Quand la Suède s’incline devant l’Arabie saoudite ou le triomphe de la Realpolitik

wikipedia-zmMargot Wallstrom, ministre suédoise des Affaires étrangères, s’est permis de semoncer l’Arabie saoudite sur la question des droits de l’Homme. Révoltée par la terrible punition imposée à Raif Badawi, blogueur saoudien reconnu coupable d’insulte à l’Islam – prison à vie assortie de mille coups de fouet – elle a condamné fermement cette sentence.

Une sentence en effet scandaleuse, mais qui reflète fidèlement l’état des droits de l’Homme – ou plus exactement l’absence de droits de l’Homme – non seulement en Arabie Saoudite mais dans presque tous les pays de l’Islam. Une situation qui devrait être fustigée par le concert des nations « éclairées ». Malheureusement, des considérations géopolitiques et les intérêts nationaux l’emportent sur les impératifs de moralité.

D’ailleurs les pays membres de l’Union européenne, et pas seulement la Suède, ont tendance à se montrer « compréhensifs » vis à vis de leurs minorités musulmanes qui n’acceptent pas leurs lois et cherchent à vivre leur vie suivant les principes de la Charia.

Et on a vu le président Obama : plutôt que de participer à la marche de solidarité contre le terrorisme à Paris, il s’est empressé de se rendre en Arabie saoudite justement pour féliciter le roi Salman, qui venait d’accéder au trône et présenter ses condoléances pour le décès de son prédécesseur, en se gardant bien d’évoquer le sort du blogueur.

Wallstrom était invitée à une réunion de la Ligue Arabe pour parler des droits de l’Homme. Les membres de la Ligue Arabe n’avaient probablement pas très envie de l’écouter mais il fallait bien remercier Stockholm de ses prises de position anti-israéliennes et de la reconnaissance accordée à un Etat palestinien qui n’avait pas encore vu le jour. L’Arabie saoudite, qui n’a pas apprécié la leçon que prétendait lui donner la Suède, a bloqué sa venue.

On aurait pu en rester là, mais Margot Wallstrom n’avait pas encore compris. Elle a eu des propos très durs sur le système judiciaire saoudien ; le gouvernement suédois a annoncé que l’accord de coopération militaire entre les deux pays ne serait pas reconduit à son expiration en mai. En représailles, l’Arabie saoudite rappela son ambassadeur, condamna vigoureusement la façon dont la Suède s’immisçait dans les affaires intérieures de son pays et affirma hautement que le système judiciaire saoudien était indépendant et reposait sur la Charia.

Une déclaration assortie de la menace d’une réévaluation des relations entre les deux pays. L’octroi de visas aux hommes d’affaires suédois fut suspendu et les médias saoudiens se déchaînèrent contre Stockholm, soulignant notamment que la Suède avait beaucoup à perdre, la balance commerciale étant largement en sa faveur. Pire, les Emirats arabes unis rappelèrent également leur ambassadeur. Trente pays arabes, dont l’Egypte, condamnèrent les propos de la ministre ; le Conseil de la Coopération du Golfe, l’Organisation de la coopération islamique et la Ligue Arabe leur emboitèrent le pas.

La Suède se retrouva bien seule devant ce front islamo-arabe ; les milieux d’affaires du pays paniquèrent devant la menace. Le ministre des affaires économiques convoqua en catastrophe l’union des industriels ; Wallstrom, sommée de donner des explications au parlement, en fut réduite à souligner le rôle de premier plan que jouait l’Arabie saoudite, tant au Moyen Orient que sur la scène internationale, et à déclarer que la Suède attachait une grande importance à ses relations avec ce pays.

Elle ajouta qu’elle était convaincue que ces relations, hautement appréciées, redeviendraient rapidement normales. Mieux, elle affirma haut et fort qu’elle n’avait jamais voulu offenser l’Arabie saoudite et n’avait jamais critiqué l’Islam. Allant plus loin encore, elle déclara qu’elle était en faveur du dialogue entre les religions en Suède et que, d’ailleurs, des fonds considérables étaient alloués aux Musulmans pour leur permettre d’assumer un plus grand rôle dans la société suédoise.

Bref, à entendre la ministre, qui ne tarissait pas d’éloges sur l’Islam et sur l’affection qu’elle portait à l’Arabie saoudite, on aurait pu croire que la Suède n’avait pas meilleur ami. Pourtant les Saoudiens ne se laissaient pas attendrir….

Alors Wallstrom fit appel au roi de Suède.  Dans un surprenant communiqué, Carl Gustave XVI exprimait son inquiétude vu la situation et déclarait avoir convoqué sa ministre des Affaires étrangères pour en discuter. La mesure était visiblement destinée à apaiser le courroux de son royal collègue saoudien. Or, conformément à la constitution et à la tradition suédoises, le roi ne dispose d’aucune fonction opérationnelle ; lorsque par le passé il s’est hasardé à donner son opinion sur des questions politiques il a été l’objet de critiques féroces de la part de la presse et des partis. Qu’il ait été appelé en dernier recours montre bien la profondeur de la crise. La Suède allait à Canossa.

Ce pays si prompt à juger les autres, qui se pose en défenseur des droits de l’Homme partout dans le monde, venait d’abandonner ses principes pour sauver ses intérêts économiques. Evidemment, cela ne concernait que l’Arabie saoudite et certainement pas Israël, qui ne pèse pas du même poids sur le plan économique. Tout de même, le communiqué de l’Organisation de la Coopération islamique, rapporté par le Washington Post le 24 mars, en a fait sourire plus d’un en Israël : « La Suède ne peut prétendre à une quelconque autorité morale pour passer des jugements unilatéraux et des catégorisations morales sur d’autres. »

 

On remarquera la rapidité et l’efficacité de la riposte du roi Salman, qui a assumé ses fonctions il y a à peine deux mois. A l’heure où le Moyen Orient est en crise et où les pays sunnites sont en danger tant l’Iran shiite intensifie ses interventions directes et indirectes, Salman a voulu montrer qu’il assumait son rôle de leader du monde sunnite. En faisant de l’accusation de violation des droits de l’Homme une critique de l’Islam, il s’assurait du soutien de tous les pays et de toutes les organisations arabes. L’Arabie saoudite est le berceau de l’Islam et son souverain est le « gardien des lieux saints de la Mecque et de Médine. »

Jugeant que la leçon était suffisante, Salman a commandé à son ambassadeur de retourner à Stockholm. Les Suédois ont sans doute compris que l’intérêt économique primait sur la défense des droits de l’Homme. En attendant, leur gouvernement a annoncé que le pays s’apprêtait à accueillir davantage encore de réfugiés venus des pays arabes.

Il devrait pourtant méditer sur le fait que sa minorité musulmane en pleine expansion aspire ouvertement à imposer la Charia dans l’ensemble du pays. Comme en Arabie saoudite.

Zvi Mazel


Pour citer cet article : 

Zvi Mazel, « Quand la Suède s’incline devant l’Arabie saoudite ou le triomphe de la Realpolitik », Le CAPE de Jérusalem : http://jcpa-lecape.org/quand-la-suede-sincline-devant-larabie-saoudite-ou-le-triomphe-de-la-realpolitik/