull, a même mis en garde contre “le  pire des scénarii”, et le Premier ministre, Tayyip Erdogan, a enchéri: “Nous nous rapprochons de la guerre”!

La puissance turque jette donc son ombre sur les pays arabes, et en premier chef sur son voisin syrien. La réaction de Damas ne s’est pas fait attendre, le ministre syrien de l’Information a exprimé les préoccupations historiques des Arabes à l’égard de la Turquie, et a affirmé que les Turcs visent à contrôler le monde arabe en nommant des dirigeants fantoches. Il a protesté contre l’insolence turque en déclarant: “la Turquie n’est pas l’empire ottoman”.

Dans ce contexte, il convient de noter que les Irakiens aussi ressentent un renforcement turc dans la région et de ce fait le gouvernement à Bagdad a décidé d’annuler les accords avec la Turquie, signés il y a une quinzaine d’années, lui permettant d’installer des troupes sur le sol irakien. Dans un article paru le 2 octobre dernier, le New York Times révèle que le général Kassem Suleimani, commandant de la force al-Qouds au sein des Gardiens de la Révolution est en fait  le principal acteur iranien ayant une influence considérable sur la politique intérieure en Irak, et c’est bien lui qui dirige le transfert de l’aide militaire au régime d’Assad.

Dans la même veine, le Gardian rapporte qu’un homme politique irakien avait déjà transmis en 2008 un message au général américain David Petraeus. Dans cette missive publiée par le journal britannique    nous pouvons lire: “Général Petraeus, vous devez le savoir que c’est bien moi, Kassem Suleimani, qui  dirige la politique iranienne en Irak, au Liban, à Gaza et en Afghanistan”. Ces propos ont été confirmés partiellement par l’agence de presse iranienne ISNA se référant à un des discours de Suleimani qui disait :”toutes ces régions sont d’une manière ou d’une autre sous contrôle de la république islamique iranienne et suivent son idéologie”. Téhéran a aussi avoué pour la première fois que des activistes de la force al-Qouds ont été déployés au Liban et en Syrie.

Depuis la Deuxième Guerre mondiale, intellectuels et hommes politiques dans le monde arabe avaient expliqué que le manque de progrès  dans leurs pays est dû à la présence “de l’impérialisme occidental”, et Ils rappelaient que Napoléon avait envahie l’Egypte déjà en 1798. Ils oublient de constater que la France a bien quitté l’Algérie en 1962, et que la Grande Bretagne s’est retirée définitivement de Suez, et qu’en fait, les seules forces occidentales existantes dans la région sont américaines, et mêmes ces dernières sont sur le point de se retirer.

Cependant, le monde arabe qui souhaite vivement prendre en main son propre destin se trouve face à un nouveau défi en raison de l’implication croissante de l’Iran et de la Turquie, deux puissances qui ont régné dans la région avant que l’armée de Napoléon ait débarqué sur la côte égyptienne.

Le ministre turc des Affaires étrangères n’avait-il pas déclaré en octobre 2009 à Sarajevo que “les Balkans, le Caucase, et le Moyen- Orient se “portaient mieux” à l’époque ottomane”… en ajoutant que  “la Turquie est en train de revenir”… et elle peut jouer un rôle plus actif pour résoudre les conflits dans la région.

Les manigances iraniennes au Moyen-Orient ont été dévoilées au grand jour dans l’implication croissante de Téhéran en Irak, au Liban, à Gaza, lors du soulèvement chiite de Bahreïn, au moment de la révolte   au Yémen et par le soutien au régime d’Assad pour réprimer  la rébellion sunnite.

L’Arabie saoudite avait bien compris que la guerre des Etats-Unis contre le régime de Saddam Hussein en Irak entraînerait une influence iranienne dans ce pays. Le roi Abdallah estime aujourd’hui que le retrait de l’Occident du Moyen-Orient pourrait entraîner le retour de l’empire iranien en version moderne.

Dans ce contexte régional, il est clair que Téhéran et Ankara détournent leurs véritables intentions hégémoniques en poursuivant leur lutte contre l’Etat juif.  De ce fait, nous devons agir avec sagesse pour utiliser des intérêts communs parmi les enjeux régionaux et ainsi  faire face aux conséquences de la nouvelle donne géopolitique.