Relancer un partenariat stratégique avec l’Afrique

Yechiel M. Leiter

Yechiel M. Leiter, le nouveau Directeur général du Jerusalem Center a récemment participé à une conférence régionale réunie à l’Institut d’études sur la paix et la sécurité (IPSS) d’Addis-Abeba.

Sur le thème, les défis de la sécurité nationale dans la Corne de l’Afrique, la conférence a réuni des diplomates et des universitaires de plusieurs pays africains, notamment d’Éthiopie, d’Égypte, de Djibouti, du Maroc, du Kenya, de Somalie, du Soudan et d’Ouganda. Voici des extraits de son intervention :

Depuis l’avènement du sionisme et la renaissance de l’Israël, il existe un fort lien idéologique entre Israël et le continent africain. L’existence d’un partenariat stratégique entre l’Éthiopie et Israël remonte aux temps bibliques, depuis le roi Salomon et à la reine de Saba.

Israël contribue à « l’ordre mondial » en s’opposant aux États hostiles et à leurs mandataires. L’Etat juif collecte et partage des renseignements, le savoir-faire militaire et, si nécessaire, des opérations militaires. Il contribue à la croissance économique et au développement humain grâce à des technologies de pointe dans les domaines de l’agriculture, de la médecine, de la cohésion sociale et culturelle.

Il existe de nombreux points où nos intérêts convergent. L’un de ces domaines concerne la sécurité des voies maritimes en mer Rouge et dans l’océan indien. Ils combattent la contrebande de la drogue, des armes et d’autres formes de corruption.

Yechiel M. Leiter

Un important domaine de coopération est celui de la sécurité alimentaire. Nous devrions conceptuellement déplacer la sécurité alimentaire du domaine social et économique au domaine de la sécurité nationale. La sécurité nationale comprend la capacité de nourrir la population du territoire souverain.

Imaginons, pour exemple, des vaches éthiopiennes produisant 30 ou 40 litres de lait par jour au lieu des 2 ou 3 qu’elles produisent aujourd’hui. Imaginons la mise en place d’une industrie agricole qui cultive des alternatives au blé. Israël a une riche expérience technologique dans plusieurs zones agricoles.  

Pendant des décennies, l’absence d’une paix viable au Moyen-Orient est fortement  lié à la création d’un État palestinien. Cette conception a sans doute empêché un partenariat complet et stratégique avec les pays africains. Pourtant, les accords d’Abraham signés avec Bahreïn, les Émirats arabes unis, le Soudan et le Maroc, confirment que les intérêts nationaux prévalent.

Les visites en Afrique du Premier ministre Benjamin Netanyahu, en Afrique de l’Est en 2016 et en Afrique de l’Ouest en 2017, ont relancé un partenariat naturel initié par la ministre israélienne des Affaires étrangères, Golda Meir, dans les années 1960.

Ces visites ont été effectuées au moment où existe un sentiment croissant de désordre international. Il nécessite une plus grande cohésion régionale et une coopération entre les différents acteurs.

La seconde moitié du XXe siècle a été symbolisée par l’ordre mondial. Pendant la majeure partie de cette période, il s’agissait d’un ordre bipolaire, un monde clairement divisé selon des lignes de fracture idéologiques qui se traduisaient par des frontières géographiques rigides entre les États satellites des superpuissances.

Avec l’éclatement de l’Union soviétique, nous sommes entrés dans une période unipolaire, un nouvel ordre mondial, avec une prédominance et un leadership américains.

Mais visiblement cela n’a pas duré longtemps. Après la décision des États-Unis de ne plus être le « gendarme du monde », les intentions de la Russie, et la montée déterminée de la Chine, l’hégémonie américaine s’est transformée en un “moment unipolaire” éphémère. Résultat : dans de nombreuses régions du monde, c’est plutôt le chaos.

C’est ce qui rend le régionalisme si important. Israël n’est pas seulement le berceau des trois grandes religions monothéistes, il se situe également au carrefour, littéralement, de trois continents. C’est pourquoi les anciens cartographes l’ont placée, en particulier Jérusalem, au centre du monde. C’était une déclaration de vérité géographique autant que théologique.

