Yuval Neeman – La vision scientifique
« La science mesure et calcule, en vue de prévoir et d’agir. » Henri Bergson
Le jeune Etat juif doit résoudre les problèmes quotidiens de défense et d’intégration dans l’immédiat, mais doit aussi penser à l’avenir, explorer toutes les possibilités scientifiques et technologiques et donner une impulsion nouvelle à la recherche, afin de pouvoir maîtriser le nouveau potentiel, à l’ère moderne.
Face à un environnement hostile et dangereux et à un manque de ressources naturelles, l’Etat d’Israël se trouve dans l’obligation ne plus dépendre de l’aide extérieure. Il se doit créer, lui-même, ses propres entreprises et infrastructures, vitales pour son existence et son avenir. Ainsi, les meilleurs cerveaux sont mobilisés, des chercheurs prestigieux s’activant dans plusieurs domaines : aéronautique, électronique, agriculture, physique, biologie, chimie et nucléaire.
Des savants de renommée mondiale, tels le premier président de l’Etat, Haim Weizman, Albert Einstein, Ernest Bergman et bien d’autres, Israéliens et Juifs, commencent à étudier leurs plans et élaborent des projets audacieux. L’édification de l’Institut Weizman à Rehovot et la construction de deux centrales nucléaires à Dimona et Nahal Sorek, sont des initiatives prodigieuses. Elles contribueront, avec d’autres entreprises, à renforcer la recherche scientifique et offriront à Israël une capacité technologique et dissuasive, semblable aux pays occidentaux les plus avancés.
L’un des pionniers dans ce domaine est le brillant homme de science Yuval Neeman.
Né le 14 mai 1925 en Palestine, est le fils de l’un des fondateurs de Tel-Aviv. Yuval étudie au lycée Herzlia dont il sort bachelier à l’âge de 15 ans. Quatre ans plus tard, il est déjà diplômé du Technion de Haïfa.
Petit de taille, myope et sensible, il a des difficultés à se mobiliser dans les rangs de la Haganah, et ses camarades de régiment le taquinent et se moquent de lui. On le surnomme « le professeur»…
Le jeune Yuval, grand patriote, s’impose, déterminé à combattre pour l’indépendance de son pays. Il réussit toutes les épreuves et durant la guerre de 1948 contre les armées arabes, il dirige les opérations au sein de la brigade Guivati.
Après les accords d’armistice, Neeman est l’un des premiers officiers israéliens à étudier à l’école militaire française. Dès son retour de Paris, il est promu lieutenant colonel et chargé du département de la planification de l’armée israélienne, qui vient d’être fondé de toutes pièces. Il met sur pied « la doctrine de défense » de Tsahal, initiée par Ben Gourion et Moshé Dayan. Neeman insiste sur le fondement de la « guerre préventive » et sur « l’attaque surprise » en territoire ennemi. Il crée de nouveaux systèmes de mobilisation des troupes réservistes et jette les bases d’une armée moderne, mobile et efficace, en donnant la priorité à l’aspect humain et aux renseignements militaires.
Il bricole toutes sortes d’inventions, dont des ordinateurs, des micros sensibles et un équipement photographique pour les petits avions Piper de reconnaissance. Avant la guerre des Six Jours, j’ai eu le privilège et la sensation de voler, à plusieurs reprises, dans l’un de ces avions, et à 15 000 pieds, j’ai pu photographier les bases syriennes sur le plateau du Golan. Images impressionnantes mais terrifiantes.
En 1954, Neeman est numéro deux des services de renseignements de l’armée, l’Aman. Il est parmi les architectes de l’opération Kadesh de 1956, et collabore étroitement à la planification des combats dans le Sinaï avec les officiers français et britanniques. Après la guerre et le retrait des forces israéliennes de la péninsule du Sinaï et de la bande de Gaza, Neeman part à Londres comme attaché militaire, ainsi que pour poursuivre ses études en physique et mathématiques à l’Imperial Collège. Il retourne en Israël avec un diplôme de doctorat sous le bras.
En 1961, Neeman quitte l’uniforme de l’armée pour approfondir ses recherches scientifiques.
Il fonde à l’université de Tel-Aviv l’école de physique et d’astronomie et plus tard sera président de cette prestigieuse université.
Membre permanent de la Commission de l’énergie atomique israélienne, il influence, sans aucune prétention, plusieurs projets.
Sa contribution en matière de physique est hautement appréciée dans le monde, et en 1969, il reçoit « la médaille Albert Einstein » pour ses importants travaux. D’autres distinctions et diplômes lui sont attribués au fil des ans, entre autres, dans la recherche des corps fissibles.
