Sans accord crédible l’Iran va vers l’inconnu atomique
La prolongation des discussions avec l’Iran est sans doute préférable à un échec cuisant des pourparlers ou à la signature d’un mauvais accord. Cependant, tant qu’il n’y aura pas de traité crédible et définitif les Occidentaux ne peuvent se réjouir et devraient au contraire être plus vigilants et intransigeants. Il faut reconnaître que dans la récente bataille diplomatique sur la suspension des sanctions et l’avenir du projet nucléaire, les Ayatollahs ont brouillé les cartes et dicté l’ordre du jour. Ils sourient ironiquement, enchantés de marquer des points. Ils peuvent enfin se frotter les mains avec satisfaction. Ils prouvent aux Occidentaux que dans le bazar oriental ils demeurent orfèvres en la matière. Avec ruse et un marchandage habile, Téhéran revient dans l’arène internationale avec de nombreux atouts dans son jeu. A Vienne, le chef de la diplomatie iranienne était le point de mire, il fut courtisé par les grandes puissances comme s’il détenait la clé de toutes les solutions de la planète, le véritable sésame !
Désormais, la stratégie iranienne de la corde raide fonctionne. La République islamique chiite détient en effet la clé de l’avenir géopolitique de notre région. Dorénavant, c’est elle qui fera la pluie et le beau temps au Liban, en Syrie, en Irak et aussi à Gaza. Face à l’émergence de l’Etat islamique sunnite (Daesh) l’Iran est une puissance incontournable pour les Occidentaux, et de ce fait, tout accord sur l’avenir du projet nucléaire devrait prendre en considération sa position et ses caprices hégémoniques.
Dès le départ, les Occidentaux ont cédé honteusement en négociant avec un pays islamique qui prône ouvertement la destruction de l’Etat Juif. Avant toute négociation ont-ils exigé des Ayatollahs de mettre un terme à leurs intentions belliqueuses et incendiaires dans la région? De cesser leurs activités terroristes ? De mettre un terme aux violations et aux infractions des droits de l’Homme ? A la chasse aux opposants par les cruels Gardiens de la Révolution ? Aux arrestations systématiques et aux pendaisons quotidiennes ?
Depuis de nombreuses décennies le programme nucléaire iranien est controversé et empoisonne les relations internationales. Soulignons avec force que c’est bien grâce à Israël que les Iraniens n’ont pas réussi à fabriquer jusqu’à ce jour une bombe atomique. Depuis plusieurs années le gouvernement Netanyahou a réussi à focaliser l’attention internationale sur le dossier nucléaire iranien et échange de précieux renseignements avec les Occidentaux. Sans ses informations sur le terrain, les Occidentaux auraient signé un mauvais accord à Vienne.
Cependant, avec la prolongation des négociations, le président Obama accorde à Téhéran la légitimité d’achever son programme atomique et de continuer à fabriquer des missiles à ogives nucléaires. Espérons que le nouveau Congrès américain freinera les intentions de la Maison Blanche et mettra un terme à une politique étrangère américaine naïve et irréfléchie. Rappelons que c’est le président américain Eisenhower qui avait facilité dès 1953 le développement d’un projet nucléaire par le shah Mohammad Reza Pahlavi. Signataire en 1968 du Traité de non-prolifération atomique(TNP), l’Iran n’a pas paraphé à ce jour le texte qui impose des restrictions en matière de recherches dans le domaine de l’armement nucléaire. Longtemps le projet atomique iranien fut gelé, et c’est en 2002 qu’une première centrale fut construite par la Russie à Bouchehr, suivie d’une installation de l’uranium à Natanz, et une autre, à l’eau lourde, à Arak.
En juin 2013, et après huit années tumultueuses avec Mahmoud Ahmadinejad, on a assisté soudain à un grand tournant dans la politique occidentale. Malgré le pouvoir incontesté des conservateurs soutenus par les Gardiens de la révolution des voix s’élèvent toujours pour la levée des sanctions et un rapprochement avec l’Iran. Elu président, Hassan Rohani, a lancé habilement une « campagne de charme » en s’affirmant prêt à des « négociations sérieuses ». Sa diplomatie a rapidement gagné la sympathie de l’opinion internationale et surtout des grandes entreprises étrangères assoiffées de pouvoir signer des contrats.
A la tribune de l’ONU, Rohani assure que l’Iran ne « représente pas une menace » et Obama, lui, persiste et signe. Désormais, les discours véridiques de Netanyahou ne sont plus pris au sérieux dans la presse, ni par une partie de la classe politique israélienne et ni même par certains anciens généraux. Ses menaces de lancer une attaque contre l’Iran sont hélas ridiculisées sans vergogne et interprétées comme une sorte d’avertissement sans fondement pour pouvoir gagner des points diplomatiques, exercer des pressions sur les Occidentaux et empêcher tout accord.
La vérité est tout autre car la menace iranienne est bien existentielle, et de ce fait l’option militaire n’a jamais été écartée. Nous avons connu le même scénario avec la centrale nucléaire irakienne mais Menahem Begin, lui, a agi rapidement et avec force. Il avait rejeté les promesses de François Mitterrand de geler le projet atomique irakien. Begin a bombardé la centrale de Bagdad, « Osirak », en juin 1981, quatre semaines seulement après l’élection de Mitterrand à l’Elysée.
Aujourd’hui, la France demeure très vigilante sur la prolifération nucléaire mais ne peut influer réellement sur les négociations en cours car l’Amérique d’Obama joue son va-tout malgré l’éventuel cauchemar du terrorisme atomique.
En dépit des turbulences dans le monde arabe, la guerre civile interminable en Syrie, l’échec du processus de paix avec les Palestiniens, l’émergence de l’Etat islamique, le Président Obama a pris, à tort ou à raison, une décision stratégique pour un rapprochement avec l’Iran. Il se trouve renforcé pour promouvoir avec les Ayatollahs une « alliance » contre Daesh, en échange de la levée des sanctions, un compromis dans le domaine nucléaire, mais aussi un maintien conditionné de Bachar el Assad au pouvoir. Cette attitude américaine, bien que critiquable, est mise déjà à l’épreuve avec un certain succès en dépit des protestations et avertissements de Netanyahou, et des craintes alarmantes de l’Arabie saoudite et des pays du Golfe.
Il est regrettable que les Occidentaux lient le dossier iranien avec la question palestinienne et le combat contre Daesh. Bien qu’il n’y ait aucun rapport direct entre les dossiers, il est clair que l’absence du processus de paix avec les Palestinien isole l’Etat juif dans son combat contre l’Iran.
Nous voilà seuls devant une menace existentielle mais aussi sans partenaires pour réagir militairement. Devant ce triste bilan, nous devrions compter, une fois de plus, que sur nous-mêmes !
Freddy Eytan