Un diplomate a-t-il le droit de critiquer la politique de son gouvernement?
L’affaire de notre consul à Boston, a versé beaucoup d’encre et Haaretz lui a consacré son éditorial. Avigdor Lieberman a réprimandé le consul et a demandé son rappel à Jérusalem. Le diplomate a avoué qu’il a commis une faute. Il s’est expliqué devant son patron direct et il est reparti à Boston pour reprendre ses activités. Ce n’est pas la première fois que des diplomates critiquent la politique de leur propre gouvernement et que leurs propos sont divulgués à la presse. Les fuites diplomatiques sont depuis longtemps un mal israélien et personne à ce jour n’a réussi à museler les diplomates comme d’ailleurs les ministres trop bavards. Dans cette nouvelle affaire, les clivages politiques sont clairs et la majorité des observateurs ont donné raison au consul et ont plutôt appelé à la démission de Lieberman…
Les ministres et les directeurs du ministère des Affaires étrangères se succèdent et rares aujourd’hui sont les diplomates de métier. Depuis la période d’Abba Eban, le père de la diplomatie israélienne, le ministère des Affaires étrangères est devenu plus politisé. Il n’est plus capable d’influer sur les décisions gouvernementales cruciales. Aux Etats-Unis, à l’élection d’un nouveau président, tous les ambassadeurs démissionnent et une nouvelle administration est mise sur pied. C’est logique, comment un diplomate du camp démocrate peut-il expliquer clairement la politique d’un gouvernement républicain? Comment un diplomate avec des convictions de gauche pourra influer son interlocuteur que la politique dirigée par la droite est la meilleure? Cette anomalie n’explique pas t-elle l’érosion de l’image d’Israël et la raison selon laquelle la politique israélienne est très mal interprétée et mal diffusée au sein des chancelleries et dans la presse internationale?
La diplomatie est une affaire de spécialistes dans un monde interdépendant ou tous nous dépendons de chacun. C’est un vrai métier, exigeant des aptitudes, un ensemble de connaissances et des règles d’action. Un proverbe anglais dit: ” le secret de la diplomatie est de mesurer ses partenaires sans se mesurer à eux”.
La négociation secrète et les tractations dans les coulisses sont les règles d’un art en dépit des changements planétaires intervenus ces dernières années. La diplomatie classique demeure la meilleure dans un monde de conflits.
Liebermann souhaite réformer le ministère des Affaires étrangères et changer les prérogatives. C’est son droit et les diplomates doivent suivre. Ils sont des fonctionnaires, des serviteurs de l’Etat.
Les relations entre les Etats doivent gagner en transparence, en simplicité, en sincérité. Si l’on veut que les peuples comprennent les enjeux, y adhèrent, les partagent, il faut qu’ils puissent appréhender les éléments de chaque situation. Le parler vrai, le parler simple, le parler direct va devenir un impératif de la scène internationale comme il l’est devenu de la scène nationale. Obtenir des résultats, affronter des réalités, se dire des choses semble pour une méthode toujours préférable, à celle qui consiste à contourner les problèmes, à emprunter un langage codé et à imaginer que le temps, voire la perte de temps, finit toujours par arranger les choses. Le débat international n’est pas abstrait ni lointain. Les menaces d’aujourd’hui – le terrorisme, le nucléaire iranien et l’avenir du processus de paix avec les Arabes doivent être une stratégie d’ensemble et bien expliquée. La politique étrangère doit s’appuyer sur des intérêts israéliens et une vision claire du monde.
Les diplomates ont le devoir d’informer les changements en cours et conseiller des formules adéquates. Ils doivent le faire discrètement et dans les forums spécialisés. Un diplomate qui ne partage pas les directives de son ministre et de son gouvernement doit avoir le courage de le dire publiquement mais il est aussi dans l’obligation de donner sa démission et attendre impatiemment des jours meilleurs pour sa carrière. C’est le jeu démocratique que tous doivent respecter scrupuleusement.