Un arrangement Iran-Etats-Unis : « flexibilité héroïque »
Le 8 mai 2020, jour anniversaire de l’imam Hassan, le Guide suprême, Ayatollah Khamenei, avait affirmé : « Je crois que l’imam Hassan était le plus grand héros de l’histoire de l’islam… Il était prêt à se sacrifier pour faire avancer ses objectifs, il a accepté la paix pour le bien de l’islam. »
En 2013, lors des négociations sur l’accord nucléaire, Khamenei avait inventé le terme de « flexibilité héroïque », qui apparaît également dans son ouvrage sur la « Paix de l’imam Hassan ».
L’allusion de Khamenei à la « flexibilité héroïque » a été considérée comme un feu vert pour promouvoir l’accord sur le nucléaire, finalement signé à Vienne le 14 juillet 2015.
Le récent rappel de Khamenei signale que l’Iran traverse une crise économique très grave accentuée par les sanctions et la pandémie de coronavirus. Dans ce nouveau contexte, les Ayatollahs cherchent une issue rapide, un compromis avec les États-Unis sur la question nucléaire. Il pourra donner un second souffle à l’économie et calmer ainsi la grogne et les protestations de la population.
La pandémie de coronavirus a considérablement aggravé la détresse iranienne. Elle a causé une baisse spectaculaire des prix du pétrole et la fermeture des ports des Émirats arabes unis, utilisés par l’Iran pour contourner les sanctions.
Jusqu’à ce jour et malgré cette situation difficile il faut dire que l’Iran poursuit ses objectifs et sa stratégie concernant le programme nucléaire ainsi que son rôle d’influence régionale dans le golfe Persique, le Yémen, la Syrie et le Liban.
Même s’il autorise une période d’accalmie avec les États-Unis, Khamenei ne souhaite pas qu’on se souvienne de lui comme ayant cédé à l’Amérique, et donc il continuera à appliquer ses objectifs.
Le porte-parole du gouvernement iranien Ali Rabiei a annoncé que l’Iran était prêt à un échange de prisonniers avec les États-Unis sans conditions préalables. Il a précisé que des contacts avec les États-Unis ont déjà été entamés sur cette question par la section des intérêts iraniens à l’ambassade du Pakistan à Washington, mais Washington n’a toujours pas répondu.
Le ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, a affirmé qu’il avait déjà évoqué la proposition d’un échange de prisonniers en septembre 2018 à la session de l’Assemblée générale des Nations unies. Il a déclaré : « L’Iran est prêt à échanger tous les prisonniers américains en échange de prisonniers iraniens aux États-Unis et dans les pays sous son influence. »
48 heures plus tard, le 12 mai 2020, Zarif dément tout contact et déclare : « Les Américains sont indignes, on ne peut leur faire confiance. Il est temps qu’ils changent de comportement et cessent à chaque fois de trouver des excuses. »
La dernière fois que l’Iran et les États-Unis ont échangé des prisonniers, c’était en 2019. Les Iraniens ont libéré l’étudiant Xiyue Wang, emprisonné pendant trois ans pour espionnage ; les Américains ont libéré le chercheur iranien, Massoud Soleimani, accusé d’avoir violé les sanctions. Si un échange de prisonniers est effectué, il pourrait s’agir de Michael White, un vétéran de la marine américaine arrêté en Iran en 2018, et de Baqer et Siamak Namazi, ressortissants irano-américains. En revanche, les États-Unis avaient expulsé le professeur iranien Sirous Asgari, soupçonné d’avoir volé des secrets commerciaux.
Depuis l’apparition du virus Covid 19, l’Iran a mené une nouvelle diplomatie de circonstance qui vise à éroder les sanctions américaines pour des raisons humanitaires. Jusqu’à présent, cet effort n’a enregistré que des succès partiels et n’ont pas amélioré la situation économique. L’Iran n’a pas non plus réussi à convaincre les pays européens, toujours signataires de l’accord sur le nucléaire. Le mécanisme européen qui permet un contournement des sanctions, INSTEX, a en effet été utilisé une fois seulement au mois de mars pour un transfert d’une aide humanitaire.
Malgré la crise et les sanctions, l’Iran poursuit ses objectifs pour obtenir une bombe atomique et étendre son hégémonie dans le golfe Persique, le Yémen, la Syrie et le Liban. L’Iran continue d’opérer dans ces pays même après l’élimination de Qasem Soleimani, chef de la brigade el Qods par les Américains. L’Iran continue à défier les États-Unis dans le Golfe persique en provoquant une série d’incidents avec des navires américains. Téhéran agit également en coulisses pour nommer Mustafa al Kazimi au poste de Premier ministre tout en encourageant les milices chiites d’attaquer des intérêts américains en Irak.
L’Iran poursuit ses activités militaires en Syrie, malgré et en dépit de certaines informations selon lesquelles il avait réduit ses troupes et ses interventions. Ces jours-ci, Abu Faisal Sirlak, un « conseiller » des Gardiens de la révolution a été tué en Syrie.
Dans l’arène diplomatique, il est prévu au mois d’octobre prochain un affrontement au Conseil de sécurité sur la reprise de l’embargo sur les armes, imposé à l’Iran par la Résolution 2231. Les États-Unis ont déjà exigé de maintenir l’embargo tandis que la Russie, la Chine et certains pays de l’UE s’y opposent.
En conclusion, nous constatons que depuis la révolution islamique de 1979, l’Iran a été confronté à des pressions internationales et régionales mais il les a surmontées malgré le lourd tribut.
Toutefois, même si on s’achemine à une accalmie dans les relations entre l’Iran et les États-Unis, le Guide suprême, Khamenei, ne changera guère sa stratégie ni ses objectifs. Rappelons que l’Amérique est en pleine campagne présidentielle et le candidat du parti démocrate, Joe Biden, semble soutenir l’accord nucléaire signé avec l’Iran contrairement à la ferme position du président Trump.