Israël contribue à “l’ordre mondial” non pas en tant que policier ou superpuissance gardant un œil sur la liberté des voies maritimes mais par son savoir-faire dans tous les domaines. 

Israël est un pays d’immigrants originaire de plus d’une centaine de pays, avec des langues et des cultures différentes. Et pourtant, il a l’un des taux de développement économique des plus rapides de la planète avec un taux d’endettement national par habitant le plus bas des pays de l’OCDE. Fer de lance en matière de progrès technologique. Israël a obtenu plus de brevets échangés à la bourse du Nasdaq que la Chine, l’Inde et la Russie réunies.

Ainsi, nous avons réussi à canaliser les schismes sociaux potentiels, les tensions culturelles et même les haines religieuses vers un développement social productif et une croissance économique qui ont profité à tous les citoyens du pays, pas seulement aux élites.

On entend souvent des accusations de “racisme” et même le vilain terme “apartheid” lancé contre Israël dans certains médias et dans les forums internationaux. C’est une accusation tellement ridicule et mensongère qu’elle équivaut à une nouvelle forme de diffamation qui ne mérite pas l’attention.

Dans « l’apartheid » en Israël, un juge arabe de la Cour suprême a envoyé le président de l’Etat juif en prison et durant sept ans…Quarante pour cent de nos pharmaciens sont issus du secteur arabe, chrétien et musulman, ainsi que vingt-cinq pour cent de nos médecins. Tous formés sur un pied d’égalité dans nos universités financées par le gouvernement. Chaque année, le nombre de conscrits arabes dans les rangs des Forces de défense israéliennes augmente.

Israël est si « raciste » que des dizaines de milliers de familles de plusieurs pays de la Corne d’Afrique ont littéralement traversé le désert du Sinaï, bravant des épreuves inimaginables, pour arriver enfin à la Terre promise.

Ces accusations sont ridicules et ne visent qu’à délégitimer, discréditer et diaboliser Israël dans le but de de creuser un fossé entre Israéliens et Africains.

Un règlement pacifique de la crise des eaux du Nil est également d’une importance capitale. L’Égypte a été le premier pays arabe à signer un traité de paix avec nous, un traité qui a résisté à l’épreuve des temps difficiles – plus de 40 ans. Nous pouvons intervenir dans ces domaines ainsi que dans bien d’autres. Mais le seul domaine critique de coopération sur lequel je voudrais mettre l’accent est celui de la sécurité alimentaire, ou plutôt de l’insécurité alimentaire.

C’est un triste commentaire sur la race humaine, vraiment difficile à saisir, que près d’un milliard de personnes s’endorment le ventre vide chaque nuit. Les autorités estiment qu’au cours de l’année écoulée, plus de 150 millions de personnes sont entrées dans le cycle de la malnutrition. Nous savons tous que la faim, la sécheresse, le manque d’eau et le contrôle des terres arables prolongent également les conflits. 

Les mesures prises pour faire face au changement climatique ne changeront pas la situation dans un avenir prévisible. La guerre russo-ukrainienne a créé une pénurie désespérée de blé.  

Les universités et les groupes de réflexion peuvent, et doivent en effet, jouer un rôle clé dans la promotion de la responsabilité. 

La toute première chose que nous devrions faire est de déplacer conceptuellement la sécurité alimentaire du domaine social et économique au domaine de la sécurité nationale. La sécurité nationale n’est pas seulement une question de chars, d’avions et de soldats mais le pain quotidien. C’est la capacité de nourrir les gens.

Nous devons produire davantage d’aliments riches en protéines pour lutter contre la faim et la malnutrition. L’avenir est ici, sur ce continent, mais nous devons nous y préparer.

Cette vision est au-delà des Accords d’Abraham, c’est bien l’Alliance d’Abraham.

La Bible nous dit qu’Abraham, Isaac et Jacob ont tous été forcés de quitter la terre promise et de séjourner en Égypte à cause de la famine, à cause de l’insécurité alimentaire. C’est l’arrière-petit-fils d’Abraham, Joseph, qui, sur le continent africain, a mis fin à la faim et a apporté la sécurité alimentaire non seulement à sa famille mais à toute la région.

Voir l’intégralité de l’intervention sur le site en anglais https://jcpa.org/article/reenergizing-the-israel-africa-strategic-partnership/

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