Neeman, qui cache toujours avec modestie son savoir et son génie, est également pionnier dans la recherche de l’espace, et il fonde en 1983 la première agence spatiale israélienne.
Depuis le premier satellite, Shavit, envoyé dans l’espace, le 5 juin 1961, Israël a fait d’énormes progrès et Neeman a travaillé d’arrache-pied dans ce domaine aussi ; il a apporté les fonds nécessaires et surtout son savoir faire. Il contribue à former des astronautes et participe aux travaux de la Nasa américaine et au projet européen Ariane.
En 1975, Neeman est nommé conseiller scientifique auprès du ministre de la Défense, mais démissionne après le retrait d’Israël des puits de pétrole d’Abou Rodes, dans le Sinaï.
Après la victoire du Likoud en mai 1977, il suggère à Begin un projet grandiose : la liaison des eaux de la Méditerranée à celles de la Mer Morte par la construction d’un canal. On pourra ainsi créer des centrales nucléaires pour la production de l’électricité. Begin est enthousiaste, mais pour des motifs budgétaires et en raison d’un refus catégorique des Jordaniens, le projet n’a pas été réalisé.
En 1979, j’ai eu le privilège de travailler étroitement avec lui pour contrecarrer le projet français de fournir une centrale nucléaire à Saddam Hussein. Neeman, qui connaissait parfaitement la France et qui parlait un français châtié, était bien informé sur la capacité irakienne. Il fut révolté par l’attitude du président Giscard d’Estaing sur ce sujet et stupéfait de le voir garder un mutisme complet sur une affaire si sensible. Nous avons consulté des chercheurs français du CNRS et de la CEA, ainsi que le Prix Nobel 1966 de physique, Alfred Kastler. Nous sommes allés voir l’un des pères de la bombe atomique française, Francis Perrin. Ce savant de renommée universelle, nommé par le général de Gaulle à la direction du CEA, lança un cri d’alarme en nous disait clairement :
« Vous avez parfaitement raison d’agir aujourd’hui. On peut penser que d’ici quelques années, l’Irak, ayant préparé du plutonium avec le réacteur français, dira : « Maintenant je romps mes engagements pour faire des bombes atomiques ». C’est ce qu’a fait l’Inde… C’est une question de prestige pour ce pays arabe. J’estime qu’il n’est pas raisonnable que l’on garde le secret autour de ce traité, car cela ne peut que provoquer des suspicions internationales et ce n’est pas sain.»
Le 16 janvier 1981, nous sommes invités à un colloque sur « La Science et le Désarmement » organisé par l’IFRI à Paris. Neeman soulève le sujet de la bombe irakienne. Il est stupéfait devant l’opinion unanime de ses collègues, qui estiment que cette centrale est vouée à des fins honnêtes et pacifiques. Il est révolté que des savants aussi respectables et responsables puissent proférer avec désinvolture de telles énormités. L’un d’eux, Pierre Mayer, inspecteur général des Finances, poussera même l’outrecuidance jusqu’à lui écrire une lettre incroyable : « Je pense que vous ne devez qu’à la courtoisie des organisateurs de cette manifestation internationale de n’avoir pas été rappelé au respect des règles élémentaires de bienséance qui s’imposent à tous ceux qui jouissent du privilège d’y être invités.»
Il est clair que les démarches de Neeman à Paris et ses interventions musclées auprès du gouvernement israélien ont influencé Menahem Begin à prendre la décision de détruire la centrale française à Bagdad.
Yuval Neeman est « un véritable faucon » en politique et ses opinions concernant la solution du conflit israélo arabe sont intransigeantes. Lors de la campagne électorale pour la dixième Knesset, il décide de former un parti, l’ Hateyia, (Renaissance) avec la passionara Guéula Cohen. Ils obtiendront trois sièges au parlement et se joindront à la coalition de droite. En juillet 1982, Begin nomme Neeman, ministre des Sciences et du Développement technologique.
Un portefeuille sur mesure qu’il gardera scrupuleusement durant une dizaine d’années.
Yuval Neeman est avant tout un savant, un physicien : il n’a pas du tout, l’épiderme d’un homme politique. Il maintient, certes, ses opinions intransigeantes et participait aux débats à la Knesset mais n’est pas orfèvre de la polémique houleuse. Il est parfois coléreux mais toujours poli et gentleman. Il haït les calomnies et les intrigues politiciennes. Ses propos et ses messages ont toujours été clairs et logiques et toujours dans l’intérêt de l’Etat.
