Vers la reconnaissance de Jérusalem par la France?

Élu depuis bientôt deux ans et demi, quand le Président de la République se rendra-t-il en Israël ?

Doit-il aller à Jérusalem alors que pour la France sa capitale est Tel Aviv? 

Ce n’est pas l’intention qui l’en a privé. À deux reprises déjà, il a été contraint de repousser son projet.

Des événements politiques majeurs viendront encore le contrarier. Le 17 septembre, la Knesset sera à nouveau renouvelée.

En France, cette période verra les candidats aux municipales de mars prochain intensifier la bataille électorale.

Conscient des difficultés prévisibles, le plan de partage adopté à l’ONU le 29 novembre 1947 prévoyait pour Jérusalem un statut spécial sous administration internationale.

Charles de Gaulle avait bien compris où menait la guerre lancée par les Arabes et gagnée par les Israéliens. Dès le 17 novembre 1948 il se disait « fort étonné qu’en définitive Jérusalem ne fît pas partie de leur État (voir en annexe les documents sur la France et le Quai d’Orsay présentés par l’ambassadeur Alain Pierret)

Aussi, lorsque l’Union européenne adopta le 13 juin 1980 avec le fort soutien de la France la déclaration de Venise sur la « reconnaissance légitime des droits du peuple palestinien », les Israéliens ripostèrent par une Loi fondamentale confirmant Jérusalem « capitale éternelle et indivisible » de leur État.

Emmanuel Macron a rencontré Benjamin Nétanyahou à Paris mais toujours repoussé sa visite en Israël (GPO)

Ironie constitutionnelle, notre État laïc soutient la revendication religieuse des Palestiniens pour qui Jérusalem est le troisième lieu saint de l’islam. Ni La Mecque ni Médine n’ont bénéficié de cette faveur en Arabie saoudite.

Les Israéliens peuvent avancer que la cité fut leur centre politique pendant plusieurs siècles, ce dont les Arabes ne sauraient se prévaloir. Ils ne doivent pas continuer de s’illusionner, Jérusalem ne sera pas pour eux.

De ce fait, notre pays parait bien mal placé pour offrir une solution aux grands problèmes du conflit israélo-palestinien que sont Jérusalem, la souveraineté territoriale, le retour des exilés. Il a trop souvent adopté des positions qui ne lui ont pas permis de suivre la ligne équilibrée indispensable aux négociations. Ainsi d’Abou Gosh, propriété nationale de la France en territoire israélien non contesté mais confiée à la responsabilité de notre consulat général à Jérusalem.

Le beurre et l’argent du beurre

De même que les Israéliens ne peuvent, ne doivent, à la fois tenir Jérusalem et occuper progressivement les territoires promis à la souveraineté des Palestiniens, ceux-ci n’obtiendront pas un État avec Jérusalem pour capitale. S’ils ont certes droit à un centre politique, pourquoi pas Hébron, leur ville principale où se trouve un autre lieu saint, le tombeau des Patriarches ? C’est là que repose Abraham-Ibrahim, père d’Ismaël, l’ancêtre des Arabes.

De Gaulle parlait de l'”ami et allié” Israël (avec Ben Gourion à l’Elysée en 1960, Fritz Cohen/GPO)

Nakba, la catastrophe, n’a cependant rien à voir avec la Shoah

Sous la pression des forces armées israéliennes qu’ils avaient provoquées, mais aussi comme résultat de la confiance affirmée par les pays arabes de bientôt les reprendre, quelque 700 000 Palestiniens quittèrent leurs terres. Au printemps 2018, nos médias se sont gardés de mettre en parallèle les manifestations à Gaza avec le départ forcé de pays arabes de 800 000 Juifs dans les premières années du jeune État.

Les dirigeants français ont souvent adopté des positions qui ne pouvaient que leur valoir antipathie, voire colère, du côté israélien. Ainsi, le Quai d’Orsay ne voyait pas d’obstacle à la réception d’Arafat à l’Élysée le 2 mai 1989, jour de la commémoration de la Shoah.

Lancé en décembre 1985 par le président Mitterrand, le principe d’une conférence internationale finit par exaspérer les autorités israéliennes. Shimon Pérès me confia qu’il avait accepté ce projet en sa qualité de camarade de l’Internationale socialiste. Pour Yitzhak Rabin, « l’Europe était hors-jeu ». Quant à Shamir, il déclara que « si la France veut être à la table des négociations, alors nous ferons en sorte qu’elle n’y soit jamais. » Elle n’occupa à Madrid qu’un strapontin dans une délégation européenne seulement observatrice.

Après l’occupation du Koweït par l’Irak, Dumas, Mauroy, Cheysson et d’autres responsables politiques défilèrent à Tunis pour rencontrer Arafat qui se disait « dans la tranchée avec Saddam Hussein ». À Jérusalem le 14 janvier 1991, Elie Wiesel jugea sans détour cette attitude : « Déjà coupable d’avoir armé l’Irak, la France a cherché à le sauver ». Le lendemain, le président Mitterrand fit présenter à l’ONU un projet de résolution offrant à l’Irak une « garantie de non-agression » contre son « intention » de se retirer du Koweït.

Jacques Chirac fit un esclandre à Jérusalem en ocrobre 1996 (photo Avi Ohayon/GPO)

D’autres prises de position ont depuis contribué au maintien de nos désaccords :

  • Jacques Chirac visite la vieille ville de Jérusalem le 22 octobre 1996 en compagnie de Leïla Shahid, représentante de l’OLP à Paris ;
  • ministre des Affaires étrangères à la veille de rejoindre le Conseil constitutionnel, Laurent Fabius annonce fin janvier 2016 un nouveau projet de conférence internationale promettant aux Palestiniens la reconnaissance de leur État en cas de « blocage » ;
  • sous la nouvelle autorité d’une directrice générale française, le conseil exécutif de l’Unesco adopte le 18 octobre 2016, avec notre abstention, une résolution accordant l’ensemble de l’Esplanade sainte aux seuls musulmans.

Si la France ne se résout pas à reconnaître Jérusalem comme sa capitale, Israël bénéficiant de surcroît du soutien américain, l’occupation des territoires palestiniens se poursuivra. Le principe de deux États vivant en paix ne s’éloignera plus, il disparaîtra.

Alain Pierret

 


A propos de l’auteur 

Alain Pierret a notamment été ambassadeur de France au Niger, en Israël (juillet 1986-août 1991), en Belgique et auprès du Saint-Siège. Il fut ancien directeur des Nations Unies et des Organisations internationales au Quai d’Orsay de 1983 à 1986.

 


Pour citer cet article

Alain Pierret, « Vers la reconnaissance de Jérusalem par la France? », Le CAPE de Jérusalem, publié le 2 septembre 2019: http://jcpa-lecape.org/vers-la-reconnaissance-de-jerusalem-par-la-france/

NB : Sauf mention, toutes nos illustrations sont libres de droit.

 

 

 

 

 

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