L’antisionisme est un nouvel antisémitisme

Pour le célèbre pasteur américain Martin Luther King, « quand des gens critiquent le sionisme, eh bien, ils pensent toujours aux Juifs ».

Le philosophe français Vladimir Jankélévitch estime que l’antisionisme est une manière politiquement correcte d’être antisémite, « au nom de la démocratie » : « L’antisionisme est une incroyable aubaine car il nous donne la permission – et même le droit, et le devoir – d’être antisémite au nom de la démocratie ». 

Le sociologue et politologue français, Pierre-André Taguieff estime, lui, que l’accusation de racisme à l’égard du sionisme est une résurgence contemporaine des vieilles accusations antisémites. Dans son essai  la nouvelle Propagande Juive (2010), il écrit que « l’antisionisme radical est l’une des principales formes de racisme apparues depuis la fin du XXe siècle. En procédant à la nazification du sionisme, il légitime un programme raciste d’élimination d’Israël ». Or cette nouvelle propagande antijuive, poursuit-il, « n’est pas reconnue comme telle, et demeure socialement invisible. Les évidences “antisionistes” (stéréotypes, préjugés, rumeurs) se sont installées en effet dans la “doxa intellectuelle” de l’époque, ce qui les protège de la critique ».

Le 7 mars 2016, lors du diner annuel du CRIF, le Premier ministre, Manuel Valls, a assimilé l’antisionisme à l’antisémitisme. En dépit de la controverse suscitée par ses propos en France, nous pensons que le Premier ministre français a bien raison, comme nous l’explique l’ancien général de Brigade, Yossi Kuperwasser, expert au JCPA-CAPE sur l’incitation arabe à la haine de l’Etat juif. 

En 2010, le Département d’Etat américain a défini ainsi l’antisémitisme : « c’est une certaine perception des Juifs. Elle peut être exprimée par la haine envers les Juifs, par des manifestations rhétoriques et physiques vers des individus juifs ou non-juifs et/ou contre leurs biens, envers les institutions communautaires et les institutions religieuses juives ». Cette définition est similaire à celle du Centre de l’Observatoire européen contre le racisme et la xénophobie.

Dans son rapport, le Département d’Etat américain donne plusieurs exemples qui concernent l’antisémitisme, certains sont employés aussi par les antisionistes :

  1. Appeler à contribuer, aider, ou justifier de tuer ou de blesser des Juifs (souvent au nom d’une idéologie radicale ou une vue extrême de la religion) ;
  2. Mentir, déshumaniser, diaboliser, ou véhiculer des allégations stéréotypées sur les Juifs en tant que tels ou contre leur soi-disant pouvoir, propager le mythe d’une conspiration juive mondiale dont les Juifs contrôlent les médias, l’Economie, des gouvernements ou d’autres institutions de la société ;
  3. Accuser les Juifs en tant que peuple responsable des méfaits réels ou imaginaires commis par une personne juive ou par un groupe, tel l’Etat d’Israël, ou même pour des actes commis par des non-Juifs ;
  4. Accuser les Juifs en tant que peuple, ou Israël comme Etat, d’avoir inventé ou exagérer sur les victimes de l’Holocauste ;
  5. Accuser les citoyens juifs d’être plus loyaux envers Israël que de sauvegarder l’intérêt de leurs propres nations.

Le Département d’Etat clarifie comment l’antisémitisme se manifeste par rapport à Israël et agit comme antisionisme :

1. Diabolisation d’Israël :

  1. En utilisant des symboles et des images associés à l’antisémitisme classique pour caractériser Israël ou les Israéliens ;
  2. En comparant la politique israélienne contemporaine à celle des nazis ;
  3. En blâmant Israël pour toutes les tensions interreligieuses ou politiques.

2. En employant un double standard pour Israël :

  1. L’application de normes spécifiques pour Israël en exigeant une conduite non exigée de toute autre nation démocratique ;
  2. Les organisations multilatérales installées uniquement en Israël pour établir des enquêtes sur le processus de paix ou sur les droits de l’Homme.

3. Délégitimer Israël : Nier au peuple juif le droit à l’autodétermination, et nier à Israël le droit d’exister.

Ceci dit, le Département d’Etat américain précise, à juste titre, que la critique d’Israël est semblable à celle portée contre tout autre pays et ne peut être considérée comme antisémite.