Le 26 avril 2006, à l’âge de 81 ans, il s’éteint. Ses recherches, ses projets et ses lumières scientifiques sont un grand héritage qu’il lègue à l’Etat d’Israël.
Face à un environnement hostile et dangereux et à un manque de ressources naturelles, l’Etat d’Israël se trouve dans l’obligation ne plus dépendre de l’aide extérieure. Il se doit créer, lui-même, ses propres entreprises et infrastructures, vitales pour son existence et son avenir. Ainsi, les meilleurs cerveaux sont mobilisés, des chercheurs prestigieux s’activant dans plusieurs domaines : aéronautique, électronique, agriculture, physique, biologie, chimie et nucléaire.
Des savants de renommée mondiale, tels le premier président de l’Etat, Haim Weizman, Albert Einstein, Ernest Bergman et bien d’autres, Israéliens et Juifs, commencent à étudier leurs plans et élaborent des projets audacieux. L’édification de l’Institut Weizman à Rehovot et la construction de deux centrales nucléaires à Dimona et Nahal Sorek, sont des initiatives prodigieuses. Elles contribueront, avec d’autres entreprises, à renforcer la recherche scientifique et offriront à Israël une capacité technologique et dissuasive, semblable aux pays occidentaux les plus avancés.
L’un des pionniers dans ce domaine est le brillant homme de science Yuval Neeman.
Né le 14 mai 1925 en Palestine, est le fils de l’un des fondateurs de Tel-Aviv. Yuval étudie au lycée Herzlia dont il sort bachelier à l’âge de 15 ans. Quatre ans plus tard, il est déjà diplômé du Technion de Haïfa.
Petit de taille, myope et sensible, il a des difficultés à se mobiliser dans les rangs de la Haganah, et ses camarades de régiment le taquinent et se moquent de lui. On le surnomme « le professeur»…
Le jeune Yuval, grand patriote, s’impose, déterminé à combattre pour l’indépendance de son pays. Il réussit toutes les épreuves et durant la guerre de 1948 contre les armées arabes, il dirige les opérations au sein de la brigade Guivati.
Après les accords d’armistice, Neeman est l’un des premiers officiers israéliens à étudier à l’école militaire française. Dès son retour de Paris, il est promu lieutenant colonel et chargé du département de la planification de l’armée israélienne, qui vient d’être fondé de toutes pièces. Il met sur pied « la doctrine de défense » de Tsahal, initiée par Ben Gourion et Moshé Dayan. Neeman insiste sur le fondement de la « guerre préventive » et sur « l’attaque surprise » en territoire ennemi. Il crée de nouveaux systèmes de mobilisation des troupes réservistes et jette les bases d’une armée moderne, mobile et efficace, en donnant la priorité à l’aspect humain et aux renseignements militaires.
Il bricole toutes sortes d’inventions, dont des ordinateurs, des micros sensibles et un équipement photographique pour les petits avions Piper de reconnaissance. Avant la guerre des Six Jours, j’ai eu le privilège et la sensation de voler, à plusieurs reprises, dans l’un de ces avions, et à 15 000 pieds, j’ai pu photographier les bases syriennes sur le plateau du Golan. Images impressionnantes mais terrifiantes.
En 1954, Neeman est numéro deux des services de renseignements de l’armée, l’Aman. Il est parmi les architectes de l’opération Kadesh de 1956, et collabore étroitement à la planification des combats dans le Sinaï avec les officiers français et britanniques. Après la guerre et le retrait des forces israéliennes de la péninsule du Sinaï et de la bande de Gaza, Neeman part à Londres comme attaché militaire, ainsi que pour poursuivre ses études en physique et mathématiques à l’Imperial Collège. Il retourne en Israël avec un diplôme de doctorat sous le bras.
En 1961, Neeman quitte l’uniforme de l’armée pour approfondir ses recherches scientifiques.
Il fonde à l’université de Tel-Aviv l’école de physique et d’astronomie et plus tard sera président de cette prestigieuse université.
Membre permanent de la Commission de l’énergie atomique israélienne, il influence, sans aucune prétention, plusieurs projets.
Sa contribution en matière de physique est hautement appréciée dans le monde, et en 1969, il reçoit « la médaille Albert Einstein » pour ses importants travaux. D’autres distinctions et diplômes lui sont attribués au fil des ans, entre autres, dans la recherche des corps fissibles.
Neeman, qui cache toujours avec modestie son savoir et son génie, est également pionnier dans la recherche de l’espace, et il fonde en 1983 la première agence spatiale israélienne.
