Un consulat américain pour les Palestiniens est inadmissible à Jérusalem

Alan Baker

Le 25 mai 2021, le secrétaire d’État Antony Blinken a rencontré à Ramallah le chef de l’OLP Mahmoud Abbas, dans le cadre d’une série de mesures destinées à « s’engager avec le peuple palestinien et lui apporter son soutien ». Blinken a annoncé l’intention de l’administration américaine de rouvrir l’ancien consulat général américain à Jérusalem.

En 2019, suite à la reconnaissance américaine de Jérusalem comme capitale de l’Etat d’Israël, le consulat a donc fusionné avec la nouvelle ambassade des États-Unis, transférée de Tel-Aviv à Jérusalem.

L’intention déclarée du secrétaire d’État de rouvrir l’ancien consulat général soulève des questions juridiques et politiques complexes qui nécessitent un examen approfondi.

Rappelons que la mission consulaire des États-Unis à Jérusalem a été créée en 1844 avec les encouragements des sionistes chrétiens américains,  alors que Jérusalem faisait encore partie de l’Empire ottoman. 

A l’époque il avait pour but de fournir « une assistance humanitaire et juridique aux Américains vivant en Terre Sainte et de protéger les minorités contre les pratiques ottomanes discriminatoires ». Le consulat américain offrait des services administratifs aux missionnaires chrétiens et Juifs de « Palestine ».

En 1947, le président Truman a soutenu le « plan de partage de la Palestine » recommandé par l’Assemblée générale des Nations Unies dans sa résolution 181(III) du 29 novembre 1947. Ce plan recommandait la création de deux États, un État arabe et un État juif, avec un statut international distinct pour Jérusalem.

Alors que cette recommandation a été acceptée par Israël, tous les États arabes l’ont rejetée et ont déclaré la guerre pour étouffer dans l’œuf le nouvel Etat Juif.

Au cours de la guerre d’indépendance d’Israël, Jérusalem-Est et Jérusalem-Ouest sont passées respectivement sous le contrôle des forces jordaniennes et israéliennes. Israël a par la suite déclaré Jérusalem comme « sa seule et éternelle capitale », et en 1950 déplaça le siège de son gouvernement de Tel-Aviv à Jérusalem.

Alors que les États-Unis et d’autres pays avaient officiellement reconnu Israël comme un État souverain, ils se sont abstenus de reconnaître la souveraineté d’Israël sur une partie quelconque de Jérusalem, conformément à leur idée d’internationaliser la ville sainte. Ils ont choisi d’installer leurs ambassades à Tel Aviv, et certains États ont choisi de maintenir leurs consulats historiques de Jérusalem en tant que missions consulaires distinctes pour traiter avec les résidents de Jérusalem et les Palestiniens.

Dans ce contexte, le consulat américain de Jérusalem est resté totalement indépendant de l’ambassade des États-Unis en Israël, relevant directement du département d’État américain, comme s’il était le représentant d’une autre entité politique.

L’ancien consulat américain de Jérusalem fonctionnait comme une entité indépendante, distincte de l’ambassade américaine en Israël, servant principalement de mission diplomatique pour la population arabe des territoires et de l’Autorité palestinienne.

Les accords d’Oslo de 1995 permettent aux États étrangers de maintenir des « bureaux de représentation » dans les zones contrôlées par l’Autorité palestinienne afin de faciliter la mise en œuvre des accords de coopération au profit de l’Autorité. 

Cela semblait être la formule appropriée pour toute représentation américaine via la direction et le peuple palestiniens.

U.S. Embassy, Jerusalem

(Benoit Soubeyran/CC BY 2.0)

Avec la reconnaissance par les États-Unis en 2017 de la souveraineté d’Israël sur l’ensemble de Jérusalem, toute nouvelle mission consulaire en Israël exigerait, conformément à la pratique consulaire internationale pertinente, le consentement préalable d’Israël.

Il est donc improbable qu’Israël puisse donner son consentement à la réouverture d’un consulat américain à Jérusalem en tant que mission indépendante en Israël, au service d’une entité politique étrangère, celle de l’Autorité palestinienne et les résidents des zones sous son contrôle.

La reconnaissance officielle américaine de la souveraineté d’Israël à Jérusalem a établi une nouvelle situation juridique bilatérale qui a remplacé l’ancienne politique de non-reconnaissance, par laquelle les États-Unis ont reconnu l’application de la loi israélienne à Jérusalem.

En tant que telle, une relation consulaire mutuellement acceptée entre Israël et les États-Unis est basée sur la Convention de Vienne de 1963 sur les relations consulaires à laquelle Israël et les États-Unis sont parties. L’article 4 détermine que les postes consulaires, ou tout autre bureau faisant partie d’un poste consulaire, ne peuvent être établis sur le territoire de l’ Etat de résidence qu’avec le consentement de cet Etat. 

De même, les articles 7 et 8 de la convention exigent que l’exercice des fonctions consulaires vis-à-vis d’un autre État ou pour le compte d’un autre État nécessite un agrément spécifique.

De toute évidence, la réouverture de l’ancien consulat à Jérusalem, dont la juridiction serait censée couvrir les relations avec les dirigeants palestiniens, les organes gouvernementaux palestiniens et les résidents palestiniens des territoires, dont aucun n’est soumis à la souveraineté d’Israël, serait politiquement et juridiquement problématique à la lumière de la nouvelle situation depuis 2017 d’acceptation formelle par les États-Unis de la souveraineté d’Israël à Jérusalem et de l’application de la loi israélienne dans la ville.

L’ouverture par les États-Unis d’un tel bureau de représentation à Ramallah, ou n’importe où ailleurs dans les territoires sous gouvernance palestinienne, serait conforme à la documentation du processus de paix convenue par Israël et les Palestiniens et soutenue par les États-Unis, et ne serait pas exiger le consentement d’Israël, dans la mesure où la loi israélienne n’est pas appliquée dans ces domaines.

Voir l’intégralité de l’article et ses références sur le site anglais du Jerusalem Center

https://jcpa.org/article/a-u-s-consulate-for-the-palestinians-should-be-on-palestinian-territory-not-in-jerusalem/