Trump sort des sentiers battus au détriment d’Israël ?
Le président Donald Trump est imprévisible et pense différemment, sa devise est toujours « out of the box ». Il refuse d’obéir aux règles de la diplomatie classique. C’est un homme pressé qui souhaite vivement des résultats immédiats, sans trop réfléchir au lendemain ; l’essentiel est de gagner la partie et tirer des bénéfices. Durant son premier mandat, cette approche n’a pas réussi avec la Chine, ou la Corée du Nord mais elle avait eu un impact considérable au Moyen-Orient. Trump avait abrogé le traité signé avec l’Iran sur le projet nucléaire, il a imposé de robustes sanctions contre le régime chiite islamique, et également contre la Syrie de Bachar el Assad. Puis, il a permis une normalisation diplomatique de l’Etat d’Israël avec les Emirats arabes Unis et le Maroc dans le cadre des Accords d’Abraham, tout en promettant d’élargir le cercle avec l’Arabie saoudite et d’autres pays arabo-musulmans.
Après une traversée du désert de quatre ans, l’infatigable businessman, retourne à la Maison Blanche et reprend le chemin de la péninsule arabique. Il consolide la puissance américaine au Moyen-Orient et signe de nombreux contrats dans divers domaines et fournit de nouvelles armes sophistiquées pour des montants faramineux, inimaginables dans des affaires commerciales entre deux pays.
Avec des dollars plein les poches, Trump rencontre à Ryad le nouveau maître islamiste de la Syrie, Ahmed el Charaa, malgré que ce dernier figure sur une liste noire et sa tête est mise à prix par les autorités américaines. Il qualifie le chef djihadiste « d’homme charmant », lui propose de se joindre aux Accords d’Abraham et promet de lever immédiatement toutes les sanctions contre son pays.

Le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane avec le président américain Donald Trump et son homologue syrien Ahmed al-Sharaa. (Bandar Al-Jaloud/Palais royal saoudien)
Ignore-t-il que cette hâte naïve renforce les mouvements islamistes d’arriver au pouvoir ? A-t-il oublié les retombées du « printemps arabe » avec la montée de Daesh, le cas de Mohamed Morsi, représentant la confrérie des frères musulmans en Egypte, celui devenu en 2012 le président du plus grand pays arabe, après la chute du Moubarak. Ne sont-ils pas des exemples frappants qui prouvent clairement que l’islamisme est incompatible avec les valeurs démocratiques. Trump n’avait-il pas, critiqué amèrement Barack Obama et Joe Biden pour n’avoir pas réagi énergiquement contre les révoltes dans les pays arabes ?
Voilà pourquoi il est interdit de faire de concessions trop rapides aux Islamistes, et il est toujours nécessaire de garder à sa disposition des leviers d’action et des moyens de pressions. C’est le cas aussi pour l’Iran. Comment pouvoir signer un accord qui permettrait aux ayatollahs de se doter de l’énergie nucléaire « à des fin pacifiques » sans avoir de solides garanties sur l’enrichissement de l’uranium qui faciliterait la production d’une bombe atomique. En offrant une centrale nucléaire également à l’Arabie saoudite et en renforçant son arsenal militaire, nous ne risquerons pas d’une prolifération dangereuse de l’arme atomique dans une région encore instable et explosive.

Le Premier ministre Netanyahou est reçu à la Maison Blanche par le président américain Donald Trump (GPO)
Pour aboutir à la signature de gros contrats, les Occidentaux sont donc capables de négocier même avec le diable, avec des dictateurs et des régimes obscurs. Une politique mercantile qui n’a pas variée depuis l’époque coloniale.
Devant ce tournant dans la diplomatie américaine, les résultats de la tournée de Trump en Arabie pourront être bénéfiques sous plusieurs conditions dont celle qui permettrait à Israël de s’associer aux différents acteurs et pour nous éviter un isolement dans l’arène régionale et surtout internationale.
Lors de sa dernière tournée dans notre région, Trump a exclu une visite à Jérusalem. Certains observateurs ont conclu que le président américain est fort déçu de Benjamin Netanyahou et ce malgré tous les démentis. Au fil des ans, nous avons assisté à des malentendus, des frictions et des crises parfois graves avec les Etats-Unis mais les relations n’ont jamais abouti à la rupture ou au divorce, mais chez les Américains il n’existe pas de repas gratuits…
Depuis sa victoire présidentielle le 6 novembre 2023, Donald Trump avait exigé de mettre un terme à la guerre et de proposer un plan pragmatique pour libérer les otages et déloger le Hamas du pouvoir pour pouvoir poursuivre la normalisation avec l’Arabie saoudite et remodeler la donne géopolitique au Moyen-Orient.
Nétanyahou a fait la sourde oreille en poursuivant les combats de plus belle. Il a eu tort. Certes, les affaires internationales ne se règlent pas ainsi, par un coup de baguette magique et cette politique de Trump souvent zigzag et elle n’est pas toujours crédible. A chaque fois, il nous surprend. Son comportement imprévisible nous inquiète beaucoup car il renforce le camp arabe et risque d’ébranler l’équilibre des forces dans notre région. Pourtant, les Américains savent parfaitement qu’un affaiblissement de l’Etat juif agirait contre les intérêts des Etats-Unis au Moyen-Orient.
Toutefois, nous pouvons rectifier le tir. Dans ce nouveau contexte et avant de provoquer le pire, Nétanyahou devra mettre un terme à la guerre et libérer les otages.
Nous avons la chance d’avoir un président américain qui est un grand ami d’Israël et du peuple juif.
Une normalisation avec Ryad changerait complètement la donne géopolitique dans notre région et sur le plan planétaire. Le prince héritier, Mohamed ben Salman, pourrait être un partenaire crédible si nous lui proposons un plan pragmatique qui apportera des bénéfices et des garanties à toutes les parties concernées.
Washington renforcerait sa position dans la région au détriment de l’Iran, de la Chine et de la Russie. Un accord tripartite USA-Arabie-Israël faciliterait une aide substantielle aux Palestiniens, offriront une stabilité dans la région, apporteront des gages à l’Egypte et à la Jordanie mais aussi aux Libanais qui souhaitent mettre un terme à leur crise permanente.
C’est clair, il n’y a pas d’autre alternative à l’alliance avec l’Amérique et nous devrions la sauvegarder tout en adoptant une politique indépendante mettant nos intérêts sécuritaires en priorité.
32 ans après le fiasco des Accords d’Oslo, un accord de paix avec l’Arabie saoudite n’est guère une utopie et le rêve peut devenir une belle réalité pour tout le Moyen-Orient. Le monde sunnite et Israël en profiteront largement sur tous les plans et domaines.
Soulignons que le conflit arabo-israélien ne se limite jamais à un seul pays ou un territoire, ni à un peuple ou une organisation. Il est indéfectiblement attaché au monde arabo-musulman dirigé par l’Arabie saoudite. Ryad représente vingt et un États arabes face à un seul État juif. Le pèlerinage à la Mecque concerne tous les musulmans de la planète.
Proposons donc une nouvelle initiative dans le sillage de la Conférence internationale réunie à Madrid en octobre 1991 juste après la Première guerre du Golfe.
Malgré toutes les contraintes, saisissons donc cette opportunité pour notre propre avenir. En revanche, si Nétanyahou est toujours têtu, veut poursuivre la guerre sans un règlement politique à l’horizon, pour satisfaire essentiellement sa coalition, eh bien, l’alternance devient urgente pour assurer notre avenir dans cette région du monde.