Cette corrélation est justifiée dans les conclusions du rapport sur les collèges et universités américaines. Ce rapport dévoile :

  1. Une forte corrélation entre les groupes d’étudiants antisionistes, tel que Students for Justice in Palestine (SJP) et l’antisémitisme ;
  2. Une forte corrélation entre la présence de professeurs exprimant publiquement leur soutien à un boycott universitaire d’Israël et l’antisémitisme ;
  3. Les activités du BDS sont fortement corrélées avec les actes antisémites ;
  4. La présence dans les campus du SJP, de boycotteurs du corps professoral, et du BDS véhiculent l’antisémitisme ;
  5. L’impact de l’antisionisme est inséparable et omniprésent dans les esprits de l’antisémitisme contemporain.

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Les Palestiniens souhaitent une bonne année 2016 avec une caricature antisémite

En fait, la délégitimation d’Israël représente deux idées convergentes. La première est une manifestation moderne de l’antisémitisme. Cette attitude est justifiée par l’argumentation nationale affirmant que les Juifs devraient être traités différemment de toutes les autres nations et que leur Etat représente le Mal, en raison de l’injustice dans sa création même, et donc son existence est injustifiée et illégitime.

La deuxième idée est celle de l’effort continu des Palestiniens à parvenir à la fin du sionisme. Alors que dans le passé ils ont été soutenus uniquement par le monde arabe, au cours de ces dernières années, son importance relative et sa visibilité ont grandi dans la mesure où le débat qui les concerne gagne du terrain dans les milieux universitaires, diplomatiques et au sein du grand public.

Dans ce contexte, l’effort palestinien pour délégitimer le sionisme et Israël est basé sur des piliers idéologiques de l’identité palestinienne, inculquée dans l’esprit du peuple palestinien par son leadership, dont certains sont en eux-mêmes dérivés de l’antisémitisme dans sa forme classique. Chaque Palestinien doit croire que le sionisme est une injustice parce que :

1. Les Juifs ne sont pas un peuple ou une nation, mais représentent seulement une religion. De ce fait, ils n’ont pas droit à l’autodétermination nationale dans leur propre Etat-nation. (contrairement aux Palestiniens qui forment un peuple méritant un Etat) ;

2. Les Juifs ne possèdent pas une Histoire nationale ou souveraine sur la terre d’Israël\Palestine, et donc leurs efforts pour justifier leur revendication à un État-nation et de reconstituer un foyer national juif (comme indiqué dans le mandat donné à la Grande-Bretagne par la Société des Nations en 1922) est faux et sans fondement. La Palestine dans son intégralité est la seule terre des Palestiniens.Bien entendu, les Palestiniens insistent dans ce contexte pour nier l’existence non seulement des royaumes juifs, mais aussi du Temple juif sur le Mont du Temple en l’appelant « le présumé Temple » ;

3. Les Juifs en général, les Sionistes en particulier, et surtout les colons, ne sont que de « terribles créatures ».Ils sont par nature – comme le décrit d’ailleurs le stéréotype classique des Juifs dans l’antisémitisme européen – avides, cruels, isolationnistes, pratiquant la ruse, luttant pour la domination du monde, et sont responsables de tous les maux de la planète. En outre, comme l’indiquent certaines traditions islamiques, ils doivent être considérés comme les descendants des singes et des porcs et des gens répugnants qui refusent de comprendre et d’accepter le message divin de l’Islam. Ces caractéristiques ont encouragé les Européens à se débarrasser des Juifs et elles justifient l’intransigeance palestinienne à accepter les Juifs imposés par l’Occident colonial ;

4. La lutte contre le sionisme est à la fois nationale et religieuse.Nationale dans le sens où le peuple palestinien a droit à toute la Palestine, sa patrie. Religieuse, car la Palestine faisait partie des premières conquêtes de l’Islam et elle est devenue le foyer de l’Islam (Dar el-Islam) et, en tant que telle, selon certaines interprétations religieuses, elle ne peut être gouvernée par un non-musulman. C’est ainsi que tous ceux qui meurent pour la libération de la Palestine sont des Chahids : des martyrs dans le sens religieux du terme. Depuis qu’Israël est considéré comme tête de pont de la culture occidentale au sein du Moyen-Orient musulman, la bataille contre son existence se justifie également pour pouvoir protéger l’Islam de la domination occidentale.

