Vers la radicalisation du Liban
Le Premier ministre libanais Najib Mikati a récemment réussi à former un nouveau gouvernement dominé par le Hezbollah et ainsi met fin à une impasse plongeant le pays dans un vide de pouvoir durant plus de 5 mois.
Le Cabinet composé de trente membres est le résultat de négociations difficiles, de querelles politiques houleuses sur la place publique et les médias.
Au sein de la coalition parlementaire, le Hezbollah détient actuellement dix-huit sièges, huit de plus que dans le précédent cabinet Hariri. Mais en rompant avec la tradition, le nouveau cabinet comprend également cinq ministres shiites au lieu des six habituels, tandis que les sunnites ont obtenu un siège supplémentaire ce qui fait au total sept portefeuilles. Le Président shiite du parlement Nabih Berri a cédé son siège à la dernière minute pour pouvoir sortir de l’impasse au sein de l’ancienne opposition sunnite dirigée par Faysal Karameh, fils de l’ancien Premier ministre.
La composition du nouveau cabinet libanais montre clairement que le mouvement Libre patriotique libre de Michel Aoun émerge comme grand gagnant, avec dix portefeuilles, suivi de Mikati avec six. Le mouvement Amal de Nabil Berri a deux ministres tandis que le Hezbollah a deux portefeuilles. Ali Kanso, représentant le parti social nationaliste syrien, Baath obtient également un siège.
Nul ne doute que la domination du Hezbollah au Liban est claire bien qu’il semblait par moments au cours de ces derniers cinq mois de délibération que le Hezbollah perdait des points et s’affaiblissait. Ce nouveau cabinet illustre parfaitement l’évolution vertigineuse du Hezbollah et sa transformation d’un soi-disant corps de résistance militaire luttant contre la présence occidentale et la présence israélienne au sud Liban, pour devenir la puissance politique et militaire la plus forte du Liban.
Cette réalité soulève bien évidemment des craintes et de voir une domination absolue shiite et une radicalisation du Liban aligné avec la Syrie et l’Iran. Cela explique pourquoi le nouveau Premier ministre Mikati a tenu à rassurer le monde et les Libanais. Dans une interview accordée à l’AFP il a déclaré que « le fait que le Hezbollah et ses alliés ont eu dix huit sièges sur les 30 membres de son cabinet ne signifie pas que le pays allait joindre le camp radical en termes de ses relations avec la communauté internationale. » Mikaki s’est également empressé de réitérer que son gouvernement respectera les engagements internationaux du Liban, et à fait allusion à l’enquête du Tribunal international sur l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri. Ses conclusions pourraient être fâcheuses contre l’implication de certains agents syriens soutenus par le Hezbollah.
Néanmoins, il est clair aussi que ce gouvernement est prosyrien. Le président Assad, plongé dans une crise intérieure et existentielle pour son régime a appelé à deux reprise le président libanais Sleimane et le président du parlement Berri pour les féliciter pour leur succès dans la formation du nouveau gouvernement.
Dans ce contexte, il s’agit bien d’un retour glorieux de la Syrie sur la scène libanaise. Rappelons qu’en 2005 juste après l’assassinat de Rafic Hariri, la Syrie accusée du meurtre retira dans l’humiliation ses troupes du Liban à la suite des manifestations monstres contre Damas.
Quant à l’Iran, son influence dans la région se renforce considérablement et lui permet avec l’aide active du Hezbollah de poursuivre ses manigances afin de transformer le Liban en front de confrontation avec Israël. Naturellement, l’Iran n’a pas tardé à féliciter le Premier ministre Najib Mikati et selon l’agence officielle la République islamique de l’Iran réitère son souhait de demeurer un partenaire privilégié du Liban et de réaliser les accords signés entre les deux pays afin de renforcer les liens bilatéraux.
L’emprise du Hezbollah est sans doute un revers pour les Etats-Unis. Depuis 2006, Washington a octroyé une aide militaire de 720 millions de dollars et a tenté en vain de ramener le Liban sous l’influence occidentale et mettre fin aux interventions iraniennes et syriennes. Le porte-parole du département d’Etat Mark Toner a déclaré sur ce sujet: « nous allons juger les Libanais selon leurs actes… Ce qui est important dans notre esprit est que le gouvernement libanais respecte sa nouvelle constitution, qu’il renonce à la violence, et emploiera des efforts pour un châtiment justifié contre les anciens responsables du gouvernement, et qu’il respecte ses obligations internationales. »
Israël devrait être concerné par les changements au Liban et sa transformation en un front commun avec l’Iran. Il devrait examiner toutes les implications et sa liberté de manœuvre dans la région. La présence de l’Iran et ses manigances dans la région sont un tournant stratégique avec des conséquences désastreuses pour Israël.
Cependant, rappelons que le Liban a toujours du mal à sortir des crises politiques et économiques, sa dette publique est estimée à plus de 52 milliards de dollars.
Enfin, les mois à venir nous dirons si la radicalisation du Liban persistera où les forces d’opposition en présence agiront pour éviter la confrontation et la mise en quarantaine de cette ancienne Suisse du Proche-Orient.
Voir l’intégralité de l’article dans le site en anglais du JCPA.