Un Etat alaouite sur la côte syrienne
Tous les signes indiquent que le président syrien Bachar al-Assad est arrivé à la conclusion que seule la division de la Syrie pourra sauvegarder à long terme son régime.
D’ores et déjà, il se prépare à établir le long du littoral syrien un nouvel Etat dont la population sera composée principalement de ses compatriotes de la communauté alaouite.
Ce nouvel état sera à l’évidence sous le contrôle de l’Iran et du Hezbollah et il obtiendra le soutien diplomatique de la Russie. Bachar al-Assad va probablement continuer à assumer la présidence en évitant ainsi le grand massacre que ses opposants planifient depuis longtemps contre les Alaouites. Ils représentent environ 11 % de toute la population de Syrie.
Dans son dernier discours, le président syrien a avoué au grand jour qu’il se trouvait dans l’obligation d’abandonner le contrôle de grandes parties de la Syrie, le Sud, le Nord et l’Est. « Le retrait de ces régions a pour but de sauvegarder d’autres zones plus importantes », a expliqué Bachar al-Assad. Il a admis que l’armée syrienne était bien épuisée après quatre années de combats acharnés. « Nous n’avons pas d’assez de combattants pour lutter sur tout le territoire de la Syrie », a-t-il précisé avec amertume.
Assad a chaleureusement remercié l’Iran et le Hezbollah pour leur important soutien et souligné qu’il n’était pas isolé sur le champ de bataille.
Le président Assad tente maintenant de limiter les dégâts. Il va redéployer ses troupes et s’assurer qu’il pourra toujours gouverner, du moins dans le nouvel Etat alaouite qui sera installé le long du littoral.
Pour faire avancer ses pions dans ce sens, Assad encourage le renforcement de la présence iranienne dans la région et estime que les puissances mondiales devront prendre en compte les intérêts et les revendications de Téhéran dans le nouveau Moyen-Orient qui se dessine.
Assad estime par ailleurs que la menace de Daesh est plus dangereuse que celle de son propre régime et qu’il est donc important de mobiliser les forces iraniennes pour stopper le danger omniprésent de l’Etat islamique. Il pense que l’Iran est toujours disposé à le soutenir et se félicite du message du Guide spirituel qui a confirmé son engagement à son égard après la signature à Vienne de l’accord sur le nucléaire.
Ali Khamenei avait déclaré le 18 Juillet 2015 que « l’accord signé avec les Occidentaux ne changera point la politique iranienne au Moyen-Orient ni les relations avec Washington. L’Iran continuera à soutenir ses alliés en Palestine, au Yémen, en Syrie, en Irak, à Bahreïn et au Liban. »
Quant à la Turquie, Assad voit dans la nouvelle position d’Ankara à l’égard des Kurdes, et surtout de Daesh, un changement stratégique du Président Erdogan. Ce changement de cap pourrait jouer à long terme en faveur de la Syrie car il y soulagera le fardeau de la guerre civile.
Soulignons que les Kurdes de Syrie proclament ouvertement le souhait de créer un Etat dans le nord de la Syrie. Assad estime que les Kurdes de Syrie, comme ceux d’Irak et de Turquie, peuvent s’unir un jour contre Erdogan et, de fait, pourront apporter lui porter allégeance ainsi qu’au régime syrien.
Ankara craint en revanche la création d’un Etat alaouite en Syrie car il constituerait un fâcheux précédent qui facilitera l’établissement d’un Etat kurde dans le nord de la Syrie, sur la frontière commune de plus de 900 km.
Une intervention turque dans les combats en Syrie contre les opposants au régime de Damas sert en réalité les intérêts de Bachar al-Assad.
Quant à la Russie, elle poursuit ses efforts diplomatiques pour promouvoir l’initiative du président Poutine d’établir une coalition contre Daesh, ce qui assurera le pouvoir du régime alaouite de Bachar al-Assad.
Cette initiative russe a été présentée le mois dernier au ministre saoudien de la Défense ainsi qu’au ministre syrien des Affaires étrangères lors de sa visite à Moscou. Les Russes souhaitent former une coalition avec la Syrie, l’Arabie saoudite, la Jordanie et la Turquie pour combattre ensemble contre Daesh.
Le journal libanais Al-Akhbar, considéré comme l’organe du Hezbollah, a rapporté le 30 juillet 2015 que le chef du Bureau de la sécurité nationale syrienne, le général Ali Mamelouk, avait rencontré à Riyad le ministre saoudien de la Défense, le prince Mohammed ben Salmane. Selon le journal, cette rencontre a été menée sous les auspices de la Russie, le général syrien étant arrivé à Riyad dans un avion russe mis spécialement à sa disposition par Poutine. Certes, cette rencontre s’est déroulée dans un climat très tendu et chaque partie a accusé l’autre d’être responsable de la guerre civile en Syrie, mais tous ont convenu de poursuivre les négociations.
Rappelons que l’Arabie Saoudite soutient financièrement et militairement la coalition des rebelles syriens et agit contre le régime d’Assad, exigeant le retrait de l’Iran et du Hezbollah du territoire syrien.
En conclusion, nous constatons que contrairement à toutes les prédictions, et après quatre années de combats acharnés, Bachar al-Assad a réussi à maintenir son pouvoir. Toutefois, il est aujourd’hui contraint de renoncer à une grande partie de la Syrie, et d’accepter de facto la partition de son pays en se contentant de la création d’un petit Etat alaouite le long du littoral.
Les derniers développements survenus dans la région depuis la signature de l’accord de Vienne sur le nucléaire joueront en faveur de Bachar al-Assad et lui permettront de régner, tant bien que mal, plusieurs mois encore.
Yoni Ben Menahem
Pour citer cet article :
Yoni Ben Menahem, «Un Etat alaouite sur la côte syrienne », Le CAPE de Jérusalem : http://jcpa-lecape.org/un-etat-alaouite-sur-la-cote-syrienne/