Dans ce contexte, il existe aussi trois autres éléments impératifs :

1. Un Palestinien doit constamment lutter contre lesionisme et toutes ses formes de lutte sont légitimes (les Palestiniens utilisent le terme mukawama ou résistance). La préférence des diverses luttes doit être fondée sur un examen du coût et des avantages. La délégitimation, y compris le BDS, est l’une des formes de lutte recommandées à ce stade par toutes les factions palestiniennes. L’Autorité palestinienne recommande l’activité diplomatique unilatérale et une « résistance populaire » (un terme qui fait référence à des activités violentes ne nécessitant pas l’utilisation d’armes à feu ou d’explosifs, tels que les couteaux, les  cocktails Molotov et les pierres), tandis que le Hamas recommande toutes les formes de terrorisme ;

2. Les Palestiniens doivent se considérer comme des victimes. Il s’agit pour eux d’un produit de l’Occident colonialiste, légitimant la création de l’Etat d’Israël, et du sionisme, qui est également responsable de la création du problème des réfugiés et l’occupation depuis 48 et 67. En se présentant comme victimes, les Palestiniens n’ont pas à rendre des comptes ni être responsables de leurs activités. La Shoah des Juifs en Europe, qui a été délibérément exagérée selon les Palestiniens, car promue et exploitée par les Sionistes, ne justifie pas l’injustice commise à la victime palestinienne ;

3. Les Palestiniens doivent toujours être engagés pour libérer l’ensemble de la Palestine, même si le but n’est pas réaliste, et s’il sera difficile de gouverner toute la Palestine de sitôt.Cet engagement est sans faille et toute tentative de le minimiser est une trahison et une justification de la narration sioniste.

cartoon négationniste

C’est un Français qui a remporté en 2016 le concours iranien de caricature de la Shoah

Les Palestiniens opèrent dans plusieurs domaines et les luttes du Hamas sont complémentaires et parallèles. D’une part, le Hamas, dont la charte est chargée de messages antisémites extrêmes, coopère avec la gauche ultra-radicale, appelée « l’alliance rouge-verte » qui favorise un discours de délégitimation anticolonialiste et antioccidental. Par ailleurs, les mouvements palestiniens laïques et nationaux soutenus par l’OLP et l’Autorité palestinienne ont pour but de promouvoir, de concert avec les libéraux radicaux en Occident, dont de nombreuses ONG, un discours de délégitimation basé sur la logique des droits de l’Homme.

En conclusion, l’antisémitisme et l’antisionisme sont fondamentalement « la même idée revêtue d’une robe différente ». Leur motivation commune est une haine viscérale à l’égard des Juifs, avec pour objectif de les priver des droits élémentaires attribués à chaque peuple ou êtres humains. Les arguments et les méthodes utilisées sont similaires. Certes, le discours utilisé par les antisionistes est différent, basé sur l’antinationalisme et l’anticolonialisme, ainsi que des arguments des droits de l’Homme, mais les outils qu’ils utilisent sont sophistiqués et véhiculés par des institutions internationales, ONG, BDS, réseaux sociaux, etc.

Alors que dans le passé l’antisémitisme venait principalement de l’extrême-droite, l’antisionisme est aujourd’hui promu principalement par la gauche ultra-radicale et des groupes libéraux radicaux, et bénéficie du soutien de Juifs ultra-radicaux, bien qu’ils s’opposent bien entendu à l’antisémitisme classique.

Soulignons que la lutte contre l’antisionisme est menée par l’ensemble du peuple juif et qu’elle est soutenue par de nombreux dirigeants occidentaux. Ces derniers sont capables de poursuivre cette lutte principalement grâce à Israël, seul Etat-nation du peuple juif.

Yossi Kuperwasser

Cet article a été publié par l’Institut de Recherche sur l’antisémitisme global

 


Pour citer cet article :

Yossi Kuperwasser, « L’antisioniste est un nouvel antisémitisme», Le CAPE de Jérusalem : https://jcpa-lecape.org/antisionisme-est-un-nouvel-antisemitisme/


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