Tariq Ramadan, le faux prophète de «l’islam moderne» en Occident
La nouvelle « affaire Ramadan » marque peut-être la fin de la carrière de celui que beaucoup considéraient comme un intellectuel musulman brillant, et qui a bénéficié d’une large aura médiatique, en France notamment.
Celui que certains voulaient voir comme le promoteur d’un islam moderne est en réalité un adepte du double discours et un propagandiste des Frères musulmans, dans la droite lignée du fondateur de la confrérie, Hassan Al-Banna, qui était son grand-père.
Dans mon livre Le Sabre et le Coran *, première analyse de longue haleine consacrée à Ramadan et à sa famille parue en 2005, je me suis employé à décrypter son double discours sur des concepts fondamentaux comme ceux de djihad ou de shahada (témoignage).
Avec habileté, Ramadan a su jouer de l’ignorance de ces notions au sein de ses auditoires occidentaux pour accréditer l’idée d’un islam européen, moderne et inoffensif. Le plus étonnant, au-delà des révélations sur son activité de « prédateur sexuel », est le fait que Ramadan ait pu donner le change si longtemps.
Comme souvent dans ce genre d’affaires, on entend aujourd’hui de nombreuses voix affirmant que « cela se savait » ou qu’elles « étaient au courant », ce qui pose évidemment la question de l’impunité dont Ramadan a bénéficié depuis le début de sa carrière médiatique, il y a une quinzaine d’années. Comment a-t-il pu tromper autant de gens pendant aussi longtemps, tant sur sa personnalité que sur ses opinions ?
Pour répondre à cette question, il faut analyser la stratégie de pénétration mise en place par Tariq Ramadan. Comme je l’ai montré dans mon étude sur la famille Ramadan et les Frères musulmans, cette stratégie s’inspire très précisément de celle élaborée par son grand-père, Hassan Al-Banna, lors de la création du mouvement des Frères musulmans. A savoir, l’instauration de réseaux et de « partenariats » entre la mouvance islamiste et des alliés potentiels en Occident. C’est grâce à cette stratégie qu’il est parvenu à s’ériger en « islamologue » reconnu et admiré, avec le soutien de trois types de personnes qui ont eu affaire à lui, que je désignerai comme les compagnons de route, les naïfs et les opportunistes.
Les compagnons de route sont ceux qui ont accepté en pleine connaissance de cause de se rallier à lui, au nom d’une affinité idéologique ou d’un ennemi commun. Les exemples ne manquent pas : citons ceux des journalistes Edwy Plenel et Alain Gresh (du Monde diplomatique), ce dernier ayant cosigné avec Ramadan un livre intitulé L’islam en questions. Parmi les autres compagnons de route, moins visibles mais tout aussi efficaces, figurent certains membres de la Ligue de l’enseignement, des hommes d’Eglise comme le père Michel Lelong, ou des islamologues comme François Burgat ou Bruno Etienne.
Dans la deuxième catégorie, celle des « naïfs », se trouvent des gens, souvent de parfaite bonne foi, qui ont sincèrement pensé que Ramadan était un « réformateur », et un intellectuel musulman capable d’ouvrir l’islam à la modernité. Dans cette catégorie figurent notamment plusieurs catholiques engagés dans le dialogue islamo-chrétien, tel le père Christian Delorme, surnommé le « curé des Minguettes », qui a longtemps été proche de Tariq Ramadan. Il a ensuite fait son mea culpa et a déclaré que Ramadan était quelqu’un de dangereux, expliquant que « c’est un homme qui a une pensée totalitaire, même s’il sait la présenter sous un emballage plutôt sympathique, brillant et souriant. Je suis convaincu que Tariq Ramadan cultive une haine profonde de l’Occident… ». La troisième catégorie, celle des opportunistes, regroupe ceux qui, tout en comprenant le caractère dangereux de Ramadan, ont préféré garder le silence, voire accepté de le soutenir sur certains sujets, par opportunisme et pour des motivations diverses.
Ramadan n’est pas un prédateur sexuel ordinaire. En dénonçant ses actes et en le jugeant pour ses délits, il sera peut-être possible d’aborder enfin la question cruciale de la conception de la femme véhiculée par les mouvements islamistes. Souhaitons que la chute de Tariq Ramadan soit aussi l’occasion d’une prise de conscience des dangers de l’islam politique des Frères musulmans pour l’Occident.
Pierre Lurçat
* Le Sabre et le Coran, Tariq Ramadan et les Frères musulmans à la conquête de l’Europe, éditions du Rocher, 2005. Publié sous le nom de plume de Paul Landau.
Illustration : Tariq Ramadan ( crédit Irfan kottaparamban)
Pour citer cet article :
Pierre Lurçat, « Tariq Ramadan, le faux prophète de “l’islam moderne” en Occident », Le CAPE de Jérusalem, publié le 7 février 2018: http://jcpa-lecape.org/tariq-ramadan-le-faux-prophete-de-lislam-moderne-en-occident/