Depuis le premier satellite, Shavit, envoyé dans l’espace, le 5 juin 1961, Israël a fait d’énormes progrès et Neeman a travaillé d’arrache-pied dans ce domaine aussi ; il a apporté les fonds nécessaires et surtout son savoir faire. Il contribue à former des astronautes et participe aux travaux de la Nasa américaine et au projet européen Ariane.
En 1975, Neeman est nommé conseiller scientifique auprès du ministre de la Défense, mais démissionne après le retrait d’Israël des puits de pétrole d’Abou Rodes, dans le Sinaï.
Après la victoire du Likoud en mai 1977, il suggère à Begin un projet grandiose : la liaison des eaux de la Méditerranée à celles de la Mer Morte par la construction d’un canal. On pourra ainsi créer des centrales nucléaires pour la production de l’électricité. Begin est enthousiaste, mais pour des motifs budgétaires et en raison d’un refus catégorique des Jordaniens, le projet n’a pas été réalisé.
En 1979, j’ai eu le privilège de travailler étroitement avec lui pour contrecarrer le projet français de fournir une centrale nucléaire à Saddam Hussein. Neeman, qui connaissait parfaitement la France et qui parlait un français châtié, était bien informé sur la capacité irakienne. Il fut révolté par l’attitude du président Giscard d’Estaing sur ce sujet et stupéfait de le voir garder un mutisme complet sur une affaire si sensible. Nous avons consulté des chercheurs français du CNRS et de la CEA, ainsi que le Prix Nobel 1966 de physique, Alfred Kastler. Nous sommes allés voir l’un des pères de la bombe atomique française, Francis Perrin. Ce savant de renommée universelle, nommé par le général de Gaulle à la direction du CEA, lança un cri d’alarme en nous disait clairement :
« Vous avez parfaitement raison d’agir aujourd’hui. On peut penser que d’ici quelques années, l’Irak, ayant préparé du plutonium avec le réacteur français, dira : « Maintenant je romps mes engagements pour faire des bombes atomiques ». C’est ce qu’a fait l’Inde… C’est une question de prestige pour ce pays arabe. J’estime qu’il n’est pas raisonnable que l’on garde le secret autour de ce traité, car cela ne peut que provoquer des suspicions internationales et ce n’est pas sain.»
Le 16 janvier 1981, nous sommes invités à un colloque sur « La Science et le Désarmement » organisé par l’IFRI à Paris. Neeman soulève le sujet de la bombe irakienne. Il est stupéfait devant l’opinion unanime de ses collègues, qui estiment que cette centrale est vouée à des fins honnêtes et pacifiques. Il est révolté que des savants aussi respectables et responsables puissent proférer avec désinvolture de telles énormités. L’un d’eux, Pierre Mayer, inspecteur général des Finances, poussera même l’outrecuidance jusqu’à lui écrire une lettre incroyable : « Je pense que vous ne devez qu’à la courtoisie des organisateurs de cette manifestation internationale de n’avoir pas été rappelé au respect des règles élémentaires de bienséance qui s’imposent à tous ceux qui jouissent du privilège d’y être invités.»
Il est clair que les démarches de Neeman à Paris et ses interventions musclées auprès du gouvernement israélien ont influencé Menahem Begin à prendre la décision de détruire la centrale française à Bagdad.
Yuval Neeman est « un véritable faucon » en politique et ses opinions concernant la solution du conflit israélo arabe sont intransigeantes. Lors de la campagne électorale pour la dixième Knesset, il décide de former un parti, l’ Hateyia, (Renaissance) avec la passionara Guéula Cohen. Ils obtiendront trois sièges au parlement et se joindront à la coalition de droite. En juillet 1982, Begin nomme Neeman, ministre des Sciences et du Développement technologique.
Un portefeuille sur mesure qu’il gardera scrupuleusement durant une dizaine d’années.
Yuval Neeman est avant tout un savant, un physicien : il n’a pas du tout, l’épiderme d’un homme politique. Il maintient, certes, ses opinions intransigeantes et participait aux débats à la Knesset mais n’est pas orfèvre de la polémique houleuse. Il est parfois coléreux mais toujours poli et gentleman. Il haït les calomnies et les intrigues politiciennes. Ses propos et ses messages ont toujours été clairs et logiques et toujours dans l’intérêt de l’Etat.
Le 26 avril 2006, à l’âge de 81 ans, il s’éteint. Ses recherches, ses projets et ses lumières scientifiques sont un grand héritage qu’il lègue à l’Etat d’Israël.
Extraits du livre de Freddy Eytan “les 18 qui ont fait Israel” paru en novembre 2007 aux éditions Alphée- Jean-Paul Bertrand.