Prochaines élections palestiniennes – les enjeux

Yossi Kupervasser

Le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, a annoncé la tenue d’élections législatives pour le 22 mai 2021, suivies des élections présidentielles le 31 juillet 2021.

Abbas et le mouvement Fatah qu’il dirige estiment que de nouvelles élections et une réconciliation apparente avec le Hamas pourront remettre sur les rails et en priorité le processus de la solution du dossier palestinien, mis dernièrement à l’écart suite aux Accords d’Abraham.

Ils souhaitent également procéder à un changement dans la conduite de la gestion des affaires et une modification dans le comportement à l’égard d’Israël, comme l’incitation à la haine et à la violence, le paiement des salaires des terroristes et de leurs familles, ainsi que la campagne de dénigrement contre l’Etat Juif au sein des institutions internationales.

Une nouvelle conduite apparente pourra donc améliorer l’image de marque de l’Autorité palestinienne et justifiera l’intention de la nouvelle administration américaine de renouveler leur aide économique, rétablir des relations diplomatiques directes, de rouvrir le bureau de l’OLP à Washington et le consulat américain à Jérusalem.

Abbas estime que de nouvelles élections apaiseront la grogne au sein de la rue palestinienne et prouveront à la communauté internationale ses bonnes intentions. En réalité, il présentera une fausse impression d’union entre les divers factions et courants, tout en garantissant le maintien du statu quo sur le terrain et un règne incontesté en Cisjordanie et dans la bande de Gaza.

 

Palestinian faction leaders gathered in Cairo

(WAFA)

Le Hamas est impatient d’organiser des élections pour ses propres raisons. Le mouvement islamique cherche à maintenir son contrôle sur toute la bande de Gaza et à garantir une légitimité internationale. Certains au sein de la nouvelle administration américaine, tels que Hadi Amr et Robert Malley, plaident d’ailleurs dans ce sens.

Une éventuelle reconnaissance du Hamas comme mouvement politique légitime bafoue les trois conditions préalables énoncées par le Quatuor international :

  • Reconnaissance de l’État d’Israël.
  • Mettre un terme définitif aux actes terroristes.
  • Accepter tous les accords signés entre Israël et l’OLP (Accords d’Oslo 1 et 2)

Du point de vue d’Abbas, l’administration Biden a l’intention de renouveler le processus politique international pour régler le problème palestinien avec l’Union européenne sur la base de la résolution 2334 du Conseil de sécurité de l’ONU adoptée le 23 décembre 2016 (trois semaines seulement avant la fin du mandat présidentiel de Barack Obama).

Cette résolution avait « exigé d’Israël qu’il arrête immédiatement et complètement toutes ses activités de peuplement dans le Territoire palestinien occupé, y compris à Jérusalem-Est ».

Les nominations d’Américains d’origine palestinienne et arabe à des différents postes à la Maison Blanche et au Département d’État ont été accueillis avec satisfaction à Ramallah.

L’espoir palestinien se renforce également suite à la décision de la Cour Pénale internationale d’enquêter sur des crimes de guerre présumés commis par des soldats de Tsahal et de la timide réaction américaine sur ce sujet.

Rappelons que les dernières élections palestiniennes ont eu lieu en 2006 et à l’époque, l’entité palestinienne n’était qu’une « Autorité » et ne se définissait pas comme un « État », même parmi les Palestiniens.

Saleh Abdel Ahad

Saleh Abdel Ahad (Egypt State Information Service)

Abbas avait alors accepté les conditions du Hamas sur la manière de conduire les élections, conduisant ainsi à la victoire du Hamas (bien qu’il n’ait pas obtenu la majorité des voix). Cette fois-ci, Abbas sera prudent et exigera plus de transparence dans le but d’assurer le maintien du statu quo sur le terrain, une victoire claire du Fatah, la continuité du pouvoir et le contrôle de l’Autorité palestinienne.

L’empressement du Hamas à organiser des élections renforce considérablement la capacité d’Abbas à atteindre son objectif.

Au-delà du Hamas, Abbas devra veiller à ce que les élections se déroulent de manière à empêcher ses adversaires du Fatah, dirigés par Muhammad Dahlan (en exil) et Marwan Barghouti (en prison) de contester son pouvoir et son contrôle sur le Fatah et l’Autorité. Abbas est déterminé à empêcher Dahlan de se présenter aux élections présidentielles sous prétexte qu’il a été accusé de corruption. Pour l’heure, on ignore toujours comment il fera face au défi posé par Barghouti, et à la possibilité que le Fatah ne se présente pas sur une seule liste unifiée. Mais il ne fait aucun doute qu’Abbas a l’intention d’agir fermement sur ces questions. S’il ne parvient pas à ses fins, il pourrait éventuellement annuler les élections.

Mahmoud Abbas semble convaincu – à juste titre – que les États-Unis, l’Europe et même le Hamas accepteront de le soutenir. La position attendue d’Israël ne le dérange guère. Il suppose qu’avec le soutien américain, il sera en mesure de contraindre Israël à accepter tout programme qui satisferait les Palestiniens concernant le vote des résidents arabes installés à Jérusalem-Est. Cela est vrai s’il garantit que les élections ne porteront pas atteinte au statut de l’AP en Judée et Samarie ou ne conduiront pas à la prise du pouvoir au sein de l’AP par le Hamas ou d’autres mouvements extrémistes.

Dans le passé, le Fatah et le Hamas ont réussi à conclure des accords de réconciliation (2011, 2012, 2014) et ont même formé un gouvernement d’unité de technocrates (2014) qui a fonctionné pendant environ un an. 

En fait, les objectifs qu’Abbas et le Fatah sont d’établir un État palestinien dans des frontières d’avant juin 1967 (avec quelques échanges limités de terres) et avec Jérusalem-Est comme capitale. Ainsi résoudre le problème des réfugiés sur la base de la reconnaissance du « droit au retour ». 

Selon eux, ces objectifs seront atteints sans que les Palestiniens reconnaissent Israël comme l’État-nation du peuple juif, c’est-à-dire, sans renoncer à l’objectif à long terme d’éliminer la présence sioniste sur toute la terre d’Israël / Palestine. La voie pour atteindre cet objectif est une lutte tous azimuts : politique, juridique, culturelle, économique notamment par de violents moyens.

Jusqu’à présent, Israël s’est abstenu de commenter officiellement les prochaines élections palestiniennes. Il semble qu’Israël n’ait pas encore formulé de position et n’a pas encore défini ses objectifs pour résoudre le problème. L’une de ses préoccupations demeure sur la manière dont les élections se dérouleront à Jérusalem. Après la reconnaissance américaine de la ville sainte comme la capitale d’Israël, la souveraineté sur la ville devrait être démontré au grand jour. En revanche, cela ne nie pas le droit des résidents arabes de voter aux élections pour l’Autorité palestinienne. Israël ne veut certainement pas une confrontation avec la nouvelle administration sur ce sujet épineux. Par conséquent, il est probable qu’Israël autorisera une formule qui ne remettra pas en question la souveraineté d’Israël sur la ville sainte.

Voir l’intégralité de l’article sur le site du JCPA-CAPE en anglais

https://jcpa.org/article/what-drives-the-palestinian-reconciliation-and-election-processes/